Alors que depuis la pandémie et les remises en question qu’elle a pu occasionner, la reconversion a le vent en poupe, certains profils ont déjà connu plusieurs réorientations professionnelles. Non par dépit ni à cause d’un échec ou d’une erreur d’aiguillage, mais par goût pour le changement de cap, après avoir fait le tour d’un métier ou par opportunité. Et il n’y a pas d’âge pour bifurquer, comme le montrent ces trois témoignages pleins d’entrain et de passion.
Séraphim Marignane, 27 ans : de barman à souffleur de verre en passant par cowboy et chef de rang
Séraphim se donne à fond dans tout ce qu’il fait : malgré son jeune âge, il a déjà connu de multiples expériences professionnelles. « Je voulais faire le moins d’études possibles parce que je ne tiens pas assis deux minutes à un bureau. J’ai débuté adolescent dans les cuisines de mon père à Aubagne, comme pâtissier. Mon seul diplôme est un bac pro suivi en alternance à Marseille, dans la commercialisation et le service en restauration. » Le jeune bachelier devient saisonnier hiver comme été, à commencer par Megève. « J’étais dans un restaurant d’altitude et je rentrais du travail avec mon snowboard ! Le soir, je travaillais dans un bar. » En plus d’être hyperactif, il a la bougeotte : de Saint-Tropez à Avoriaz, des bateaux de croisière dans le Pacifique à la Corse, de l’Arabie Saoudite au Liban… Après avoir assuré différents postes (chef de rang, barman, responsable de bar), il passe general manager, supervisant la création de deux restaurants à Dubaï : « On me donnait le thème, le budget, la date d’ouverture et je me débrouillais, un peu comme dans le jeu vidéo les Sims ! Je dessinais des éléments de déco pour les faire fabriquer. Je trouvais la verrerie magnifique et ça m’a donné envie d’être souffleur. J’ai donc décidé de tenter d’intégrer une école, bien que traumatisé par le système scolaire… » Il rentre en France à l’été 2020 et, en attendant de trouver un atelier de soufflage de verre qui l’accepte comme apprenti, il est embauché dans un ranch en Dordogne, tenu par une famille de dresseurs de chevaux : « Pendant huit mois, j’étais cowboy : j’ai même appris à me servir d’un lasso, c’est stylé ! » Il fait environ 70 demandes auprès de souffleurs de verre pour suivre son CAP en alternance, en vain. « À 25 ans, je leur coûtais plus cher qu’un très jeune candidat… En désespoir de cause, je me suis tourné vers la Belgique où j’ai rencontré mon mentor, début 2022. Je l’ai observé dans les moindres détails pendant six mois : je scannais les mouvements de ses mains, de sa gorge pour repérer l’intensité du souffle… Comme j’apprends généralement assez vite, je pratiquais pendant une heure lorsqu’il déjeunait. » Par hasard, il apprend qu’Arribas, une entreprise installée en banlieue parisienne, recrute un souffleur à la canne et il postule en septembre 2022, avec succès : « Tous les jours, je me régale : c’est formateur car je dois tout faire. J’ai une chance folle ! »
A lire aussi : 5 parcours de reconversion avant 30 ans
Sandrine Melot, 39 ans : de banquière à institutrice en passant par commerçante
En découvrant qu’elle était reçue au concours de professeurs des écoles en juin dernier, Sandrine a eu l’impression d’avoir gravi une montagne : « C’est la profession que je n’avais jamais osée faire mais qui me tenait à cœur. » Elle y avait pensé après le bac, en intégrant la fac de géographie. « Finalement, cela ne m’a pas plu et comme j’avais un job étudiant à l’accueil d’une agence bancaire, j’ai eu l’opportunité d’être embauchée lors du départ d’une collègue, explique-t-elle. J’ai évolué en interne pendant dix ans, en tant que conseillère puis responsable clientèle particuliers. Mais j’en ai eu assez des longs trajets pour aller travailler et j’ai souhaité me reconvertir, sans savoir dans quel domaine. À 30 ans, j’avais envie de m’installer à mon compte pour vraiment savoir ce que je valais, car j’avais pâti d’un manque de considération et de reconnaissance dans mon précédent poste. » Son mari lui suggère le réseau spécialisé en nutrition, NaturHouse : « La franchise est un cadre rassurant et j’ai ouvert ma boutique à Houilles, ville des Yvelines où je réside, précise Sandrine. J’ai recruté une diététicienne, profil complémentaire au mien : je lui apprenais