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Le CDD est-il le nouveau CDI ?

Comment faire pour que la majorité des recrutements se fasse en CDI et non en CDD ? Certains chiffres, dont ceux de la Dares, montrent que 86 % des embauches se font en CDD. Est-ce une tendance de fond ? Suffit-il, comme certains le préconisent, de surtaxer les CDD, en particulier les CDD de moins de 1 mois pour redonner du souffle au CDI ? La réalité est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Par Philippe Deljurie, cofondateur de Meteojob.

Dans les faits, si on regarde le “stock” de contrats en cours, le CDI reste très largement majoritaire : 85 % des 24 millions de salariés français ont un CDI, soit un peu plus de 20 millions de personnes. Pour que le CDD prenne le pas sur le CDI, il faudrait que cette tendance de fond se poursuive pendant des décennies, ce n’est donc pas pour tout de suite.

D’autant plus que le contrat de travail s’inscrit dans le cadre réglementaire du droit du travail. Et que, jusqu’à présent, le droit du travail est très clair : en France, le contrat de travail par défaut est le CDI. Cela signifie que les autres contrats de travail sont des contrats par “exception”. Le Contrat à durée déterminée est ainsi réservé à un nombre fini et très précis de cas particuliers, précisés dans l’article L.1242-2 du Code du travail.

 

Vers une reprise de la confiance ?

Pour autant, le fait est que l’immense majorité des contrats de travail qui sont actuellement conclus le sont en CDD. La faute à qui ? (si tant est que l’on puisse parler de faute…) Initialement à la conjoncture certes, mais aussi et surtout aux changements structurels provoqués par l’arrivée en masse du numérique.

Le CDD est la réponse au manque de confiance dans l’avenir et l’absence de visibilité économique. La crise a obligé les chefs d’entreprise à ”piloter à vue”. Ils ont réduit la voilure côté effectifs, et préfèrent réagir au coup par coup : si une commande arrive et génère un surcroît d’activité, on recrute en CDD pour y faire face. Il ne faut pas se tromper : ce n’est pas la volonté du chef d’entreprise, qui préfère pouvoir s’appuyer sur des personnes fidèles et formées sur le long terme, mais il ne veut pas prendre d’engagement qu’il pourrait ne pas pouvoir tenir et qui risqueraient de mettre en péril sa structure. Les signaux actuels semblent indiquer une reprise de la confiance qui devrait s’accompagner d’un regain de recrutements en CDI.

 

Le transitoire permanent

Le CDD est aussi le signe des changements structurels liés à l’irruption généralisée du numérique. Le numérique raccourci des délais, désintermédie. Tout change plus vite. Il faut désormais être “agile”, aussi bien dans l’industrie que dans les services. Le CDI, ce contrat à durée indéterminée, répond très bien aux questions posées par la conjoncture d’après-guerre, de croissance durable, de cycles longs. Dans une conjoncture de cycles courts, qui rend le “transitoire permanent”, s’engager de manière indéterminée a-t-il encore du sens, aussi bien pour l’employeur que pour l’employé ? J’en veux pour preuve que, sur un marché de l’emploi très tendu – celui des développeurs informatiques – il n’est pas question de proposer un emploi en CDD, le CDI est la norme. Mais les développeurs n’en ont que faire : ils savent bien qu’ils n’ont qu’à poster leur CV pour se voir proposer plusieurs offres d’emploi. Qu’ils s’ennuient et 2 semaines plus tard, ils ont changé de job. Dans ce cas présent, le CDI ne garantit donc même plus l’employeur d’une ressource fiable sur la durée.

Il est peut-être temps de repenser la relation au travail, dans un cadre beaucoup plus large, qui englobe tout ce qui tourne autour du contrat de travail, en particulier l’ensemble des régimes assurantiels.

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