Comment définir la (sur)charge mentale ?
On peut comparer notre cerveau à un ordinateur : l’espace de stockage y est limité. Quand il y a trop de sujets ouverts en parallèle, cela déborde et devient pesant. La charge peut être cognitive (c’est-à-dire qu’on a sans cesse en tête tout ce que l’on doit faire), mais aussi émotionnelle (avec des émotions qui génèrent des pensées qui tournent en boucle, et qui contribuent à nourrir des croyances erronées). Par abus de langage, on évoque la « charge mentale » comme un fléau des temps modernes. En réalité, le vrai sujet est celui de la SURcharge mentale, cette pression désagréable qui s’installe lorsque les activités s’accumulent, sont complexes, ou requièrent beaucoup d’attention.
Avec quelles conséquences ?
D’une part, on se sent débordé, saturé, envahi par une charge trop importante qui altère notre clarté d’esprit. Et, d’autre part, on ressent les conséquences physiques et émotionnelles de cette saturation : insomnie, irritabilité, agacement, fatigue, oublis, perte d’appétit…
En quoi cette charge mentale concerne- t-elle particulièrement les personnes en recherche d’emploi ou en reconversion ?
La dimension émotionnelle est renforcée lorsqu’on se trouve en situation de vulnérabilité, par exemple lorsqu’on s’interroge sur son avenir. Certaines personnes peuvent être victimes du syndrome de l’imposteur, beaucoup d’entre nous doutent ou sont tentés de se comparer aux autres. Et tout cela peut générer des ruminations, ce qui prend de l’espace dans notre cerveau et « consomme » de la bande passante. D’autres vont culpabiliser d’être au chômage, et ils hésiteront à faire des pauses ou à prendre des jours de repos. Or, se donner cette autorisation est nécessaire pour prendre du recul et conserver ses qualités de discernement.
La to-do list est un premier outil indispensable ?
Oui, c’est un outil important, et on sous-estime souvent ses vertus. Poser sur le papier les tâches que l’on doit mener à bien contribue à décharger le cerveau. Il peut être utile de la hiérarchiser, et de l’organiser sous la forme de priorités réalistes. La matrice d’Eisenhower peut vous y aider. La loi de Pareto permet, quant à elle, de prendre conscience de là où nos efforts portent leurs fruits, donc ce sur quoi nous gagnons à nous focaliser. Repenser environ toutes les deux semaines ses journées permet de sortir de la routine et de la monotonie, et d’effectuer les ajustements nécessaires. Prendre rendez-vous avec soi-même est une bonne idée, pour faire le point sur ses priorités, se féliciter de ce qui fonctionne, reconnaître ce qu’il serait judicieux d’arrêter ou de tenter de nouveau, etc.
Pour garder l’esprit clair, vous préconisez de mettre en place des rituels en début et fin de journée…
Ce sont des moments clés. Le matin, les rituels apportent une dynamique positive, exactement comme quand on arrive au bureau et que l’on retrouve son équipe. Vous pouvez ainsi démarrer la journée en nommant les choses dont vous vous réjouissez d’avance. Le soir, les rituels aident à déconnecter et à débrancher le cerveau. Faute de quoi les tâches inachevées restent ouvertes dans notre cerveau, et contribuent souvent aux réveils nocturnes, des moments dont on se passerait bien car les pensées commencent alors à tourner en boucle…. Une bonne pratique peut donc être, en fin de journée, de noter ce que vous avez prévu de faire le lendemain ou la semaine suivante. N’hésitez pas à découper un gros objectif en plusieurs petites étapes. Cela vous permettra de clôturer mentalement la tâche en cours, et donc de libérer de l’espace mental : le cerveau ne se préoccupe plus d’une tâche achevée, alors qu’il consomme de l’énergie avec les tâches restées « ouvertes ». La psychologie positive nous invite enfin à nous féliciter de ce qui s’est bien passé dans la journée : si vous avez un « journal de bord », notez-y les trois meilleurs moments du jour, ou encore vos trois fiertés…
Vous parliez des réveils nocturnes, que faire face à des troubles du sommeil, quand on rumine par exemple ?
Apprendre à se focaliser sur ce qui va bien est une première manière de se prémunir des insomnies : se féliciter de tout ce que l’on a (bien) fait, reconnaître le chemin parcouru, plutôt que de se concentrer sur ce qui ne va pas, n’est pas encore réalisé, ou ne s’est pas passé comme on le souhaitait. Par ailleurs, les exercices de « pleine conscience », basés sur la respiration, peuvent nous apaiser et donc nous aider à retrouver le sommeil. Parmi les grands classiques, le balayage corporel : l’idée est de revenir au corps pour calmer le mental quand il s’emballe.
Et se donner le droit à l’erreur est sûrement aussi une clé ?
Oui, surtout quand on est en transition professionnelle. Il faut dédramatiser : il n’y a pas d’échecs, seulement des expériences et des apprentissages dont on peut tirer des enseignements. Dans la vie, tout ne se passe pas toujours comme prévu. S’il est essentiel de prendre sa part de responsabilité, de comprendre ce qu’il s’est passé, il faut aussi garder en tête que tout ne dépend pas de soi et faire la part des choses. Et réfléchir aux endroits où l’on a le pouvoir d’agir, pour se focaliser sur ces aspects.