Quelle est l’idée derrière la rédaction de ce livre ?
Stéphane Truphème (ST). J’ai écrit ce livre pour résumer ce que j’ai appris pendant mes années de freelance et d’entrepreneur, ainsi que pour proposer une méthode pour aider celles et ceux qui envisagent de quitter le salariat. Le solopreneuriat, c’est une voie plus accessible qu’avant, dès le début d’une carrière. Quand on a 25-30 ans, on a souvent moins d’engagements ou d’attaches, on peut se donner un ou deux ans pour tester le freelancing, quitte à revenir au salariat si cela ne marche pas.
Mon message principal, c’est qu’on passe une grande partie de notre vie au travail, donc si on a un poste qui ne nous plaît pas, un boss toxique, ou une perte de motivation, c’est sans doute le moment d’explorer une autre façon de travailler. Si les barrières à l’entrée sont quasi nulles, il n’y a cependant rien de facile, cela demande beaucoup d’efforts.
Quels sont, selon vous, les signaux qui peuvent pousser à quitter le salariat ?
ST. J’ai identifié trois critères sans lesquels le salariat peut vite devenir une routine peu gratifiante : se voir assigner des objectifs qui exigent un apprentissage permanent, voir ses efforts conduire à une augmentation constante de son salaire, trouver du plaisir et de l’alignement avec ses aspirations. Dans le monde d’aujourd’hui, avec l’arrivée de l’IA notamment, si l’on n’apprend pas régulièrement, on prend des risques. Le critère du salaire, lui, me parait logique : si on bosse bien et si on participe à la croissance de l’entreprise, cela devrait être reconnu et valorisé. Et, enfin, la notion de plaisir et d’intérêt est centrale, il est temps de changer si on rechigne à partir au travail tous les matins.
Vous détaillez les grandes étapes pour se lancer en freelance, en commençant par insister sur les aspirations personnelles. Pourquoi ?
ST. Pour quitter le salariat et lancer son activité, il faut que cela vienne de soi, que cela soit aligné avec ce qui nous motive. De sorte à éviter de se réveiller un an et demi plus tard en se disant, finalement cela ne me plaît pas non plus. Pour réfléchir à son projet et interroger ses aspirations, je cite plusieurs outils utiles : le Why de Simon Sinek ; la méthode de l’Ikigaï ; et le Swot personnel, qui reprend l’évaluation des forces, faiblesses, opportunités et menaces d’une entreprise pour l’adapter à une situation individuelle.
Il faut poser des bases solides, parce que les premiers mois, les premières années du freelancing demandent de beaucoup s’accrocher pour trouver son rythme, sa clientèle, pérenniser ses activités. Il y a une hyperconcurrence sur le marché, il faut parvenir à émerger.
Pour se lancer, comme pour se faire connaître, l’utilisation des outils numériques est indispensable ?
ST. C’est essentiel. En tant que freelance, le terrain de jeu est illimité sur le web. Et si on parle anglais, on peut même potentiellement toucher le monde entier. Cultiver sa présence numérique permet de se faire connaître, de discuter avec de potentiels clients, avec ses pairs, d’ajuster son offre en observant son marché. Pour donner vie à son projet sur le web, il existe différents leviers, à commencer par l’utilisation de marketplaces et de plateformes de freelancing pour valider la pertinence de son offre et trouver ses premiers clients. Il y a des commissions et une forte concurrence, mais c’est une rampe de lancement très utile. Ensuite, on peut créer son propre site et des landing pages pour vendre son offre. Tout en travaillant son personnal branding et en cultivant son réseau via LinkedIn, un blog, une newsletter, de l’e-mail marketing…
Quels sont les premiers écueils à éviter ?
ST. Ce qui est ultra motivant, c’est le fait d’en apprendre tous les jours, d’exercer des responsabilités et de mener sa barque. Mais il ne faut pas non plus tomber dans l’excès qui consisterait à vouloir à tout prix tout faire seul. Il faut savoir s’entourer, sous-traiter certaines tâches administratives ou de comptabilité si on peut se le permettre. Ou encore, faire appel à un ghostwriter pour booster sa visibilité sur les réseaux. Être freelance ce n’est pas être seul, au contraire. Je conseille vivement de ne pas s’isoler, d’aller rencontrer ses clients, de discuter avec d’autres freelances, des partenaires. Il existe aussi des collectifs de freelances, des sociétés de portage. Il faut tester et s’informer, pour voir ce qui nous plaît et ce qui fait grandir notre business.
Vous déconseillez, surtout, de se précipiter ?
ST. J’insiste vraiment sur cette approche méthodique, étape par étape, ainsi que sur la nécessité de s’imposer une discipline de travail et sur l’importance de ne pas se lancer dans le freelancing par défaut ou en dernier recours. Il y a, d’ailleurs, de plus en plus de personnes qui commencent par alterner entre salariat et freelancing, en ayant un side business ou en faisant du slashing.
Pour schématiser, j’ai pensé un plan de lancement en dix étapes, sur 120 jours et détaillé dans le livre – de la définition de ses envies jusqu’à la commercialisation de son offre, en passant par l’identification de son segment de marché -, le listing des points de douleur que son offre permettra de résoudre, la définition de sa clientèle cible, ou encore le test de son offre en ligne. Chacun peut adapter ce schéma à sa situation, tout en gardant à l’esprit que l’avantage du freelancing, c’est que l’on est obligé d’apprendre tous les jours et d’actualiser ses compétences et son offre en permanence pour rester pertinent.
Plus de conseils pratiques à retrouver dans le livre de Stéphane Truphème, Quitter le salariat, Travailler en liberté. Le guide pour celles et ceux qui rêvent de quitter leur job mais qui n’osent pas (Eyrolles).