Reconversion

« En tant que slasheur, on fuit la routine »

Parmi les grandes tendances du marché du travail, le slashing et ses slasheurs renversent les codes, en cumulant plusieurs emplois ou activités à la fois, et souvent dans des secteurs différents. Un phénomène croissant, qui se traduit notamment par un meilleur alignement avec ses aspirations personnelles. Explications avec Marielle Barbe, consultante et auteure de "Profession slasheur, la vie est trop courte pour choisir un seul métier" (Diateino).

Rendez-vous au Salon du Travail et de la Mobilité Professionnelle, les 25 et 26 janvier à la Grande Halle de La Villette, pour assister à la conférence de Marielle Barbe. Inscriptions ici.

Comment le slashing se pose-t-il en alternative à la norme du salariat?

Aujourd’hui encore, on nous demande très rapidement à l’école quel métier on souhaite exercer plus tard. Cela induit une forme de norme ou de pression, mais rien n’oblige à se limiter à un seul métier ou à une seule voie. De la même façon, je ne me suis jamais définie uniquement par ce que je faisais dans la vie. Le système scolaire et le marché du travail poussent les enfants, puis les adultes, à devenir des experts, des salariés à temps plein en CDI parce que c’est la norme, mais de plus en plus de personnes se libèrent de cela et choisissent de multiplier les expériences. Par exemple, en cumulant un métier passion et un métier plus en lien avec une expertise ou le parcours initial. Se dire que, non, nous ne sommes pas du tout obligés de choisir un métier pour le reste de notre vie, cela ouvre les perspectives.  

Le Larousse définit le slasher comme une « personne, généralement issue de la génération Y, qui exerce plusieurs emplois et/ou activités à la fois», et met donc l’accent sur les millenials, mais je vois autant de slasheurs jeunes et en début de carrière que ne profils plus seniors. En revanche, les jeunes arrivent sur le marché avec d’emblée d’autres aspirations, d’autres codes. Une étude récente révélait que les jeunes actifs changeront en moyenne 13 à 15 fois d’emploi dans leur vie. Cette capacité et habitude à enchaîner les expériences, de même que la volonté de slasher et avoir plusieurs expériences en parallèle, découlent notamment des nouvelles priorités des actifs. Les jeunes ont envie de donner du sens à leur vie et à leur travail, de se tailler un parcours sur-mesure. Le slashing se développe sur ce terreau-là.

Quels sont les apports pour une carrière et pour l’équilibre personnel?

Le slashing, c’est surtout avoir la possibilité de pouvoir aligner son évolution professionnelle et son évolution personnelle. Parmi les personnes que j’accompagne, certaines font des choses incroyables dans leur vie personnelle ou aspirent à se diversifier dans leur vie professionnelle, mais dans leur entreprise, on les limite et on les cantonne à un poste et un rôle. C’est ce décalage-là qui peut être à l’origine de désengagement au travail, de démotivation, de risques psychosociaux, de burn-out. Oui, aujourd’hui les gens aspirent à un équilibre global, plus de sens, et plus de diversité dans leur quotidien. Une personne qui travaille intensivement autour d’une seule activité, quand bien même elle lui plait, risque de s’épuiser sur le long terme. Or, multiplier ses activités, c’est aussi une façon de mieux se connaître, de mieux se gérer et prendre soin de soi, et d’être plus acteur de sa vie professionnelle. En tant que slasheur, on fuit la routine et le stress, parce que les conditions d’équilibre font que l’on est souvent plus épanoui. Tout n’est pas rose pour autant, et tout le monde n’est pas fait pour slasher.

Est-ce une tendance qui prend de l’ampleur ?

Selon les dernières études, nous sommes à 26 % de slasheurs – contre 16 % en 2016 – soit plus d’un quart de la population active. C’est énorme, mais ce qui en fait un vrai phénomène de société, c’est que 96 % le sont par choix. Et pour cause, les gens constatent que slasher leur permet d’être plus prompt à évoluer, cela nourrit leur curiosité et leur enthousiasme, et donc leur créativité.

Je fais tout de même que le constat que dans les grandes entreprises et le monde du travail en général, il y a encore une certaine inertie et frilosité face au changement. Mais si ces acteurs ne prennent pas en compte ces évolutions de mentalités et d’aspirations, le décalage risque de se creuser. Et s’ils parviennent à en prendre conscience, ils gagneront beaucoup de temps et éviteront beaucoup de difficultés. Il me semble qu’aujourd’hui, il est important de tester la facilitation du slashing comme une solution et une réponse aux grands défis du monde du travail, en termes de recrutement, de RH, de rétention des talents, de flexibilité offerte aux travailleurs… Et les acteurs publics qui réfléchissent à comment rendre la polyactivité plus attractive et sécurisante. Parce qu’il faut aussi dire que ce n’est parfois pas simple d’être slasheur du point de vue du statut, des contrats…

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