Emploi

La réforme de l’orthographe, un impact direct sur l’employabilité des Français ?

Nous sommes aujourd’hui, bien plus qu’hier, dans un monde de la communication : de l’image, du son et de la vidéo bien sûr, mais aussi et surtout dans un monde de l’écrit. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’écriture est revenue en force avec l’avènement du Web. Par Philippe Deljurie, co-fondateur du site d’emploi Meteojob.

 

Pendant très longtemps, l’écriture a été réservée à une élite, notamment à une élite religieuse. L’invention de l’imprimerie au milieu du 15ème siècle, l’enseignement obligatoire et gratuit en 1882, sont quelques dates marquantes qui ont contribué à diffuser massivement la lecture et l’écriture. Sans remonter jusque-là, au 20ème siècle, l’écriture n’est maîtrisée que par un petit nombre, qu’il s’agisse des élites ou de certaines professions – par exemple les journalistes, ou les secrétaires. Depuis 20 ans, les choses ont considérablement évolué : d’un côté, c’est près de 80 % d’une classe d’âge en âge de passer le baccalauréat qui l’obtient (50 % des bacheliers ont un bac général, 20 % un bac technologique et 30 % un bac professionnel) ; de l’autre, l’écriture est devenue une activité quotidienne : tout le monde écrit, tout le temps, sur tous les supports. SMS, e-mails, réseaux sociaux, blogs, commentaires… tout est prétexte à l’écriture. Avec une conséquence parfois oubliée : si tout le monde écrit, tout le monde laisse des traces, qu’elles soient archivées dans les e-mails, dans les commentaires sur les réseaux sociaux, dans les publications.

Ne pas maîtriser l’orthographe impacte l’image de l’entreprise

Le contexte professionnel ne fait pas exception à cette règle. Chaque jour, dans le monde, ce sont 200 milliards d’e-mails qui sont échangés, dont 50 % d’e-mails professionnels. À la différence d’un e-mail envoyé entre deux personnes dans un contexte privé, le contexte professionnel introduit une dimension – et une difficulté – supplémentaire : lorsqu’un salarié écrit, ce n’est pas uniquement la personne qui écrit, c’est aussi le représentant de la société qui l’emploie, et dont il véhicule l’image. Le fait de ne pas maîtriser correctement l’orthographe a donc un impact également sur l’image de l’entreprise. Pour toutes ces raisons, l’orthographe est revenue en force et rend sa maîtrise, ou, du moins, sa non-maîtrise, plus visible que jamais. On comprend mieux pourquoi c’est un point auquel les recruteurs portent une très grande attention, et pas uniquement pour les fonctions ou les salaires les plus élevé(e)s. Avant même la réforme proposée de l’orthographe, la réponse est donc que, oui, sa maîtrise est un critère d’employabilité. Ou plutôt, que c’est un critère discriminant : celui qui ne maîtrise pas l’orthographe prend le risque de se heurter à de graves déconvenues. Mais que, pour autant, sa maîtrise parfaite ne suffit pas à ouvrir les portes de l’emploi. Pour reprendre une expression mathématique, c’est une condition nécessaire mais pas suffisante.

Réformer l’orthographe, un combat d’arrière-garde ?

Quant à la réforme, on peut vraiment douter de son impact. À regarder de plus près ce qui est proposé, il s’agit surtout de simplifier quelques règles particulières assez compliquées, et, par conséquent, très peu utilisées au jour le jour. Il est préférable d’apprendre à bien utiliser le correcteur d’orthographe… Au-delà du débat d’experts qui s’engage, entre d’un côté l’Académie française et de l’autre le ministère de l’Éducation nationale, et sachant que l’impact éventuel sur le quotidien de tout un chacun sera quasiment nul, on peut se poser la question de savoir si ce n’est pas un combat d’arrière-garde. Et si la nouvelle grammaire et la nouvelle orthographe de demain, c’était tout simplement le code informatique ? Ne serait-il pas plus judicieux de focaliser les efforts d’apprentissage du code ? Compte-tenu du poids de plus en plus important du digital, et du manque de compétences dans ce domaine, il est clair que cela aurait un impact direct sur l’employabilité des personnes…

L’auteur

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Philippe Deljurie, co-fondateur du site d’emploi Meteojob

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