Réorienter sa carrière professionnelle quand on a moins de 30 ans ? Non, ça n’est pas trop tôt ! Il ne faut pas hésiter à bifurquer si l’occasion se présente… voire la provoquer. Toutes les voies restent ouvertes, l’énergie est intacte et l’engagement total, comme le montrent les cinq témoignages de jeunes gens prometteurs pour qui l’avenir est porteur.
Charlotte Majorel et Victor Heck : de la finance au tourisme d’affaires
« Nous avons quitté Paris fin mai 2019, le jour de la transhumance, » s’amuse Victor Heck, qui travaillait, comme sa femme, en tant qu’analyste financier. Lui originaire de Marseille, elle de l’Aveyron, terre où ils ont choisi de s’installer : « Non pas à cause d’un burn-out ni d’une envie de tout plaquer pour élever des chèvres dans l’Aubrac, ajoute l’entrepreneur de 30 ans. Mais pour un projet à deux plein d’ambition. » Ils ont créé les Clés de l’Aubrac à l’été 2019, afin d’organiser des séminaires sur mesure pour les comités de direction sur ce plateau perché entre Pyrénées et Massif central. « Nous proposons à nos clients un cadre atypique pour permettre une réflexion sur leur entreprise, expliquent-ils. Nous voulons faire de cet environnement exceptionnel une source d’inspiration. » Promouvoir, en le préservant, ce terroir auquel ils sont attachés, ses habitants, ses paysages, son artisanat, donne du sens à leur nouveau travail. « Nous n’avons pas lâché deux CDI avec des voies toutes tracées pour galérer, poursuit Victor. Nous voulons du challenge et une meilleure qualité de vie. Nous nous inscrivons dans un temps long : on n’est pas des anonymes, on noue de vraies relations humaines. À Paris, l’absence d’horizon et le fait de ne pas connaître nos voisins de palier nous dérangeaient. Donc même si ça ne marche pas, on restera ici. » Ils s’épanouissent malgré des débuts difficiles à cause de la pandémie. « Cela n’a pas remis en cause notre projet car on savait que la dynamique allait s’inverser, que le recentrage sur le territoire français allait intervenir, précise Charlotte. On a dû patienter mais on avait sécurisé notre situation financière. Et aux personnes qui nous ont mis en garde en disant qu’on risquait de s’ennuyer en quittant la capitale, on assure qu’on ne voit pas le temps passer quand on lance une boîte ! » Et Victor de conclure : « Etre jeune est un atout dans l’entrepreneuriat car sans enfant, on a moins de charge mentale. »
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Pierre Garcia : de la restauration aux ascenseurs
La reconversion de ce natif de Lyon est née d’une nécessaire reconstruction, au sens littéral. Il est parti, à 21 ans, comme serveur sur l’île de Saint-Martin, dans les Caraïbes. Or, en 2017, l’ouragan Irma a tout dévasté, y compris sa maison. Par chance, il était en vacances en France et s’est alors remis en question : « J’avais bien profité de ma jeunesse, il était temps que je me pose, que je sois plus sérieux et que je construise quelque chose de solide dans ma vie. » Il a arrêté ses études à 18 ans, après avoir décroché un BEP aide animateur soins équins car il aurait voulu être moniteur d’équitation. Sans autre formation, il se voit contraint de continuer à travailler dans la restauration à son retour en France, à Mâcon, en Bourgogne. « Mais ce secteur est trop instable et j’ai décidé de me reconvertir. J’ai été embauché dans la grande distribution pour charger et décharger des palettes au rayon des eaux. C’est là que j’ai rencontré ma compagne et que j’ai compris qu’il fallait que je me forme pour stabiliser ma situation, fonder une famille. » Après s’être essayé à la boulangerie et au bâtiment, il accepte une formation en ligne dans la comptabilité, proposée par Pôle emploi : « Le problème c’est que je ne me sens pas capable de rester dans un bureau. » Il repère alors une annonce de Schindler pour devenir technicien ascensoriste, en deux mois et demi. « Ce n’était pas évident de retourner sur les bancs de l’école dix ans après, se souvient-il. Il m’a fallu apprendre la mécanique, les composants électroniques… heureusement ce sont des enseignements très concrets et le stage a mis en pratique la théorie pour monter des ascenseurs et en assurer la maintenance. Le prof était très bon pédagogue, on était bien encadré et l’esprit d’équipe, dans ma petite promotion très soudée, a aidé. » Pierre a tenu bon pour le CDI à la clé, signé en février, et parce que c’est un secteur porteur en termes d’emploi : « Je cherche une entreprise où faire carrière, pas juste un job. Même si, à l’origine, je n’y suis pas venu par passion, je suis emballé. C’est un métier très intéressant et de contact, avec une dimension relationnelle auprès des habitants. » L’idée de leur être utile grâce à ses interventions donne du sens à sa nouvelle mission.
