Emploi

Hôtellerie-restauration : la course à l’attractivité

Comme à son habitude, le secteur de l’hébergement et de la restauration recrute à tour de bras. Problèmes : ces métiers font face au manque de candidats et à une panne d’attractivité accélérée par la crise. Pour inverser la tendance et répondre aux besoins, les professionnels du milieu s’activent notamment sur les questions de qualité de vie au travail (QVT).

 

Avec plus de 360 000 projets de recrutement en 2022, dont 50 % d’emplois saisonniers, le secteur de l’hôtellerie-restauration ou CHR (cafés, hôtels, restaurants) était le troisième domaine d’activité en termes de besoins en main d’œuvre et d’opportunités d’emploi. Et pour cause, la branche est même celle qui a recruté le plus de salariés entre avril 2021 et juin 2022, jusqu’à atteindre plus d’1,2 millions de personnes en poste, un niveau sans précédent. Pour autant, les recrutements ne s’alignent pas sur les besoins de la filière et son importante reprise d’activité post-Covid. Les professionnels du métier peinent à attirer des nouveaux venus et le nombre de postes vacants était encore estimé à 200 000 avant l’été 2022. Une panne d’attractivité qui touche tout un secteur, mis à mal notamment par des rythmes de travail exigeants et un difficile équilibre vie perso – vie pro. « Des difficultés de recrutement il y en avait déjà avant la crise, mais elles n’étaient pas aussi importantes, analyse Sandrine Chourrout, DRH de Majorian, une plateforme de solutions et d’accompagnement RH pour les restaurateurs et hôteliers indépendants. C’est un secteur qui est à mon sens en transition. Et malgré la désertion du secteur dont on parle, il y a des milliers et des milliers d’emplois qui attirent des travailleurs« . Des métiers en forte tension donc, qui doivent notamment redorer leur image auprès des plus jeunes.

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« Les besoins en main d’œuvre ont explosé au fil des dernières années, du fait du nombre d’ouvertures d’établissements et des volumes toujours plus importants, confirme Rémi Nabailles, directeur adjoint et manager en salle du restaurant La Halle aux grains à Paris. Nos métiers sont exigeants mais ils peuvent être passionnants. Je pense quand même qu’il faut être fait pour cela, pour s’adapter au rythme« .

Dans ce contexte, les professionnels de l’hôtellerie-restauration sont aujourd’hui contraint de repenser leur organisation et leur politique RH pour pallier le manque de candidatures et fidéliser de nouveaux talents. Et la branche a beaucoup à offrir, comme l’affirme Laurent Barthélémy, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) en Nouvelle-Aquitaine et vice-président de l’opérateur de compétences Akto : « La situation est difficile comme dans beaucoup de secteurs, mais nous avons des richesses indéniables. À commencer par les opportunités d’ascension sociale. Comme pour les autres métiers de l’artisanat et du service, ce sont des jobs passion, et l’organisation du temps de travail permet aux salariés d’être acteurs de leur parcours. C’est une branche qui offre plus de flexibilité que d’autres« .

Les nouvelles attentes des salariés

Pour s’adapter à la demande des travailleurs, la profession s’active sur tous les tableaux. En termes de rémunération d’abord, avec d’importants efforts consentis en 2022, puisque la moitié des professionnels adhérents à l’UMIH ont augmenté les salaires pour l’ensemble de leurs salariés. Sans oublier la « prime Macron » dont ont pu bénéficier nombre de travailleurs de la branche. Pour autant, « cela ne suffit pas pour répondre aux attente des salariés, juge Sandrine Chourrout. Le salaire c’est en quelque sorte les fondations de la maison, il faut construire là-dessus. Si on regarde les enquêtes professionnelles, les préoccupations se tournent certes vers la rémunération, mais surtout de plus en plus vers la quête de flexibilité et d’un meilleur équilibre entre vie pro et vie perso« . Si Laurent Barthélémy rappelle que « les salariés du secteur sont payés le plus souvent au-dessus du Smic« , il concède que la fiche de paie ne suffit pas pour une politique RH convaincante.

