Emploi

Les cafés Joyeux conjuguent insertion professionnelle et handicap

Créés fin 2017, les cafés Joyeux entendent favoriser l’emploi de personnes ayant un handicap cognitif ou mental. L’objectif : démontrer qu’elles ont leur place dans le monde du travail.

 
En apparence, les cafés Joyeux sont des établissements comme les autres où sont proposés cafés, sandwiches et pâtisseries. De plus près, ils ont une particularité : le personnel est majoritairement composé de personnes en situation de handicap cognitif ou mental. “Notre ambition est simple : dépoussiérer la vision du handicap”, confie Camille Lorthiois, manager-gérante du point de vente situé au cœur de Paris, ouvert en mars dernier.

Ici plus qu’ailleurs, la différence est mise en avant, valorisée et se voit même symbolisée dans les tenues des salariés qui arborent à leurs pieds une chaussure grise et orange. “C’est une façon de dire que la différence est une chance. Car si mon pied droit est différent de mon pied gauche, l’un a besoin de l’autre pour avancer !”, explique Camille Lorthiois. Ce mercredi midi, la dizaine de tables est prise d’assaut et les salariés enchaînent les commandes derrière le comptoir. “Nous avons une vraie clientèle de quartier”, assure la manager.

 

Horaires aménagés

Pour le lancement, une vingtaine de personnes ont été recrutées en stage. “L’idée était de leur permettre de découvrir le métier, sans le stress d’un contrat derrière, mais aussi de confirmer que la structure leur convenait”, insiste Camille Lorthiois. Trois mois après l’ouverture, une quinzaine de personnes travaillent en CDI, supervisées par trois managers. Chez Joyeux, tout a été adapté pour faciliter les conditions de travail. Dès qu’un client passe commande, par exemple, il se voit remettre une brique de Lego. Une autre, de la même couleur, est posée sur le plateau permettant aux salariés en salle de reconnaître immédiatement qui attend sa commande.

En cuisine, les recettes sont écrites de telle manière qu’elles sont faciles à lire et à comprendre, agrémentées bien souvent d’images explicatives. “Ce sont des choses simples mais qui fonctionnent, souligne Camille Lorthiois. Les horaires ont également été aménagés en fonction de la fatigabilité du personnel.” Ainsi, les équipiers Joyeux travaillent entre 15 et 25 heures par semaine et se relaient sur trois créneaux distincts de 8h30 à 19h30.

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Patience et bienveillance>/h3>

Le rush du midi touche à sa fin vers 14 heures. Le temps pour les équipes en salle de faire le point sur les produits en vitrine, de débarrasser les plateaux et nettoyer les tables. En cuisine non plus on ne faiblit pas. Antoine et Abou sont toujours à pied d’œuvre et découpent les légumes pour les plats du lendemain. “Ils préparent une ratatouille, m’explique Garance, chef de cuisine, pendant qu’elle dresse les fonds de tarte. J’ai fait le choix de travailler avec des produits frais et à 80 % issus de l’agriculture biologique. Cela me donne une palette de tâches plus larges à leur apprendre.” À plusieurs reprises, la jeune femme prendra le temps de leur montrer comment bien tailler des oignons, des poivrons et des aubergines. À chaque étape, elle rassurera les deux cuisiniers sur leurs capacités. “C’est une remise en question permanente, car s’ils n’ont pas compris c’est que j’ai mal expliqué, insiste-t-elle. J’essaie de leur montrer des gestes simples. Car en fonction de leur handicap, il y a des choses qu’ils ne peuvent pas faire comme couper un concombre sur toute la longueur. C’est donc à moi de m’adapter et de trouver des solutions.”

Pour les chefs d’équipe, travailler avec des personnes en situation de handicap ne change rien à leur façon de manager, au contraire. “Nous nous devons d’être vigilants et leur parler le plus simplement tout en ayant une juste autorité, explique toutefois Camille Lorthiois. C’est une vraie école de la patience.” De son côté, Garance l’assure : “Ce n’est pas leur handicap qui les définit ! Comme pour tout salarié, c’est d’abord le caractère que nous devons apprivoiser et gérer.”

 

Historique

Derrière ce projet, se cachent Yann Bucaille Lanrezac, chef d’entreprise, et son épouse, Lydwine. Depuis 2012, le couple propose à des personnes en souffrance (enfants malades, personnes handicapées, anciens détenus, réfugiés…) des sorties en mer sur un catamaran. Pendant l’une d’entre elles, un jeune autiste de 20 ans demande à Yann Bucaille Lanrezac s’il n’a pas un travail pour lui. Pour le chef d’entreprise, cette rencontre est un déclic. “Il s’est rendu compte que rien n’était fait pour favoriser l’insertion professionnelle de ces profils et il s’est mis à réfléchir à un projet. C’est comme ça que les cafés Joyeux sont nés”, détaille Camille Lorthiois. Ainsi, en décembre 2017 un premier établissement est inauguré à Rennes puis un second voit le jour à Paris en mars dernier.
 
 

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