Dans les prochains jours, 10,2 millions de salariés au chômage partiel depuis le confinement recevront leur première paie. Comment cela se traduira-t-il concrètement ? À quoi faudra-t-il être vigilant ? Décryptage de Loyce Guillet, juriste expert social chez ADP.
Depuis la généralisation de l’activité partielle, le dispositif concerne 821 000 entreprises pour 10,2 millions de personnes, dont plus d’un employé du secteur privé sur trois. D’ici le 25 avril 2020, ils percevront une indemnisation représentant 70 % de leur rémunération brute et 84% de leur salaire net. Les employeurs qui le désirent peuvent compléter cette indemnisation pour que leurs collaborateurs continuent de percevoir 100 % de leur salaire.
Quelles nouvelles mentions seront obligatoires sur le bulletin de paie d’un salarié en activité partielle ?
Ce mois-ci, il faut savoir que la période d’activité partielle ne couvrira bien souvent que la période du 16 au 31 mars, soit deux semaines. Sur la fiche de paie, le dispositif se traduit en période d’absence.
Le salaire de base ne change pas sur la première ligne, mais en dessous, on retrouve donc un calcul “d’heures d’absence activité partielle”, qui correspond aux heures non travaillées. Vient ensuite, sur la ligne suivante, une “indemnisation activité partielle”, correspondant à 70 % de la rémunération horaire brute du salarié ; sachant que l’entreprise peut indemniser davantage. Il sera donc inscrit -84 heures d’activité partielle, puis une indemnisation pour 84 heures, mais avec un taux modifié (9,2), qui correspond à 70 % du taux horaire du salarié.
Dans notre simulation de fiche de paie (voir plus bas), nous prenons l’exemple d’une vendeuse travaillant dans un magasin de bricolage, dont le salaire mensuel brut est de 2 000 euros, soit un salaire mensuel net de 1561,88 euros (après impôts). Cette salariée a été placée en chômage partiel du 16 au 31 mars 2020. Les heures non travaillées, au titre du chômage partiel, sont donc obligatoirement reportées sur la deuxième ligne de la fiche de paie : elles sont au nombre de 84. Le taux correspond au salaire mensuel horaire : 13,18 euros. On retire ainsi 1 107,67 euros à la rémunération mensuelle de 2 000 euros. Le montant de l’indemnité correspondant à la période d’activité partielle figure ensuite sur la troisième ligne : 84 heures, avec un taux différent de 9,23 euros. L’indemnité de notre vendeuse s’élève ainsi à 775,37 euros (9,23 € x 84 h).
Quels changements pour les cotisations sociales ?
L’indemnisation de l’activité partielle, 775,37 euros, ne figure pas dans le volet cotisations : on y retrouve simplement la partie salaire. En effet, l’indemnisation n’est pas soumise à cotisation. La base de calcul utilisée pour les cotisations de santé, d’accidents du travail, de retraite et d’assurance chômage, est ainsi réduite, du fait de cette exonération pour la partie d’indemnité d’activité partielle. Dans le cas de notre vendeuse, la base de calcul est ainsi à chaque fois de 892,33 euros, et non de 2 000 euros, puisqu’elle correspond à la seule rémunération d’activité, hors chômage partiel (2 000 – 1 107,67).
En revanche, il y a bien un calcul de CSG. Cette ligne est éclatée dans la fiche de paie : sur le bulletin, on retrouve à la fois le salaire, puisque le salarié a travaillé les 15 premiers jours, et une “CSG sur les revenus de remplacement”, que ce soit pour la CSG déductible de l’impôt sur le revenu, et la CSG / CRDS non déductible. Dans chacune des lignes dédiées à la CSG, on retrouve aussi un “écrêtement sur revenus de remplacement”.
Si nous reprenons l’exemple de la vendeuse qui touche 2 000 euros brut par mois ; pour la CSG sur les revenus d’activité, la base de calcul reste la rémunération d’activité hors chômage partiel (892,33 euros), à laquelle on retire l’abattement des frais professionnels (1,75 % de 892,33 euros, soit 15,62 euros). La base de calcul est donc de 876,71 euros (892,33 – 15,62). Pour les deux lignes “CSG sur les revenus de remplacement”, la base de calcul correspond à l’indemnisation au titre du chômage partiel (775,37 euros), à laquelle on retire encore une fois l’abattement des frais professionnels (1,75 % de 775,37 euros, soit 13 569 euros). La base de calcul pour la CSG sur les revenus de remplacement est ainsi de 761,80 euros. La salariée doit ainsi payer 28,95 euros pour la CSG non déductible sur les revenus de remplacement, et 22,09 euros pour la partie non déductible.
