Pourquoi vous êtes-vous intéressée à l’épuisement des entrepreneurs ?
Nous observons deux tendances. Tout d’abord, beaucoup de personnes réalisant des bilans de compétences ou de carrière souhaitent se tourner vers l’entrepreneuriat pour relancer leur carrière. Cela représente près d’une personne sur deux sollicitant notre cabinet. Il y a donc un vrai engouement actuel pour l’entrepreneuriat. Ensuite, de nombreux aspirants entrepreneurs se lancent après avoir déjà subi de l’épuisement professionnel ou un burn-out en tant que salariés. Et sont donc susceptibles de rechuter. La reconversion entrepreneuriale, c’est une aventure formidable, mais très énergivore et chronophage. Et ce, quelle que soit la forme choisie : auto-entrepreneuriat, freelance, chef d’entreprise, franchisé, repreneur d’affaires…
Quels sont les principaux risques à identifier et anticiper ?
Le démarrage du projet est la période qui comporte le plus de risques. Les deux, voire les cinq premières années, on est sur un temps de validation assez classique durant lequel l’entrepreneur a tendance à tout donner : son temps, son énergie, son argent, sa disponibilité… Il est alors particulièrement exposé au risque d’épuisement professionnel. Trop de porteurs de projets se lancent sans prendre conscience de la problématique de l’endurance dans l’entrepreneuriat. Il faut, en amont, s’informer et se sensibiliser à tout cela, comprendre que cette aventure va engendrer des sacrifices, et souvent impliquer des aménagements de sa vie de famille et sa vie sociale. Cette anticipation, c’est la base qui permet ensuite d’identifier les signes avant-coureurs et les facteurs de risque.
Comment adopter une posture qui limite ces risques ?
L’idée, dès le lancement de son projet, c’est de se construire ce que j’appelle une vie entrepreneuriale écologique. Concrètement, il s’agit de conserver un équilibre sain entre vie professionnelle et vie personnelle qui soit respectueux de sa santé mentale. Le premier réflexe pour durer dans l’entrepreneuriat, ce doit être de poser des limites et des garde-fous. Par exemple, en ritualisant certains espaces dans sa semaine pour faire autre chose : se requinquer, prendre du temps pour soi de façon à prendre du recul et aussi à libérer sa créativité. On sait que ne jamais s’extraire de son travail, c’est une vraie problématique qui nuit à la créativité de l’entrepreneur. Il apparaît très nettement que les entrepreneurs qui s’accordent cette dynamique vertueuse et cette vie écologique durent plus longtemps dans leur activité.
Il s’agit donc de pousser les entrepreneurs eux-mêmes à s’emparer de ces enjeux de bien-être ?
Il est en effet nécessaire de démocratiser le sujet, de sensibiliser, parce qu’il y a une vraie lacune en la matière : dans la littérature entrepreneuriale scientifique, il y a beaucoup de choses sur la santé des dirigeants et des indépendants, mais encore peu dans la littérature et la presse grand public. Les entrepreneurs qui ont la tête dans le guidon les premières années ne se posent que trop rarement la question de leur santé mentale et de leur forme. Ils ne pensent qu’à leur entreprise. Certes, il y a l’entreprise, mais il y a aussi le dirigeant derrière, c’est cette prise de recul et de distance qui permet d’identifier les signes d’épuisement et d’y remédier. Comme on le dit souvent, l’entreprise est un peu le bébé de l’entrepreneur, qui a tendance à s’oublier. Or, à terme, l’épuisement et le stress du porteur de projet mettront l’entreprise en risque également. Il ne faut pas attendre la fin de la première ou de la deuxième année pour s’emparer de ces enjeux, à ce stade l’entrepreneur est souvent déjà fatigué. Il faut prendre ces problèmes à la racine et introduire dès le départ les bons réflexes, comme s’accorder du temps de repos et des vacances ou se faire accompagner par un mentor ou un coach pour verbaliser ses difficultés.
Entreprendre, c’est aussi se préparer à l’échec…
Oui, la vie d’une entreprise n’est pas linéaire. Il y a des hauts et des bas. En général, l’entrepreneur profite peu des périodes fastes parce qu’il anticipe les périodes négatives. Une façon de se préparer et de traverser ces montagnes russes, c’est de bien s’entourer, d’échanger avec ses pairs dans des cercles ou des réunions d’entrepreneurs, ou avec des organismes comme les chambres de commerce. De sorte à casser cette solitude entrepreneuriale, notamment en cas d’échec ou de période difficile.