Quatre ans après sa réforme, l’alternance séduit toujours plus d’apprenants. L’aide exceptionnelle lancée à l’été 2020 soutient une dynamique qu’il s’agit de pérenniser. Pour les alternants, l’enjeu est de transformer l’essai et d’intégrer durablement le marché de l’emploi.
De 300 000 nouveaux contrats en 2018 à 718 000 en 2021, l’apprentissage connaît un boom spectaculaire. A tous les niveaux de diplômes et dans la plupart des voies professionnelles ou des secteurs d’études. Une dynamique entretenue, d’abord, par la réforme de l’alternance en 2018, qui a levé des freins et facilité l’élargissement de l’offre de formation. Puis par l’aide exceptionnelle pour l’embauche d’un alternant, décidée à l’été 2020 : de 5 000 à 8 000 euros pour les contrats signés entre juillet 2020 et juin 2022. Si rien n’est encore officialisé, la durée d’effet de l’aide pourrait à nouveau être reconduite jusqu’à la fin de l’année, selon la volonté exprimée par Emmanuel Macron avant sa réélection. Olivier Gauvin, délégué général de l’association « We Are Alternants » (Walt), observe d’ailleurs :
« Les aides sont venues amplifier le développement de l’alternance. La réforme a libéralisé le secteur et permis aux organismes de formation de booster leur offre et de mieux répondre aux attentes des entreprises et surtout des jeunes. L’alternance s’est ouverte à d’autres métiers et à d’autres niveaux, du CAP à l’école de commerce. »
L’association Walt est à l’origine, avec Adecco, groupe spécialisé dans le recrutement, et le cabinet de conseil Quintet, du premier observatoire de l’alternance. Cette enquête, menée avec l’institut de sondages BVA et publiée en février 2022, analyse les retours des entreprises et des jeunes en alternance pour dresser un bilan du dispositif.
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Meilleures employabilité et insertion
Y a-t-il un effet d’aubaine créé par les aides exceptionnelles qui pourrait ne pas perdurer si elles cessent ? Il est indéniable que la multiplication des embauches d’alternants leur doit beaucoup. « Si le dispositif s’arrête et revient à son niveau précédent, c’est-à-dire inférieur à 5 000 euros, il est certain qu’il y aura un trou d’air et que le nombre de recrutements va baisser,” analyse Aurélien Cadiou, président de l’association nationale des apprentis de France (Anaf).
Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de ces aides sur les taux d’insertion dans l’emploi des nouveaux contrats en ayant profité. Mais une réalité s’impose et se confirme d’année en année : l’apprentissage est une voie plébiscitée et hautement qualifiante. Et Aurélien Cadiou de compléter :
« Les apprentis trouvent plus rapidement un emploi durable que les autres étudiants, même s’il faut préciser que l’alternance ne convient pas à tout le monde. »
De son côté, Olivier Gauvin ajoute : « La rémunération n’est qu’en troisième position derrière la compétence ou l’expérience et la formation parmi les critères avancés par les jeunes. De plus, beaucoup nous disent qu’ils ont repris goût à leur formation et ont retrouvé du sens grâce à l’alternance. »
Plus de six jeunes sur dix sont en emploi à l’issue de leur apprentissage, selon le ministère du Travail, dont 43 % dans l’entreprise qui les a accueillis. Mieux, l’observatoire de l’alternance constate que 71 % des alternants non embauchés par leur employeur à l’issue de leur contrat estiment que leur cursus a favorisé leurs candidatures auprès d’autres recruteurs. Conséquence : huit personnes sur dix, entreprises et jeunes confondus, recommanderaient l’alternance. « C’est de plus en plus plébiscité, notamment dans l’enseignement supérieur, souligne Olivier Gauvin. L’alternance était auparavant plutôt réservée à des profils peu qualifiés, c’est aujourd’hui une voie de choix pour tous les niveaux qui garantit un meilleur taux d’insertion dans l’emploi et un taux d’obtention du diplôme plus élevé. » Un quasi-consensus qui n’exclut pas de se questionner sur les points à améliorer. Les jeunes interrogés dans le cadre de l’observatoire de l’alternance en nomment deux en priorité : le mentorat et les parcours d’insertion dans les entreprises.
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De l’alternance à l’emploi
Par ailleurs, si les aides ont poussé les entreprises pratiquant déjà l’alternance à intensifier ce genre d’embauche, la formule a séduit 19 % de nouvelles entreprises ayant tenté l’expérience. De quoi rassurer les aspirants apprentis : les opportunités se multiplient. Et l’alternance constitue l’assurance d’une première expérience éminemment valorisable sur le marché du travail. « Je dis toujours aux alternants, l’apprentissage, c’est d’abord un contrat de travail, insiste Olivier Gauvin. N’oubliez pas que vous avez déjà une expérience professionnelle et que vous pouvez postuler à nombre d’offres d’emploi. Il faut anticiper la fin de votre contrat, ce n’est pas tabou d’aller demander à son entreprise si elle compte vous garder ou pas, il ne faut surtout pas hésiter à le faire. » Et toujours avoir à l’esprit que si l’entreprise décide de ne pas vous embaucher après cette expérience, ce n’est qu’un contretemps : le tremplin vers l’emploi est toujours là.
En cas d’absence de proposition de la part de l’employeur, le bon réflexe est de se tourner vers les organismes à même d’apporter des conseils selon le type de profil : des associations comme Walt ou l’Anaf, mais également des structures comme Pôle emploi, les missions locales voire l’association pour l’emploi des cadres (Apec) pour les diplômes au-delà de bac +3. Sachant aussi que plus que 30 % des alternants font eux-mêmes le choix de quitter leur entreprise même si un contrat leur est proposé à l’issue de leur apprentissage. En outre, rien n’empêche de rester dans un parcours d’alternance en prolongeant ses études, pour continuer à gagner en expérience et donc en employabilité ultérieure.
Engagement Jeunes, une plateforme pour conserver le lien
La perte de liens entre les alternants et leur secteur à l’issue de leur formation est un risque, et souvent une crainte. C’est pour favoriser le partage des profils entre employeurs et partenaires afin d’assurer le recrutement des apprentis que David-Alexandre Gava a créé la plateforme sociale Engagement Jeunes en 2014 (engagement-jeunes.com). Responsable de l’acquisition de talents pour Siemens, il anime aujourd’hui avec la plateforme des interactions entre 46 000 jeunes, 60 grands groupes et plus de 1 300 entreprises qui recrutent et partagent des profils. « Dans la plupart des entreprises, la majorité des jeunes qui sont formés s’en vont, note le fondateur. Souvent, il n’y a pas de poste pour eux. Mais si un poste se libère quelques mois plus tard, le contact est perdu et une vague d’alternants va chasser l’autre. Résultat, on perd le lien. Les profils en sortie d’alternance sont attractifs et faciles à partager. L’idée de la plateforme est donc de les diffuser, dès que possible, en interne et avec son réseau. » Engagement Jeunes renforce l’employabilité de ses inscrits en hébergeant, au total depuis sa création, plus de 80 000 offres d’emploi et des contacts d’actuels ou d’anciens alternants, tout en leur proposant des accompagnements.