Reconversion

Et pourquoi pas le Japon ?

L’Asie attire de plus en plus de cadres. Mais pas forcément le Japon, qui s’est fait voler la vedette notamment par la Chine, et ce, même avant la catastrophe de Fukushima. C’est pourtant un pays qui offre de nombreuses opportunités… Découverte avec deux spécialistes du Japon, qui nous donnent des clés pour y voir plus clair.
 
Pour beaucoup, le Japon est dorénavant associé à des images de panique, voire de terreur, suite aux violents séismes de mars 2011. “Mais après la catastrophe de Fukushima, les besoins des entreprises en recrutement n’ont pas changé et elles continuent toujours à envoyer des collaborateurs dans leurs filiales japonaises. En fait, c’est surtout la perception des salariés qui a évolué. Les expatriés ont pris conscience du danger”, explique Michel Dalonneau, consultant expert du Japon pour le cabinet Itinéraires Interculturels, qui accompagne notamment des cadres dont les employeurs souhaitent qu’ils se familiarisent avec la culture du pays avant de partir.
 
Un engouement en perte de vitesse
Cela dit, l’engouement pour ce territoire était déjà en perte de vitesse, même avant ce triste épisode. “En Asie, on se bouscule pour Hong Kong ou encore Singapour, mais pas forcément pour le Japon”, souligne Nicolas Bonnardel, le directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie française du Japon (CCIFJ). Et Michel Dalonneau d’ajouter : “Quand je suis parti là-bas pour la première fois il y a 25 ans, Tokyo était très à la mode, presque autant que New York. Ce qui est moins le cas aujourd’hui.” Et les chiffres, même avant mars 2011, vont dans ce sens. Ainsi, en 2008, le Japon comptait seulement 1,74 % d’étrangers*. En 2010, le registre des Français établis hors de l’Hexagone recensait un peu plus de 7 200 expatriés au Japon (d’après la Maison des Français de l’étranger – MFE – un service du ministère des Affaires étrangères et européennes qui a pour mission d’informer tous les Français envisageant de partir vivre ou travailler à l’étranger).
 
La barrière culturelle
Ce manque de succès s’explique notamment par une méconnaissance de la culture japonaise (réduite trop souvent aux mangas et aux sushis). “Ce pays souffre d’une image faussée en France”, commente Nicolas Bonnardel. Tout d’abord, il y a la question de la langue. Bien sûr, la maîtrise du japonais est un énorme plus pour travailler sur cet archipel. Mais il faut quand même garder en tête que “dans la majorité des cas, il s’agit d’entreprises françaises qui envoient des salariés dans leur filiale au Japon. Les situations où une entreprise nippone fait appel à un cadre français sont finalement assez rares. Dans le premier cas de figure, la maîtrise du japonais n’est pas forcément indispensable. Dans le second, elle est en revanche non négociable !”, explique l’expert du cabinet Itinéraires Interculturels. Et évidemment un bon niveau d’anglais est aussi indispensable.
Là où la connaissance de la langue peut vraiment être un atout de taille, c’est dans les relations plus informelles, par exemple pour aller prendre un verre après le travail. “Ce sont des rapports qui dans ce pays sont fondamentaux”, souligne Michel Dalonneau, qui nous laisse ainsi entrevoir des bribes de cette culture. “Il est vrai que les codes sont très forts et il faut apprendre à les maîtriser. Par exemple, les Japonais détestent la surprise. Il leur faut du temps pour prendre des décisions. Tous les projets sont donc bien réfléchis en amont, mais après, cela avance tout seul. Ce sont aussi des personnes qui préféreront ne pas s’exprimer plutôt que de dire une bêtise. Du coup ils passent pour des gens froids. En comprenant déjà cela, cette culture devient alors plus lisible et finalement, il est alors possible d’évoluer dans ce pays”, ajoute Nicolas Bonnardel. En fait, pour Michel Dalonneau, “un expatrié ne doit pas se mettre à se comporter ‘à la japonaise’, ce qui serait une grosse erreur, mais au moins partir en sachant ce à quoi il devra faire attention.”
 
De belles opportunités
Car une fois dépassées les réticences, ce pays offre de nombreuses opportunités. “Il ne faut pas oublier que l’économie japonaise est très mûre, et ce même en période de récession. C’est d’ailleurs la troisième puissance économique au monde (le PIB du Japon en 2010 est évalué à 5 460 milliards de dollars, d’après le ministère des Affaires étrangères, ndlr)”, souligne Michel Dalonneau. “À part la fonction d’acheteur, qui est peut-être moins recherchée aujourd’hui au Japon, les besoins sont très divers et ce, dans tous les secteurs. J’ai par exemple accompagné des personnes envoyées à la tête de ‘business units’ de filiales françaises, des spécialistes des ressources humaines, des directeurs financiers, ou encore des experts sur des compétences très techniques comme un ingénieur qui travaillait au déploiement de solutions SAT (logiciel de gestion)”, commente le consultant du cabinet Itinéraires Interculturels. D’autres postes encore sont susceptibles d'être offerts à des Français (dans des entreprises hexagonales installées au Japon), d’après la MFE : responsable produit, marketing, clientèle ou encore commercial, chargé d’affaires, contrôleur de gestion, trader, auditeur interne, ingénieur commercial et informaticien. Le service du ministère des Affaires étrangères et européennes précise aussi que de nombreuses grandes entreprises françaises sont représentées au Japon : Air Liquide, Saint-Gobain, Air France, Total, France Télécom, Michelin, Thalès, Dassault, etc. La MFE cite aussi LVMH, Chanel ou encore L’Oréal, les industries du luxe et celles touchant à la gastronomie occupant une place prépondérante.
 
Hauts niveaux voire très hauts niveaux
Les profils recherchés au Japon sont donc plutôt des hauts, voire des très hauts niveaux. “Ce qui est logique. Car concrètement, l’expatriation dans ce pays coûte cher donc peu d’entreprises peuvent se permettre d’envoyer des salariés là-bas. Ce sont donc les hauts profils que l’on va envoyer en priorité”, explique Michel Dalonneau. Dans ce sens, Nicolas Bonnardel souligne lui aussi le coût de la vie très élévé au Japon, “mais les salaires sont alignés en conséquence. Et pour avoir vécu dans d’autres pays, le Japon offre d’après moi des conditions assez inégalables dans le monde (le système éducatif notamment, ndlr). Il faut dire que les Japonais sont perfectionnistes en tout. Que ce soit pour le travail ou pour le balayage des rues. Rien n’est laissé au hasard. Du coup, évidemment, on attend aussi de vous que vous soyez à ce niveau”.
 
*Source : ministère de la Justice japonais – chiffre basé sur le nombre d’étrangers enregistrés dans les mairies en 2008, à l’exclusion des diplomates, officiels et du personnel de l’armée des USA.

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