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Faut-il traverser la France pour (re)trouver un emploi ?

Après le numérique et les compétences, Pôle emploi a choisi pour l’édition 2019 de ses Rencontres de l’emploi, le thème de la mobilité et des territoires. En effet, les opportunités d’emploi ne se situent pas toujours à proximité du lieu de résidence des demandeurs d’emploi – près d’un sur cinq retrouvant un emploi dans une entreprise localisée à plus de 50 km de leur domicile.

 
Comment mieux ajuster l’offre et la demande sur l’ensemble des territoires (certaines régions ne parvenant pas à pourvoir les emplois proposés, et d’autres étant confrontés à des taux de chômage importants), et permettre aux demandeurs d’emploi « d’oser » la mobilité professionnelle ? Selon Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, « celle-ci ne va pas de soi, comme on pourrait le croire » : ainsi, plusieurs facteurs entrent en jeu, tels que le coût du logement, les transports, la formation, la « dimension humaine et psychologique », ainsi que la conciliation vie privée – vie professionnelle. « Ces facteurs de choix individuels sont décisifs, et obligent de plus en plus d’employeurs à s’implanter là où vivent les salariés, et plus forcément l’inverse », note-t-il.

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« Le lieu de résidence peut être un facteur de discrimination »

En introduction des Rencontres de l’emploi 2019, organisées le 2 avril à la Maison de la Mutualité, Muriel Pénicaud, ministre du travail, a rappelé que la situation du marché de l’emploi varie fortement selon les territoires. « On trouve en France des bassins d’emploi très dynamiques, où les jobs et les ressources existent, avec un taux de chômage très bas – par exemple la Mayenne, où il est de 5,5 % -, et d’autres départements où le taux de chômage est très bas, mais où la population active est partie, comme le Cantal et la Lozère », explique-t-elle.

De son côté, le démographe Hervé Le Bras, chercheur à l’EHESS, remarquait lors de la première table ronde de l’événement, baptisée « Traverser la France pour trouver un emploi, une solution ? », qu’il existe un « décalage » entre deux dynamiques : la « concentration de la population sur les pourtours métropolitains », et « un départ de plus en plus fréquent des gens du Nord-Est vers le Sud-Ouest ». D’où la situation paradoxale, par exemple, de l’Occitanie, où « il y a le plus de nouveaux arrivants, mais où il y a aussi un niveau de chômage très fort ». Ou encore celle de ces grandes villes (comme Paris) où, à qualification égales, les habitants de « quartiers populaires » ont trois fois moins de chance de trouver un emploi que les autres. « Le lieu de résidence peut ainsi, aujourd’hui encore, être un facteur de discrimination », déplore Muriel Pénicaud, qui appelle de ses voeux la poursuite d’une « politique territoriale et sociale efficace, condition d’une politique de l’emploi elle aussi efficace ».

Comment aider les demandeurs d’emploi qui le souhaitent à changer de ville, de département, de région ; ou même à sauter le pas ? « La mobilité professionnelle est une compétence sociale, qui participe tout autant que la formation à la reprise d’un emploi », affirme Firmine Duro, directrice des partenariats et de la territorialisation chez Pôle emploi. C’est pourquoi, explique-t-elle, « dès l’inscription en agence, nous leur demandons jusqu’où ils sont prêts à se déplacer, voire à déménager pour trouver un emploi – selon leur situation de vie. Et c’est aussi pourquoi nous leur présentons les aides financières, institutionnelles et associatives possibles pour les aider à déménager, et à élargir leur champ de mobilité ».

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« Nous ne sommes pas tous armés de la même façon face à la mobilité »

Quand ils veulent bouger pour trouver un nouvel emploi, ou pour changer d’entreprise, de poste ou de métier, les personnes en quête de mobilité se retrouvent confrontées à plusieurs freins. « En premier lieu, les questions liées à la mutation de la famille (les conjoints peuvent-ils les suivre, les enfants sont-ils assez âgés, etc.) sont décisives, et les changements d’emploi ne peuvent plus, aujourd’hui, s’envisager seul », indique Hervé Le Bras. « L’autre frein, c’est la qualification. Il est ainsi facile pour un cadre de traverser la France pour un job, mais pour quelqu’un de moins qualifié, pas encore. Ce n’est en aucun cas, de nos jours, une solution pour tous les demandeurs d’emploi », ajoute Hugo Bevort, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l’égalité des territoires.

D’après Caroline Arnoux-Nicolas, psychologue et chercheuse au Cnam, la mobilité professionnelle demeure pour beaucoup une prise de risques – surtout quand elle est volontaire, et pas imposée. « Souvent, elle peut permettre à l’individu de trouver du sens dans son travail. Mais pour envisager de bouger, il faut un certain nombre de ressources, de la formation aux qualifications, en passant par les soft skills. Or, nous ne sommes pas tous armés de la même façon pour cela. D’où l’importance de la mise en place par les institutions d’un accompagnement à la mobilité individualisé et de qualité, avec l’idée qu’ils ont parfois besoin de ne pas se sentir seuls dans leur démarche », estime-t-elle.

Pour conclure le débat, Firmine Duro indique que la mobilité « n’est pas une solution miracle » face au chômage – ni pour les demandeurs d’emploi, ni pour les territoires. « S’il est important pour les collectivités et les institutions d’apprendre à l’activer en accompagnant les individus pour leur permettre d’oser bouger, il ne faut pas en faire une fin en soi ».  Car tout miser sur l’encouragement à la mobilité pour trouver un emploi, complète Hugo Bevort, « ce serait prendre le risque d’accroître le ressentiment de beaucoup de demandeurs d’emploi, quand ils se retrouveraient par exemple en périphérie de la région parisienne, et constateraient que le marché du travail est bouché pour leur niveau de qualification – ni de haut niveau, ni de bas niveau. » Aux territoires, finalement, de mener également « une politique autour du coût du logement, des transports, ou encore de la formation ».

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Les freins et les leviers de la mobilité géographique des demandeurs d’emploi

Selon la dernière synthèse de Pôle emploi sur la mobilité géographique, 20 % des demandeurs d’emploi (31 % chez les anciens cadres) retrouvent un emploi dans un établissement localisé à plus de 50 km de leur domicile ; et la même proportion de chômeurs considèrent la proximité géographique comme le critère prioritaire de leur recherche.

« Le coût financier de la mobilité, mais aussi l’attachement à un territoire pour des raisons extra-professionnelles (notamment familiales) sont les principales motivations des demandeurs d’emploi qui n’envisagent pas d’élargir leur périmètre géographique de recherche », indique l’institution. « Les moins mobiles (notamment sans permis de conduire) peuvent cependant envisager d’élargir leur périmètre de recherche en cas d’aide financière au déménagement, d’aide à la recherche d’emploi du conjoint (en cas de déménagement), ou de mise en place d’une ‘navette’ pouvant les conduire sur leur lieu de travail », ajoute-t-elle.

 

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