En juin dernier, le Conseil d’État a annulé des dispositions qui réduisaient les délais d’information et de consultation des CSE afin de faire face à la crise, jugeant que le gouvernement n’était pas habilité à le faire via des ordonnances. Mais au-delà, en quoi les CSE sont-ils importants pour le dialogue social dans les entreprises ? L’analyse des économistes Thomas Breda et Gilbert Cette.
En quoi les CSE sont-ils importants pour le dialogue social dans les entreprises ?
Thomas Breda : Cette réduction (temporaire) des délais était trop courte pour garantir une consultation efficace des CSE. Mais c’est l’occasion de rappeler leur intérêt. Ils sont nés d’une fusion des instances de représentation (délégués du personnel, CHSCT, comité d’entreprise), dans l’objectif de les rendre plus efficaces. Mais cette fusion s’est faite avec une forte réduction des moyens humains : moins de représentants au total pour plus de sujets à traiter, et perte d’une représentation locale des salariés sur le lieu de travail dans nombre d’établissements d’entreprise. Pour cette raison, les CSE ont eu des difficultés pour faire face aux chamboulements nés de la crise. Et au préalable, il n’y a pas eu la dynamique de négociation espérée lors de leur mise en place : très peu d’accord de méthode réellement innovants sur le fonctionnement des CSE ont été signés.
Gilbert Cette : Le fait d’avoir groupé les 3 instances était une bonne chose, car cela permet aux partenaires sociaux d’élaborer eux-mêmes l’essentiel des normes régissant les rapports de travail. Mais force est de constater que cela ne suffit pas et qu’il faut aller plus loin. Il faut faire des CSE l’interlocuteur phare des chefs d’entreprise.
Comment les CSE peuvent-ils être améliorés ?
TB : Si l’on veut renforcer le dialogue social grâce aux CSE, il faut leur donner plus de moyens. Ce qui commence par le fait d’avoir des représentants qui maîtrisent tous les sujets abordés. Il faut leur accorder plus d’heures de délégation, mais aussi plus de formations ; autour de la maîtrise du droit, de l’analyse des documents financiers, de la sécurité au travail… Les membres des CSE doivent monter en compétences. Il faudrait aussi valoriser leur rôle et mieux les protéger, afin de leur permettre de s’investir sans craindre pour leur carrière.
GC : Dans les structures équivalentes en Europe, il n’y a pas de dirigeant. En France, il est là, mais c’est aussi lui qui préside le CSE. Dès lors, cette institution, bien qu’élue, ne représente pas réellement le collectif de travail. Il faudrait s’inspirer de ce qui existe ailleurs, en sortant le dirigeant du CSE. Il faudrait même réfléchir aux domaines dans lesquels le CSE pourrait avoir un pouvoir de négociation. Ceux où les syndicats exercent un monopole pourraient être réduits et transférés aux CSE.
Avec la crise, les CSE seront-ils importants sur des sujets en particulier ?
TB : L’organisation du travail et notamment le télétravail, les recrutements, la protection de l’emploi, les risques psychosociaux seront autant de grands chantiers. Mais pour que les CSE puissent vraiment s’en saisir, les chefs d’entreprise ne doivent plus pouvoir les considérer comme des instances secondaires.
GC : Dans quel domaine les CSE ne seraient pas compétents ? Ils pourraient négocier dans tous les champs de la négociation collective. Avec la capacité de donner leur avis mais aussi de négocier réellement, ils auraient la consistance juridique suffisante pour permettre au personnel de participer au management et à la définition de l’intérêt de leur entreprise, au delà de celui des actionnaires. Un tel changement serait une révolution, dans le cadre d’une réforme du droit du travail plus large.