Tandis que les velléités de reconversion professionnelle sont plus intenses que jamais, les envies de changement de région vont également bon train. Grâce notamment à l’attractivité croissante des villes moyennes et des territoires ruraux, de plus en plus d’actifs décident ou envisagent de quitter les grandes villes ou de changer de région. Et notamment de quitter Paris. « 83 % des Français vivent en dehors de la région parisienne, la majorité des cadres, des ingénieurs et de l’emploi également, mais on ne le dit pas souvent, rappelle Aurore Thibaud, cofondatrice de l’entreprise innovante Laou qui accompagne et informe les projets de mobilité. Une culture de la valorisation des territoires s’est mise en place ces dernières années, et on prend plus conscience des opportunités en région, de l’emploi et de la richesse des territoires.»
Avant le passage à l’acte, encore faut-il se poser les bonnes questions et prendre le recul nécessaire, pour s’accorder un temps de réflexion indispensable. « Le premier conseil, c’est de ne pas être dans la fuite de ce que l’on veut quitter, mais plutôt dans la construction d’un nouveau projet, affirme Valérie Bauhain, journaliste de solutions et créatrice du podcast Ciao Paris, qui fait la part belle au changement de ville au gré de témoignages inspirants. Il faut se demander pourquoi et pour quoi on part.»
Introspection et accompagnement
Envies et besoins pour l’avenir, attentes vis-à-vis du changement de région, bilan de ce que l’on souhaite laisser derrière soi… La phase d’introspection vise à faire le point sur ses envies profondes pour pouvoir préparer la suite. Un postulat confirmé par Géraldine Godard, aujourd’hui consultante chez OnePoint, après être passé de Paris à Bordeaux et s’être reconvertie il y a quelques années : « Le plus important, c’est de prendre le temps et d’être le moteur de sa mobilité. J’ai changé de région avec mari et enfants, et nous avons pu chacun nous interroger sur ce que nous souhaitions trouver dans notre nouvelle région, pour que cela soit une aventure personnelle et familiale».
Au-delà de l’introspection personnelle, il s’agit de s’informer sur le ou les territoires visés, en termes d’opportunités d’emploi et d’activité comme de cadre de vie. « Je milite pour la découverte des territoires, la meilleure façon de changer de ville, c’est d’aller voir d’autres villes pour rencontrer des gens et se faire ses propres idées», lance Aurore Thibaud. La plateforme de Laou propose justement de consulter des informations utiles à sa mobilité, mais surtout de comparer des territoires et des villes, selon des critères comme le coût de la vie, les transports, les infrastructures, le logement, l’emploi… Avant, idéalement, d’entrer en relation avec des représentants des territoires, comme des chargés d’accueil, pour avancer sur le projet. « Les chargés d’accueil, que l’on appelle aussi les conciergeries de territoires, sont très peu connus et dépendent souvent des agences d’attractivité ou des régions, explique Valérie Bauhain. Ils sont là pour promouvoir le territoire et faciliter les démarches sur place, mais ce n’est pas encore mis en place partout. »
Se préparer à un changement de vie
Une fois venu le moment de l’installation, il s’agit de s’adapter à son nouveau territoire, et donc d’être prêt à assumer les éventuels changements et degrés d’adaptation nécessaires.
« Nous avons aussi fait le choix d’une région, d’un cadre de vie, et pas seulement d’une ville, parce que nous avons pris le temps d’aller la découvrir et de comprendre quel y serait notre rythme de vie. En arrivant, nous sommes d’abord passé par la case location avant d’acheter un bien, pour se donner le temps de découvrir la vie sur place. Il faut prendre le temps à chaque étape», se rappelle Géraldine Godard.
Les trois invitées de notre webinaire insistent : le changement de région implique un changement de vie important, mais également une opportunité qu’il ne faut pas sous-estimer, tout particulièrement pour celles et ceux passant d’une vie urbaine en métropole à un territoire rural. « Oui, vous pouvez réussir votre vie professionnelle ailleurs qu’à Paris, prêche Aurore Thibaud. Il y a souvent un cap psychologique à dépasser, beaucoup de personnes pensent qu’elles ne trouveront pas de travail leur correspondant en région ou dans des territoires ruraux, mais j’invite chacun à se renseigner sur les offres d’emploi partout en France.»
Aussi, nouveau territoire peut rimer avec nouvelle vie, et une mobilité peut se révéler être le moment propice pour une reconversion, comme l’explique Valérie Bauhain, qui a développé cela dans son podcast : « Derrière l’envie de changer de région, il y a souvent l’envie de changer de vie, même de manière inconsciente. J’ai observé que lorsqu’elles déménagent, 9 personnes sur 10 s’interrogent sur les modalités de leur travail, et 3 sur 10 se reconvertissent effectivement».
En définitive, le changement de région est un vaste projet qui se murit, se réfléchit et s’anime étape par étape, au gré de ses envies, de ses besoins, et des opportunités qui se présentent. « Il faut cheminer opérationnellement pour lever ses craintes, en expérimentant, en s’informant, en s’interrogeant. Il faut réfléchir en avançant, et garder à l’esprit que la part des gens qui font le chemin inverse est infime», conclut Aurore Thibaud.