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Leslie : du consulting en développement durable au polissage de bijoux
La jeune trentenaire parisienne a toujours été fascinée par la joaillerie et la bijouterie. Après un master à Sciences Po en développement durable, elle devient consultante indépendante dans ce domaine : « Il y a huit ans, j’ai commencé à ressentir le besoin de concret. Mon métier, très intellectuel, m’a conduite à l’épuisement professionnel et j’ai donc décidé de me reconvertir. » Par l’association des anciens élèves de Sciences-Po, elle entend parler de l’Avarap, structure qui accompagne les personnes dans leur nouveau projet professionnel. « Le programme de six mois m’a permis de faire le bilan de ma vie, de mes valeurs, de mes goûts et de mes compétences, dans une dynamique collective, au sein d’un groupe de douze participants. » Elle se pose de nombreuses questions dont « Est-ce que mon métier doit avoir une utilité sociale ? Avant, c’était une évidence et puis je me suis autorisée à m’interroger à ce sujet et, aussi, à envisager de gagner mieux ma vie. Accordant beaucoup d’importance à l’esthétique, j’avais envie d’être entourée de beauté. Le polissage de bijoux le permet : j’aime ce geste artisanal. » Apporter la touche finale à un objet précieux convient tout à fait à son caractère : « J’ai une appétence pour la minutie et la précision, pour les choses bien faites rendues attrayantes. Je crée des effets de surface, je travaille les finitions… » Elle se forme en apprentissage pendant deux ans chez Chaumet : « Plusieurs personnes m’ont dit qu’à mon âge, je ne pouvais pas être alternante, ce qui est faux ! J’espère poursuivre mon expérience professionnelle dans cette maison. Je préfère pour l’instant être salariée : je ne suis pas prête à m’installer à mon compte car j’ai connu le statut d’indépendante durant mes premières années de carrière… »
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Nathan Marseault : de l’enseignement au marketing
« Je m’imaginais prof de lettres mais j’ai tenu un an dans un collège bordelais, résume le désormais Parisien de 29 ans. J’ai démissionné car je trouvais que ce métier était très dégradé en termes de conditions de travail et de pouvoir d’achat. Il souffre d’un manque de reconnaissance et de moyens pour bien faire. Et puis être fonctionnaire et entrer dans un système avec des jalons posés d’avance pour les quarante prochaines années, sans place pour l’imprévu, ce n’était pas pour moi ! » Frustré de ce constat, après six années passionnantes à la fac et l’obtention du Capes, il rebondit rapidement : « Je me suis dit que c’était mieux de ne pas trop attendre pour reprendre des études. Je me suis donné un an de réflexion pour trouver un projet, en partant en Nouvelle-Zélande. J’en ai profité pour parfaire mon anglais et me demander quelles compétences et connaissances j’avais développées, dans quel secteur et à quel poste les transférer. » Capacité d’analyse, qualités rédactionnelles, aisance dans la prise de parole… De retour en France, il se tourne vers le marketing et la communication en obtenant un master en innovation et intelligence culturelle à Paris. « Cette formation s’est déroulée en alternance dans une entreprise que j’avais choisie car proche de l’univers des sciences humaines. » Il s’agit de Moodwork, qui développe des solutions pour la santé mentale au travail et qui l’a embauché une fois diplômé, en 2021. « Depuis janvier dernier, je suis responsable marketing et j’ai donc rattrapé le retard en recommençant une carrière à 28 ans. »
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Clément Msika : de la psychologie à la cuisine
« Je me suis d’abord dit que j’avais passé dix ans à étudier pour rien, reconnaît le tout juste trentenaire d’origine francilienne. Après un master de psychologie cognitive à Nanterre, je voulais être maître de conférences puis professeur d’université et je me suis donc lancé dans une thèse sur le vieillissement cognitif. Mais, au bout de trois ans, la pandémie m’a empêché de mener les expérimentations auprès de personnes âgées. J’ai commencé à douter et abandonné définitivement fin 2021. » Dans sa réorientation, il est aidé par sa tante qui travaille dans les ressources humaines et lui fait remarquer qu’il parle de plus en plus de cuisine : « Depuis tout petit, j’aime ça, et bien manger surtout ! J’ai décidé de tenter ma chance en préparant, pendant deux semaines, des repas dans le cadre d’un séminaire d’une association où travaille ma compagne. Pour cela, j’ai créé mon statut de micro-entrepreneur et j’ai renouvelé l’expérience à plusieurs reprises. » Fin 2022, il se forme grâce à Cuisine, mode(s) d’emploi. Huit semaines très intenses pour devenir commis. « C’était très stimulant. J’ai adoré et j’ai dû tout désapprendre car la cuisine professionnelle est très différente de la pratique en amateur ! » Il effectue un stage de trois semaines dans un bistro parisien puis chez Onor : il s’agit du nouvel établissement de Thierry Marx dans la capitale, chef qui a cocréé, en 2012, l’école par où est passé Clément. « Je n’y suis pas resté car je n’ai pas accroché avec le rythme imposé par l’ouverture d’une table gastronomique, raconte le jeune homme. Je ne voulais pas faire une croix sur ma vie sociale comme ce fut le cas pendant ma thèse. Il y a beaucoup d’opportunités dans ce secteur, je ne suis pas à plaindre. Je m’épanouis en cuisinant. Mon but, c’est de devenir chef et d’ouvrir mon propre restaurant en Normandie, avec ma compagne. » En attendant, pour s’aguerrir, il veut multiplier les expériences : buffets pour des événements, repas à domicile, extras dans des adresses qui ont besoin de renfort… « Il y a plein de routes qui s’ouvrent à moi, je ne suis pas dans une impasse. En tant que reconverti, je n’envisage pas la cuisine de la même manière que ceux qui débutent très jeunes. »