Grâce à l’écrêtement, cette partie de la CSG est normalement effacée pour le salarié. Le principe de l’écrêtement est en effet d’annuler tout ou partie de la CSG pour garantir un revenu mensuel au moins équivalent au Smic. Ainsi, notre vendeuse voit l’intégralité de la CSG due au titre de ses revenus de remplacement, effacée.
Y a-t-il un impact sur le calcul de l’impôt sur le revenu ?
Non, aucun impact, car l’indemnité d’activité partielle est soumise à l’impôt. En revanche, le net à payer est réduit, puisque le montant de l’indemnité d’activité partielle est calculé sur 70 % de la rémunération horaire brute. On peut noter, pour notre vendeuse, un net à payer sans activité partielle de 1561,88 euros (après impôts), au lieu de 1462,15 euros. Ce sont donc 99,73 euros que notre salariée a perdu en raison du chômage partiel.
Cette somme de 1561,88 euros figure-t-elle sur la fiche de paie ?
La somme que le salarié gagnerait sans chômage partiel ne fait pas partie des mentions obligatoires du bulletin de paie. Les seules mentions obligatoires sont la mention, en haut de bulletin, du calcul de l’absence et de l’indemnisation.
D’autres mentions obligatoires, liées à l’activité partielle, devraient apparaître d’une façon plus lisible dans les fiches de paie ultérieures : le nombre d’heures chômées, le taux appliqué pour le calcul de l’indemnité, et la somme versée au titre de la période considérée. À noter que nous sommes dans une période transitoire, et les entreprises ont 1 an, jusqu’au mois de mars 2021, pour faire apparaître ces nouvelles mentions obligatoires sur le bulletin de paie. En attendant, elles peuvent remettre un document annexe pour détailler le calcul de l’indemnisation d’activité partielle, le taux de calcul et le nombre d’heures chômées, notamment.
Quels seront les impacts sur les fiches de paie des salariés qui continueront à percevoir 100 % de leur rémunération malgré un placement en activité partielle ?
Il y aura juste sur le bulletin, en principe, une ligne en plus d’indemnisation complémentaire, correspondant à 20 ou 30 % du salaire de base, selon ce qui sera appliqué dans l’entreprise. Cette indemnisation versée en plus suit le même régime que l’indemnisation légale : pas de cotisations calculées et une CSG sur un taux plus réduit qu’habituellement.
Quels sont les effets de l’activité partielle sur la retraite et les congés ?
La période d’activité partielle ne réduit pas le nombre de congés payés, car on considère qu’il s’agit d’un temps de travail effectif pour le calcul de leur acquisition. L’activité partielle n’impacte pas non plus l’intéressement ou la participation.
Pour la retraite, dans la plupart des cas, cela n’aura pas d’incidence ; mais des points seront attribués si au moins 60h d’activité partielle sur l’année, tout comme la validation des 4 trimestres pour les salariés qui auront perçu au minimum 6 090€ brut dans l’année. Bien sûr, rien ne dit que le gouvernement ne fera pas de changement dans les jours/semaines à venir.
Le versement d’un 13e mois sera-t-il impacté par le chômage partiel ?
La jurisprudence précise que l’indemnité d’activité partielle est prise en compte dans le calcul du 13e mois, puisqu’il s’agit d’une prime annuelle. En effet, de manière générale, pour les primes, tout dépend des pratiques des entreprises. Il est possible que dans certaines sociétés, le droit au 13e mois soit conditionné à une présence effective dans l’entreprise, ce qui signifie que les absences importent son calcul.
Cette jurisprudence commence à dater, mais les interrogations demeurent, car à ce jour, les pouvoirs publics n’ont pas communiqué sur le sort des primes. Pour le moment, tout se fait donc en fonction des modalités de calcul prévues par les accords dans les entreprises, au cas par cas.
La simulation de fiche de paie d’ADP (cliquez pour agrandir) :