Emploi

Discriminations à l’embauche : Accor, Renault et Air France épinglées par le gouvernement

Début janvier, des chercheurs publiaient les résultats d’une campagne de testing en matière de discrimination à l’embauche commandée par le gouvernement. Sur 103 grandes entreprises, une quinzaine traitent les candidats différemment, principalement en fonction de leur origine. Un mois plus tard, les noms de sept entreprises françaises, soupçonnées de discrimination à l’embauche, viennent d’être publiés. Parmi elles, Air France, Renault et Accor.

 

Article publié initialement le 8 janvier 2020 — Mis à jour le 7 février 2020

 

Début janvier, le gouvernement n’avait pas encore communiqué sur le sujet, mais les résultats d’une campagne de testing en matière de discrimination dans l’accès à l’emploi, menée à sa demande l’année dernière, avaient été publiés par les chercheurs à l’origine de l’étude. Bilan : les grandes entreprises ne sont pas à l’abri du risque discriminatoire et sur 103 organisations testées (1), une quinzaine ont été identifiées comme étant discriminantes. Mais aucun nom n’était alors sorti.

 

“Une discrimination significative et robuste”

Un mois plus tard, jeudi 6 février, le gouvernement a épinglé 7 entreprises françaises en particulier, pour “présomption de discrimination à l’embauche” : Air France, Accor, Altran, Arkéma, Renault, Rexel et Sopra Steria. Ces entreprises se sont très rapidement déclarées “indignées” par les “faiblesses manifestes de la méthodologie utilisée, qui aboutit à des conclusions erronées”. 

Concrètement, l’enquête menée fin 2018 par des chercheurs de l’université Paris-Est-Créteil (UPEC) avait pour but de vérifier l’imperméabilité des grandes entreprises au risque discriminatoire, selon 2 critères : l’origine et le lieu de résidence des candidats à l’embauche. Quatre méthodes de tests ont été combinées : dépôt de candidature en réponse à une offre, demande d’information sur une offre publiée, candidature spontanée, et demande spontanée d’information sur le recrutement.

Suite à leur testing, les économistes ont constitué une importante base de données. “Son exploitation met en évidence une discrimination significative et robuste au sein des grandes entreprises selon le critère de l’origine, à l’encontre du candidat français présumé d’origine maghrébine, dans tous les territoires de test”, constatent-ils. De son côté, le lieu de résidence ne joue qu’un rôle mineur en matière de discrimination dans les entreprises.

 

Une discrimination qui concerne tous les secteurs

Les chercheurs observent que les grandes entreprises françaises “ont de bonnes raisons de recruter dans l’égalité, sur le seul critère de l’aptitude” et “disposent de puissantes directions de ressources humaines et des moyens d’organiser des processus de recrutement garantissant l’égalité formelle des candidats”. Mais pour autant, et malgré l’engagement de la plupart dans des démarches de RSE et la signature de chartes, elles traitent différemment les candidats.

Sur les 103 entreprises testées (de tous secteurs d’activité), les économistes identifient une quinzaine d’entreprises discriminantes. Selon quels critères ? “Il existe une discrimination significative à l’encontre du candidat français présumé d’origine maghrébine quel que soit le type de test utilisé”, indique l’étude. Selon elle, les candidats d’origine nord-africaine ont près de 20 % de réponses en moins de la part d’un recruteur, et 30 % de chances en moins d’être recontactés après une candidature spontanée.

Les chercheurs observent enfin qu’un “travail plus approfondi sur les causes de ces discriminations indique que le domaine d’activité de la société joue un rôle déterminant, même si tous les secteurs sont concernés”. Ainsi, l’industrie, les biens de consommation et les services aux entreprises “se différencient par une discrimination significative”.

 

Des biais méthodologiques ?

Le gouvernement a toutefois reconnu les “limites” de ce type d’étude. “Vous avez toujours des biais méthodologiques. C’est pour cela que l’on constate des présomptions. Mais ce qui est très important, c’est de montrer que par ce faire, on pointe du doigt une situation de discrimination et on fait avancer et bouger les lignes. Et à la fin des fins, ce qui est sûr, c’est que ces résultats nous interpellent”, explique Julien Denormandie, ministre de la Ville, sur France Info.

Les chercheurs eux-mêmes précisent que les candidatures  envoyées l’ont été directement à des managers, quand certaines entreprises “ont recours à des bases centralisées par les directions RH et à des ATS (applicant tracking system), c’est-à-dire un logiciel qui assiste les RH dans les étapes du recrutement”. En outre, des organisations sous-traitent les réponses aux CV.

Le gouvernement a précisé qu’il relancerait en 2020 “une nouvelle vague de testing”, avec 40 entreprises tirées au sort “parmi les 120 plus grandes de France”.

 

 

 

(1) Les entreprises testées font partie du CAC All-tradable, qui regroupe les 250 sociétés cotées les plus importantes. Elles se situent dans 6 zones d’emploi : Nice, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lyon et Paris. Entre octobre 2018 et janvier 2019, les chercheurs ont effectué un total de 8 572 tests sur 103 organisations, à qui ils ont envoyé 17 643 candidatures et demandes d’informations (fictives).

 

 

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