Changer de job après un congé maternité : « C’est une période d’interrogations existentielles et d’introspection »

Reprendre le travail après une naissance soulève souvent bien des questions chez les mères : est-ce le moment de retrouver un emploi salarié, éventuellement à temps partiel ? De se reconvertir ? De se lancer en indépendante ou dans l’entrepreneuriat ? Thi Nhu An Pham, auteure du livre La Reprise, paru fin mai, donne les clés pour mieux rebondir.

Thi Nhu An Pham était directrice de la communication quand elle a connu un licenciement économique pendant son congé maternité. C’est pourquoi elle a créé son podcast, « La Reprise », consacré à la parentalité au travail. C’est aussi le titre de l’ouvrage qu’elle a écrit au sujet du tabou de la condition des femmes après le congé maternité et qui est paru fin mai chez Payot. L’auteure y donne des conseils avisés pour réussir à rebondir après la naissance d’un enfant.

Mieux faire face au changement

« La reprise, après la naissance d’un enfant, est une période de grande transformation et de déstabilisation de l’équilibre familial, existentiel et organisationnel. Dans près des trois quarts des cas, les tâches domestiques et familiales reposent majoritairement sur les épaules des mères et cette période questionne leur rapport au travail : suis-je à la hauteur des enjeux ? Vais-je arriver à m’adapter à ce nouveau rythme ? À surmonter les contraintes organisationnelles ?

Face au surcroît de charge mentale, certaines reportent la reprise et se mettent en retrait de la vie professionnelle de manière temporaire après le congé maternité, lequel est tout sauf un congé ! Le corps est en convalescence, il faut du temps car les femmes sont épuisées. Ou alors elles choisissent de passer à temps partiel car il y a trop de choses à gérer, dont la garde du ou des jeunes enfants. Beaucoup de femmes entrent en phase de questionnement professionnel : est-ce que ce poste ou ce métier me correspond toujours et convient à la nouvelle dynamique familiale ? Voire en période d’interrogations existentielles et de grand bouleversement identitaire : quelle place trouver ou retrouver au travail et dans la société en général ? Est-ce que ça fait sens ? Quelles sont mes envies profondes ? Pour beaucoup, la maternité entraîne une introspection même si certaines personnes enfouissent vite ces questions car il faut gagner sa vie. Mais ça peut revenir comme un boomerang plus tard. Dans tous les cas, même si c’est difficile d’en parler, car on a peur de paraître faible, il ne faut pas hésiter à extérioriser, par exemple en faisant appel à du soutien psychologique. Il faut se poser les bonnes questions et décrypter la situation, pour ne pas se sentir illégitime et vouée à l’échec. Décoder pour ne pas s’autoflageller. Prendre conscience de ces grands changements, sans culpabiliser, c’est commencer à y faire face. »

Savoir valoriser ses compétences comportementales

« Malheureusement pour les mères voulant reprendre une activité, le climat de travail peut s’avérer délétère, le contexte professionnel, et même social, hostile, notamment lors d’une recherche emploi. Ces femmes se retrouvent dans un grand inconfort, avec une perte de confiance, une forte vulnérabilité émotionnelle, physique et psychologique : elles se sentent défaillantes, nulles, pas à leur place. D’autant plus qu’elles sont très injustement perçues comme moins compétentes qu’avant leur accouchement.

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En réalité, c’est tout le contraire et il est indispensable que les mères en prennent conscience ! En particulier quand elles postulent à des annonces et doivent se vendre en entretien. Les compétences comportementales, ou soft skills, à valoriser sont nombreuses : pour moi, une mère a un profil de leader. Tout ce qu’elle fait dans le cadre familial, si on l’applique au milieu professionnel, ce sont de vraies qualités… Elle développe la polyvalence, la capacité à piloter les projets, à gérer les crises, à être proactive et à négocier. Mais aussi agilité, souplesse, adaptation, sens de l’organisation et de la coordination. Elle sait faire preuve d’anticipation, d’empathie, d’intelligence émotionnelle, collective et relationnelle. Tout cela, les femmes ne le mettent hélas pas assez en avant car elles n’ont pas conscientisé ces capacités, elles considèrent qu’elles sont moins compétentes, on leur fait comprendre aussi en se faisant une fausse image d’elles et elles l’intègrent, alors que ce n’est pas du tout fondé. »

Bien négocier le virage vers l’indépendance

« Certaines femmes basculent dans l’entrepreneuriat en étant dégoûtées du salariat, du monde du travail qui attaque le statut de mère. Ou bien parce qu’en perdant confiance en elles, elles pensent ne plus être faites pour leur précédent métier ou poste, envisageant reconversion, statut indépendant ou entrepreneuriat. Mais attention ce n’est pas un refuge ! Certes, on peut travailler chez soi et trouver son propre rythme, avec éventuellement des horaires décalés, atypiques… Mais l’entrepreneuriat ou le statut d’indépendant peuvent s’avérer de fausses bonnes idées et devenir sources de désillusions, de déconvenues si on se lance sur un concept, un coup de cœur sans avoir un solide business plan.

Quand on travaille chez soi, il faut absolument fixer un cadre, a fortiori avec un enfant en bas âge. Il faut déterminer des jours et des horaires dédiés au travail, un espace pour s’isoler, une séparation avec les tâches ménagères pour ne pas tout faire en même temps, tout mener de front. Et surtout il faut bien répartir la charge mentale dans le couple. Ce nouveau projet n’est pas un hobby ni une activité accessoire !

La reprise, pour les indépendantes, c’est crucial et extrêmement déstabilisant. Il est parfois nécessaire de se refaire une clientèle. Les indemnités ne sont pas à la hauteur, on se heurte à une grande complexité administrative, il faut se battre pour ses droits. Tout cela demande une énergie considérable. »

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