Formation

Emplois d’avenir : une équation à réussir

Prenons un vrai problème : l’emploi des jeunes. Il y a chaque année 120 000 jeunes sortant du système scolaire sans diplôme et 50 % des moins de 26 ans sans diplôme sont au chômage. Le problème est pandémique, la réponse ne peut pas être homéopathique.

 

Par Olivier Dupuis, secrétaire général du Comité national des entreprises d’insertion (Cnei).

La solution au problème de l’emploi des jeunes doit être massive pour ne pas abandonner un pan entier de notre société, rapide pour redonner espoir et confiance à la jeunesse. De même, la Nation ne peut pas délaisser des territoires entiers, ruraux ou urbains. Une politique qui viserait les jeunes les moins qualifiés, les plus fortement touchés par le chômage, résidant dans des territoires pauvres, serait donc une politique socialement juste. La loi créant les emplois d’avenir semble donc une loi utile et juste.

Quelle vision économique ?

En revanche, le volet “moyens choisis” de l’équation est discutable et interpelle sur la vision économique portée par la gauche. La loi pose deux postulats, plutôt dogmatiques.
Le premier ne repose sur aucun fondement d’expériences ou d’études : un jeune en difficulté va se forger une meilleure place dans la société parce qu’il se mettra à son service. On est quasiment dans la rédemption : “Tu es en difficulté, tu as sans doute ta part de responsabilité, alors tu vas travailler mais pour aider les autres.”
Le deuxième apparaît comme un non-sens économique. La loi privilégie les secteurs porteurs (aide à la personne, filières vertes…). On entend “porteur ” comme “économiquement porteur ”, et donc susceptible de pérenniser les emplois qui auront été créés avec la mise en place des emplois d’avenir. Rappelons-nous que la loi vise de façon prioritaire le CDI au sein de la structure ayant embauché le jeune. C’est là que tout se complique, puisque les employeurs seront, sans doute à 90 %, du secteur non marchand. Retenons pour simplifier que le secteur non marchand est composé d’associations et de collectivités. Ce sont donc ces dernières qui vont rendre ces activités solvables, mais sans intervenir sur le marché et donc sans tirer de recettes marchandes des activités. Ainsi, les ressources ne proviendraient que de la générosité publique ou de l’impôt.
En période de forte croissance, ce choix était possible, mais inutile puisque l’emploi n’avait pas besoin d’être soutenu par une action publique forte. En temps de crise et de rigueur, ce choix est impossible et irréaliste.

Des solutions

Les excès du libéralisme, économiquement néfastes, moralement inadmissibles, ne peuvent pas fonder une vision économique administrée. En revanche, il faut des règles et des limites. À ce titre, la PME durable et sociale qu’est l’entreprise d’insertion pourrait être le bon moyen de solutionner cette équation difficile. Depuis plus de trente-cinq ans, ce modèle a réussi à combiner performance économique et innovation sociale, au bénéfice de personnes éloignées de l’emploi. Ça marche, ça coûte moins cher que de rester au chômage ou que les emplois d’avenir. Mais comme en l’occurrence “marche” est synonyme de “marchand”, le gouvernement n’a retenu l’entreprise d’insertion qu’à la marge, au lieu d’en faire un élément central de sa politique. S’extraire du marché, c’est aussi limiter les opportunités de se confronter à ses exigences, qui sont pourtant un accélérateur d’acquisition de compétences. Par dogmatisme, la solution efficace et la moins coûteuse est délaissée. Au prix de l’argent public aujourd’hui, l’équation semble plus hasardeuse que raisonnée.

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