L’enquête People at Work 2022, réalisée par ADP, livre un état des lieux de ces nouvelles priorités des travailleurs de l’hôtellerie-restauration, dans une société post-Covid. En premier lieu, 76 % des salariés interrogés souhaiteraient bénéficier d’une plus grande flexibilité dans l’organisation de leurs horaires de travail, avec la possibilité de les condenser sur une semaine de 4 jours. 31 % seraient même prêts à accepter une baisse de leur rémunération en contrepartie, et 67 % en échange d’un meilleur équilibre avec leur vie personnelle. S’agissant de la crise d’attractivité et de ses sources, 27 % des travailleurs du secteur déclarent ressentir du stress au travail et 17 % ne sont pas satisfaits de leur quotidien, en raison notamment d’un nombre d’heures de travail trop important. De fait, 64 % ont envisagé de changer de carrière en 2022, et 29 % de travailler dans un autre domaine d’activité.

Comme l’explique Rémi Nabailles, c’est tout un secteur qui prend conscience des transformations à mener : « Il faut rappeler que nous travaillons quand les autres ne travaillent pas, que nous sommes là le soir, le week-end. Les choses évoluent, chacun veut pouvoir profiter de sa vie au travail et les professionnels de la restauration ont pris conscience qu’ils peuvent travailler autrement. Par exemple, nous proposons à nos employés de faire des services en continu, pour ne pas diviser les heures entre le matin et le soir, ainsi qu’une équité sur la répartition des shifts du soir pour que chacun puisse profiter de sa famille. Quand j’ai commencé on ne parlait pas de ces sujets« .

Un secteur qui se renouvelle

L’engagement pour une meilleure organisation du travail et en faveur de la qualité de vie au travail (QVT) sont donc à l’ordre du jour pour nombre d’établissements. « Nous travaillons tous les jours sur ces enjeux, affirme Laurent Barthélémy, lui-même restaurateur en Gironde (33). Tout en gardant à l’esprit que les problématiques sont différentes pour un établissement à Paris, à Bordeaux ou dans la Creuse, que ce soit un restaurant, un café, un bar, un hôtel ou même une discothèque. L’effort sur les salaires réalisé l’an passé n’est plus très visible aujourd’hui du fait de l’inflation généralisée. Il faudra donc retravailler sur ce point et surtout sur l’expérience de travail des salariés et l’évolution de notre management« . Comme le laissent entendre les mots du dirigeant de l’UMIH en Nouvelle-Aquitaine, c’est tout un secteur et ses employeurs qui prennent conscience de la nécessité de s’adapter aux besoins des candidats, de miser sur la formation et la montée en compétences en interne. « La branche de l’hôtellerie-restauration a des diplômes de branche et des certificats de qualification professionnelle qui assurent aux apprenants entrant dans le monde du travail d’être mieux payés et mieux considérés par la profession« , ajoute Laurent Barthélémy.

Au restaurant La Halle aux grains des chefs Michel et Sébastien Bras, le management mise sur la flexibilité. « On ne propose que des CDI sur temps complet, et les salariés peuvent s’ils le souhaitent faire des heures supplémentaires majorées pour gagner plus en faisant, par exemple, un soir de plus par semaine. Aussi, chaque salarié pointe ses shifts, et les dépassements d’horaires sont rattrapés en temps de repos« , résume le directeur adjoint. Le restaurant parisien mise également sur la formation et la transmission, chères au secteur. « Nous recrutons souvent des personnes qui ne sont pas du métier, qui ne savent pas faire mais ont envie d’apprendre. Nous venons ainsi de recruter un commis sommelier totalement inexpérimenté. Il part de zéro, il a 18 ans, et nous allons investir sur lui et lui payer des formations pour le faire monter en compétences en interne« , complète Rémi Nabailles. Si ces initiatives ne sont pas à la portée de tous les professionnels du secteur et des plus petites structures, l’élan est bien là : la branche de l’hôtellerie-restauration s’empare des attentes des salariés et des enjeux de QVT. Pour redevenir attractive ?

Pour compléter la lecture de cet article, retrouvez la rubrique « A vos CV ! » consacrée aux recrutements de Club Med dans le numéro 273 du magazine Rebondir.

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