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Indépendants : quel statut choisir ?

Freelances et travailleurs indépendants, que vous démarriez votre activité ou que vous souhaitiez adapter votre statut en cours de route, voici les bons conseils tirés du webinaire organisé, en octobre, par Beager, spécialiste de la mise en relation entre les indépendants ou les salariés et les entreprises. Trois experts décryptent les différences entre portage salarial, micro-entreprise, entreprise individuelle et société.

Quel est le meilleur statut pour son activité de freelance ? S’il n’y en a pas de parfait, on peut tout de même trouver le plus adapté à sa situation d’indépendant. Sachant que, logiquement, plus on paie de cotisations, plus on a de droits… et inversement !

Tout savoir sur le portage salarial

C’est Romain Souilliart, co-fondateur d’Embarq, société de portage salarial, qui explique les avantages et les limites de ce système choisi par 200 000 à 300 000 indépendants en France :

« Depuis les années 2010, c’est sécurisé car il y a eu une introduction dans le code du Travail et la création de notre propre convention collective. Au même titre que l’intérim, c’est réglementé.

Premier point positif, l’absence de contraintes administratives, donc ce statut n’est pas compliqué : gestion simplifiée et paiements garantis, assurance responsabilité civile professionnelle intégrée. La société de portage s’occupe de tout, y compris de la déclaration d’impôts et du prélèvement à la source.

Deuxième atout, la facturation que l’on effectue auprès des clients est transformée en bulletin de salaire, dans le cadre d’un CDD ou un CDI de portage, avec lissage des revenus car ils sont parfois irréguliers. Il n’y a pas de problème dans le fait de signer un CDI même si c’est pour un contrat de 9 mois dans le cadre d’une mission ponctuelle. Il est tout à fait possible d’optimiser la saisonnalité d’une activité et de limiter la précarité du freelance.

Pour fermer le contrat de portage, les deux parties signent souvent une rupture conventionnelle ou bien peut intervenir une rupture de la période d’essai à l’initiative de l’employeur. En tout cas, il y a très peu de démissions, et encore moins de licenciement.

Troisième intérêt, pouvoir cumuler plusieurs activités. Le quatrième étant que l’on bénéficie des mêmes avantages qu’un salarié en CDD ou CDI (dont les chèques déjeuner ou cadeau, l’épargne salariale, etc.). De plus, cela permet l’accès facilité à des financements et aux crédits car les prêts immobiliers sont plus facilement octroyés si l’on a des bulletins de salaires.

La seule différence, c’est l’origine de la rémunération : on tire son revenu de son chiffre d’affaires, donc plus il est élevé, mieux on est payé.

Autre avantage, les cotisations sociales donnent accès au régime général : si on est malade, on est couvert par la Sécurité sociale, on cotise à Pôle emploi, à la retraite, à la formation, etc. Il existe alors un moyen mnémotechnique pour calculer le différentiel entre brut et net : on perçoit environ la moitié de ce qui est facturé au client.

Quant aux inconvénients, ils portent d’abord sur les frais de gestion demandés par la société de portage, qui sont parfois élevés et sur le fait que ce statut n’est pas adapté à tous les profils : ce n’est que pour les activités intellectuelles, pas manuelles, pour des raisons d’assurance. Mais aussi à cause du seuil de facturation, au minimum 250 € par jour. Enfin, les cotisations sociales sont élevées, soit environ 50 %, et l’on ne peut pas optimiser en faisant passer des frais et dépenses sur son activité. »

Les principes de la micro-entreprise

Charly Gaillard, fondateur et PDG de Beager, service de mise en relation entre consultants indépendants et entreprises, en précise le fonctionnement :

« C’est un statut que l’on appelle aussi autoentrepreneuriat, autoentreprise, autoentrepreneur, qui est souvent plébiscité au démarrage ou pour certaines professions et activités car il a l’avantage majeur de la simplicité : on obtient très rapidement un Siret, ou numéro d’immatriculation qui permet d’émettre des factures en son nom propre.

Donc le fait que ce statut soit accessible, sans obligation d’apport, rapide et simple dans son fonctionnement est le premier avantage. En matière de franchise de TVA et de versement libératoire, en dessous d’un certain chiffre d’affaires, pas besoin de s’en occuper, ni de reverser à l’Etat. Donc il n’y a pas de grands enjeux de fiscalité ni de charges sociales.

Ce statut implique, par ailleurs, aucune distinction entre le patrimoine privé de l’entrepreneur et celui de l’entreprise. Les charges sociales sont proportionnelles à ce que l’on facture aux clients.

Enfin, le cumul d’activités est autorisé : on peut être autoentrepreneur et en même temps salarié, y compris en portage salarial. Cette multi-activité étant souvent appelée slashing.

Côté inconvénients, il y a, en premier lieu, le fait qu’un seuil de chiffre d’affaires ne doit pas être franchi : soit 75 000 euros par an environ. S’il est dépassé plus de 2 années de suite, on ne peut plus utiliser le statut de micro-entreprise.

