Comment lutter contre le chômage des plus de 50 ans ? Pour le Medef, l’une des solutions pourrait être d’inciter les seniors à accepter des emplois moins bien payés, contre une “compensation différentielle”.
Selon une étude de l’Insee, le taux d’emploi en France métropolitaine des 50-64 ans s’élevait en 2017 à 61,5 % (et le taux de chômage des plus de 50 ans à 6,6 %). Une amélioration depuis dix ans, puisque si le taux d’emploi des 25-49 ans a reculé de 1,9 point entre 2007 et 2017, celui des seniors a augmenté de 8,2 points. Toutefois, “la part des cadres et des professions intermédiaires a progressé pour les seniors, mais moins que pour le reste de la population”, note l’institut, qui constate par ailleurs que le nombre d’emplois à durée limitée a augmenté en dix ans.
C’est dans ce contexte que le Medef avance une proposition pour lutter contre le chômage des plus de 50 ans – à savoir le versement par Pôle emploi (ou l’assurance chômage) d’une “aide compensatoire” aux seniors (jusqu’au moment du départ en retraite) qui acceptent un emploi moins bien payé que leur travail précédent.
Selon RTL, qui s’est procuré le document dans lequel l’organisation patronale décrit sa proposition, l’argument de cette dernière est le suivant : “aujourd’hui un senior au chômage a du mal à en sortir, pour deux raisons principales : son prix (un salarié en fin de carrière coûte cher) et son manque d’efficacité supposée (car il serait souvent soupçonné d’être moins investi dans son travail à quelques années de la retraite).”
Le Medef avance notamment comme chiffre l’augmentation de + 390 % en 10 ans (1) du nombre de demandeurs d’emploi de longue durée de plus de 50 ans – au nombre de 900.000 (2).
Les exemples de la Suisse et de la Suède
La compensation qui serait versée aux seniors acceptant d’être moins bien payés quand ils retrouvent un emploi existe déjà en Suisse – sous le nom “d’aide différentielle”, elle est principalement destinée aux chômeurs de longue durée et peu qualifiés. Pour le Medef, ce dispositif permettrait non seulement aux demandeurs d’emploi de plus de 50 ans de retrouver un travail, mais aussi à ceux déjà en poste de perdre leur poste. Il réduirait aussi les coûts des entreprises et diminuerait les frais de l’assurance chômage – celle-ci n’ayant pas à verser une indemnisation complète, mais juste un petit complément de salaire.
Dans sa proposition, Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, prend l’exemple de la Suède, qui aurait une “capacité très forte des entreprises à garder des individus en emploi mais dans des postes et avec des salaires qui ne sont pas toujours les mêmes. Parce qu’après 62-63 ans, il y a des gens soit qui veulent souffler ; soit dont la productivité ou la compétence n’est pas exactement la même et qui acceptent de redescendre hiérarchiquement, mais de continuer à travailler”.
Pour les syndicats, qui s’opposent déjà à la proposition du Medef de faire passer l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans d’ici 2028, il s’agit d’une “provocation irresponsable et incohérente”. Ainsi, Marylise Léon, la secrétaire générale adjointe de la CFDT, explique à RTL “qu’on ne peut pas demander à ce que les travailleurs travaillent plus vieux et considérer qu’à partir d’un certain âge le salarié soit compensé et par l’assurance chômage et par Pôle emploi. Il n’est pas question de payer moins cher un salarié senior parce qu’il est senior, c’est absolument discriminatoire”. Et pour le négociateur de Force ouvrière, Michel Beaugas, “l’idéal serait d’abord de ne pas licencier les seniors à 55 ans pour commencer”.
(1) Ce chiffre avancé par le Medef n’a pas pu être vérifié.
(2) Selon la Dares, 60,2 % des chômeurs âgés de 55 ans ou plus étaient au chômage depuis au moins 1 an en 2018, contre 57 % en 2008. “Avec un taux de chômage plus faible et une part de chômeurs de longue durée plus élevée, le taux de chômage de longue durée des seniors est in fine assez proche de celui de l’ensemble des actifs (3,9 %, contre 3,8 %)”, note-t-elle toutefois.