En application d’une disposition de la loi assurance chômage votée fin 2022, un salarié abandonnant son poste et ne l’ayant pas repris deux semaines après une mise en demeure sera désormais présumé démissionnaire. Un décret qui renverse le principe de présomption en droit du travail, et privera de l’assurance chômage les personnes concernées.
« L’innovation de cette loi, c’est qu’auparavant, à l’issue d’un abandon de poste manifeste et sans justification, le salarié était en général licencié pour faute grave, et pouvait donc percevoir l’allocation chômage par la suite« , explique Me Johan Zenou, avocat en droit du travail à Paris. Selon la Dares, il s’agissait en 2022 du premier motif de licenciement pour faute grave ou lourde (71 %). Une forme de licenciement qui ne mène à aucune indemnité compensatrice de la part de l’entreprise.
Jusqu’à présent, en réaction à un abandon de poste, les mises en demeure signifiées par l’employeur, pour inciter le salarié à démissionner ou à reprendre son poste, ne pouvaient pas aboutir à une quelconque présomption de démission. C’est désormais le cas. « Les nouvelles dispositions permettent aux entreprise de présumer les salariés démissionnaires 15 jours après la mise en demeure. Or, il y a une règle et un principe fondamental en droit du travail qu’il est important de rappeler : la démission ne se présume pas, elle doit être expressément exprimée. Cette nouveauté vient donc en contrepied de la jurisprudence et des règles en vigueur », analyse Me Zenou.
Les salariés fragilisés
Si le salarié pourra toujours saisir le conseil des prud’hommes pour faire requalifier cette présomption et se justifier pour l’abandon de poste, le décret facilite les démarches pour les entreprises. Surtout, en raison de cette présomption, la personne ne pourra plus s’inscrire à Pôle emploi et prétendre à l’allocation de retour à l’emploi (ARE). « C’est tout l’objet de cette innovation, qui considère comme des abus les salariés qui, via l’abandon de poste, parvenaient à quitter une entreprise et à toucher le chômage en se faisant licencier », ajoute l’avocat spécialisé.
Toutefois, la démarche interroge parmi les spécialistes du droit du travail, et apparaît comme un déséquilibre supplémentaire dans le rapport de force entre employeurs et salariés. Selon Me Zenou, « ce décret est un contournement de la loi qui va dans le sens des employeurs et du patronat. Il y a un durcissement des règles évident. Les salariés sont la partie faible dans le procès prud’hommal et ils apparaissent d’autant plus fragilisés par cette réforme, puisqu’ils devront renverser la présomption de leur démission, alors même que cette présomption n’existait pas en droit du travail. Les avocats travaillistes qui défendent les salariés sont très mécontents de cette réforme. »
A lire aussi : Chômage : comment garder le moral et entretenir sa motivation ?