D’autre part, 100 % du chiffre d’affaires est considéré comme un revenu : on ne peut pas différer la perception du chiffre d’affaires. Et l’on n’est pas éligible à l’impôt sur les sociétés, qui propose d’autres barèmes que l’impôt sur le revenu. Toutes les entrées d’argent sont automatiquement fiscalisées, on ne peut pas garder une partie du chiffre d’affaires pour investir.

Mais le point négatif majeur, c’est le faible niveau de protection sociale. C’est peu générateur de droits, notamment à la retraite. Il s’agit d’un statut précaire à long terme donc plutôt utile au démarrage ou lors d’une transition professionnelle.

Enfin, il est à noter que l’on n’est qu’en charges forfaitaires et non réelles : on ne peut pas acheter un ordinateur ou une voiture et les passer sur la société. Il n’y a pas de postes de charges déductibles. »

Les différences entre sociétés et entreprises individuelles

Gilles Bösiger, associé chez Stengelin, cabinet d’experts comptables et de commissaires aux comptes, fait la distinction entre les différentes formes existantes, en soulignant d’emblée que la micro-entreprise est une entreprise individuelle avec un régime fiscal simplifié mais que toutes les entreprises individuelles ne sont pas des micro-entreprises.

« Il existe plusieurs modes d’exercice : l’entreprise individuelle ; la gérance d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou d’une société à responsabilité limitée (SARL), qui sont assez semblables ; et la présidence d’une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) ou d’une société par actions simplifiée (SAS), elles aussi proches.

Généralement, dans l’immense majorité des cas, on crée soit une SARL, soit une SAS. Comparées à une EURL ou une SASU, c’est juste le nombre d’associés qui diffère.

La société que l’on monte facture des prestations, encaisse les revenus, paie les dépenses et a un résultat. La différence majeure entre une entreprise individuelle et une société, c’est que ce résultat, c’est la société, la personne morale distincte, qui le touche et donc tant que l’on n’a pas perçu à titre personnel cet argent, on ne paie ni charges sociales ni impôt sur le revenu. Car on n’a rien gagné en tant que personne physique. Avec une société, on peut donc piloter soi-même le salaire que l’on veut se verser et dont on a besoin. Attention tout de même, ce n’est pas défiscalisé ! Les bénéfices de la société subissent une taxe de 15 à 25 %, au titre de l’impôt sur les sociétés (IS).

Dans une entreprise individuelle, une EURL ou SARL, le statut est celui de travailleur non salarié (TNS) ou travailleur indépendant et le taux de cotisations est de 40 %. Mais en cotisant moins, on a aussi moins de droits et de couverture sociale. Cependant, on peut déduire des frais et dépenses. Et, si l’on n’a plus de fiche de paie, on peut se prélever des revenus et on ne les déclare qu’une fois par an à l’Urssaf. Cette Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales appelle alors des cotisations sociales.

Dans une SAS ou SASU, le statut est assimilé quasiment à celui de salarié et le taux de cotisations sociales est environ le double que celui indiqué ci-dessus. De plus, on peut déduire des frais et dépenses. Comme on est assimilé salarié, on a une fiche de paie avec des cotisations retraite ou maladie qui ressemblent aux salariés à la différence majeure qu’il n’y a pas de cotisation à Pôle emploi, donc on n’a pas droit au chômage.

La différence principale entre SAS et SARL, c’est donc le régime social auquel on est soumis. Sachant qu’en France, il vise à couvrir cinq risques, en plus du chômage. Pour la maladie, il n’existe pas de vraie différence entre SARL ou SAS ou salarié d’ailleurs : ce sont les mêmes remboursements octroyés par la Sécurité sociale. Pour le volet famille, pas non plus de différence pour les versements éventuels de la Caisse d’allocations familiales (CAF). Pour la retraite de base, elle est identique en SARL ou SAS, car la même règle s’applique. En revanche, pour la retraite complémentaire, il y a une grande différence entre SARL et SAS, cette dernière étant plus avantageuse : la retraite complémentaire est beaucoup plus faible avec une SARL, car on collecte beaucoup moins de points. Mieux vaut donc capitaliser en plus à titre personnel quand on a le statut de gérant de SARL. Enfin, pour la prévoyance, c’est-à-dire quand on est malade et qu’on ne peut plus travailler, par exemple à cause d’une invalidité, dans la majorité des cas, la SARL est plus favorable, même si on cotise moins. Sauf dans un cas, non négligeable, l’accident du travail : en SARL, on n’a pas de couverture contrairement à la SAS. Mais il est toujours possible de souscrire des contrats complémentaires privés…

Pour terminer sur une question qui se pose souvent, oui, on peut cumuler allocations chômage d’aide au retour à l’emploi et création d’entreprise, sous certaines conditions et s’il n’y a pas d’abus commis. Pour une entreprise individuelle, le calcul est en fonction du résultat. Pour une micro-entreprise, les indemnités sont mesurées en fonction du chiffre d’affaires après abattement. Avec une SAS ou SARL, il est possible de ne pas se verser de rémunération et donc, en ne déclarant rien, on perçoit 100 % des allocations chômage. Et si l’on a un revenu, l’allocation est calculée en en tenant compte, par soustraction. »

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