la vente, le relationnel avec les clients, leur fidélisation, etc. » Au bout dix ans, elle choisit d’arrêter, fin janvier 2023 : « J’avais fait le tour du métier et la pandémie a entraîné une baisse d’activité. S’est de nouveau posée la question de savoir ce que je voulais faire. Une amie s’était reconvertie dans l’enseignement et une petite voix dans ma tête me disait que je n’en étais pas capable, car je n’étais pas une très bonne élève et je n’appréciais pas spécialement l’école. Mais une autre me soufflait « C’est maintenant ou jamais » et m’incitait à essayer car j’aime apprendre, communiquer et former, comme je l’avais fait avec ma collaboratrice diététicienne. Et puis je veux me sentir utile. » Elle prépare donc le concours dès septembre 2022, toute seule, avec des cours à distance. « Je n’avais pas de plan B et j’ai vécu un stress intense, avec beaucoup de doutes, se souvient-elle. Au début, c’était une souffrance de lire trois lignes et d’essayer de les retenir. Et puis j’ai réussi à muscler ma mémoire ! » Une reconversion très différente des précédentes, de son propre aveu : « La création d’entreprise, c’était une fierté. La réussite actuelle, une revanche sur la période où j’étais écolière. Cette nouvelle étape arrive à un moment où je suis plus mûre, où j’ai davantage de recul. Je me sens mieux armée et plus sereine pour donner un cours. » Et de conclure, en guise de conseil : « Que ce soit le passage à l’entrepreneuriat ou la préparation du concours pour être institutrice, la clé de la réussite dans chaque reconversion est d’être soutenu par ses proches : c’est un projet de famille, avant tout. »
A lire aussi : Reconversion : à attendre que tout soit parfait, vous ne vous lancerez jamais !
Elodie Bourrigault, 41 ans : la vente sous toutes ses formes
Si elle est toujours restée dans sa région d’origine, près de Nantes, Elodie a régulièrement changé de poste, avec une constante : la vente. « J’ai touché à tous les concepts possibles, résume-t-elle. De la vente à domicile, quand j’étais étudiante puis comme créatrice d’entreprise, à la grande distribution en passant par le porte-à-porte et la gestion de ma propre boutique. » Elle a débuté par un bac pro Commerce en alternance dans une grande surface : « Le contact avec les consommateurs me plaisait mais je voulais davantage les accompagner. J’ai suivi un BTS Assurance en alternance et j’aimais aller à la recherche des besoins pour conseiller au mieux les clients par rapport aux produits proposés. » Une fois diplômée, elle est embauchée par un groupe de prévoyance en tant que commerciale de terrain et, pendant un an, fait du porte-à-porte et des rendez-vous à domicile. « J’ai développé les capacités de recommander, fidéliser et tisser un réseau, » analyse-t-elle. Elle continue à creuser ce sillon à la Carac, la mutuelle des anciens combattants, pendant cinq ans. Puis elle a l’opportunité de travailler avec son mari, installé comme dépanneur informatique à domicile, car un local voisin se libère. Ayant des profils complémentaires, ils ouvrent un commerce de vente et réparation de matériel informatique, elle s’occupant de la gestion, du service, de la relation client, durant neuf ans. « Quand on a eu 30 ans et notre troisième enfant, on a vendu notre affaire, explique Elodie. Je suis redevenue conseillère commerciale dans les assurances et mutuelles, mais c’était difficile de revenir au salariat… » Fin 2019, elle se lance dans la vente à domicile, mode de distribution le plus adapté pour sensibiliser à la démarche zéro déchets, selon elle : « J’ai créé ma propre marque durable et éthique, « Ici le bonheur est fait maison », et constitué mon réseau de vente directe, avec des effectifs qui ont atteint jusqu’à cent personnes. Malheureusement, à cause de la pandémie, il était très compliqué d’organiser des réunions et ateliers chez les gens. J’ai donc cédé ma société à l’une de mes vendeuses, à l’été 2022. » En formant ses équipes, elle s’est découvert une vocation pour le partage et la transmission, d’où la nouvelle étape de sa carrière : l’enseignement. Elle vient de réussir les épreuves pour être titularisée comme prof de commerce-vente en bac pro éco-gestion, après un an et demi comme remplaçante.
A lire aussi : 10 podcasts inspirants pour se reconvertir