Bruno Izard rêvait depuis longtemps de se reconnecter avec la nature. Après 25 années passées au micro de France Bleu Pays d’Auvergne, il a changé de voie en 2012 pour devenir éleveur de vaches. Un “retour aux sources” pour ce petit-fils d’agriculteur, qui s’est formé lui-même, sur le tas.
Crise du Covid-19 ou pas, le monde agricole reste confronté à une crise des vocations. Mais de plus en plus, certains abandonnent leur vie de bureau pour ce secteur. Leurs objectifs : retrouver du sens, devenir leurs propres patrons et gagner en qualité de vie. Pendant 15 ans, Bruno Izard s’est levé chaque matin à 4 heures pour réveiller en douceur les auditeurs du Puy-de-Dôme. “La radio était ma passion, et après un bac électrotechnique, j’ai tenté ma chance. Même si ce n’était en rapport avec mes études”, raconte-t-il. D’abord technicien, il devient animateur en 1989, à 19 ans. “Ils cherchaient quelqu’un pour le sport, le week-end. J’ai postulé, j’ai été pris. Puis je me suis formé seul, en autodidacte”.
Pendant dix ans, Bruno Izard anime alors des émissions sur les antennes auvergnates de Radio France. D’abord en CDD, il passe de “locale” en locale, de à Grenoble à Belfort, de La Rochelle à Clermont-Ferrand. C’est là qu’il décroche un CDI, et devient, en 1997, la voix de la matinale de France Bleu Pays d’Auvergne.
Même s’il bénéficie d’un revenu confortable au sein d’un grand groupe, Bruno Izard finit pourtant par se lasser. Le déclic survient l’année de ses 42 ans, en 2011. “J’ai pris beaucoup de plaisir à faire ce métier pendant 25 ans. Mais un jour, j’ai pris conscience que j’avais fait le tour de la matinale, et qu’il était difficile de faire mieux ensuite. La seule façon pour moi de progresser en radio, c’était d’occuper des postes de cadres : responsable de programme, directeur de station. Mais ça ne m’intéressait pas”, relate-t-il. Depuis longtemps, il rêve de grands espaces : “Je voulais vivre dans la nature. Pas dans un bureau, devant un ordinateur”.
Pendant plusieurs mois, il pèse le pour et le contre, réfléchit aux conséquences pour sa femme et ses deux enfants. “La quarantaine passée, je n’avais plus droit à la dotation jeune agriculteur. Et même si ma maison était payée, il s’agissait quand même d’une prise de risque. Mais mon besoin de changer de vie était plus fort”. L’opportunité de reprendre une petite exploitation agricole se présente alors à lui. En 2012, il quitte Radio France et devient associé au sein d’un GAEC (groupement d’exploitation en commun), à Laqueuille, petite commune aux pieds de la Chaîne des Puys. En parallèle, il crée une entreprise de travaux agricoles. “J’ai alors partagé mon temps entre l’élevage de vaches et des récoltes pour d’autres agriculteurs”, explique-t-il.
Retour aux sources et qualité de vie
Pour Bruno Izard, ce virage est un “retour aux sources” : “mes grands-parents étaient agriculteurs, dans l’Aveyron. Ils produisaient du lait de brebis et du Roquefort. J’ai grandi dans cet environnement, et j’ai toujours rêvé de faire comme eux”. Même si l’élevage de vaches laitières diffère de celui des brebis, il s’adapte vite : “tout s’apprend, pour peu que l’on se frotte au terrain.” De sa carrière à France Bleu, il a gardé une compétence transférable utile : le sens du relationnel. Car “si l’agriculture n’a pas grand chose à voir avec la radio, le contact humain reste central”.
Aujourd’hui, à 52 ans, l’ancien animateur radio reste à la tête de son entreprise de travaux agricoles. Il a quitté le GAEC de Laqueuille pour un projet familial : gérer une exploitation avec l’un de ses fils, qui vient de terminer ses études agricoles, puis développer une activité de production fromagère en circuit court. “Je vais m’occuper des vaches, lui de la fabrication du Cantal et du Salers. Nous aurons notre production à nous, sans passer par une filière ‘industrielle’. C’est un défi, mais la crise nous a montré que les consommateurs veulent manger différemment”, estime Bruno Izard.
L’animateur radio devenu agriculteur ne regrette pas sa reconversion. “Si c’était à refaire, je le referais. Même s’il s’agit d’un métier plus physique et moins confortable, je travaille dehors, dans la nature. Je ne me réveille plus à 4 heures du matin. Et même si je suis toujours stressé, je travaille pour moi. Je suis indépendant”, explique-t-il. Et s’il admet avoir dû accepter de “gagner moins d’argent », il estime gagner au change, avec une meilleure qualité de vie : “J’ai divisé mon salaire par deux, mais je profite davantage de la vie”.
Aux personnes hésitant à se reconvertir, il conseille d’oser : “On n’a qu’une seule vie, et quand on y croit, tout est possible. Même si vous n’avez pas toutes les compétences nécessaires au départ, des formations existent, et il reste possible de se former sur le terrain. Si vous n’avez plus envie de travailler le matin, posez-vous la question : qu’ai-je envie de faire ? Qu’est-ce qui me rendrait heureux ?”