À l’occasion de la sortie de la nouvelle édition de son guide consacré à l’emploi, l’Insee effectue un focus sur les contrats à durée limitée. Il nous apprend notamment que ceux accédant à un CDI après avoir eu un CDL connaissent plus d’épisodes de chômage et d’inactivité que ceux ayant débuté directement en CDI.
Comme tous les ans, l’Insee a publié la nouvelle édition de son guide « Emploi, chômage, revenus du travail », dans lequel il dresse un panorama complet du marché du travail durant l’année écoulée. Alors que le taux de chômage est en baisse continue depuis 2015 (il est actuellement de 8,5%, soit le plus bas depuis dix ans), l’institut note que la qualité de l’emploi « tend à s’améliorer », notamment parce que la part de l’emploi en CDI, qui demeure « la norme en France », a « cessé de reculer » en 2018, pour atteindre 84,7 %.
Un accès « plus facile » à un emploi stable que le chômage…
Mais tandis que le gouvernement s’apprête à mettre en place un système de « bonus-malus » sur les contrats courts, qu’en est-il précisément des trajectoires de ceux qui relèvent des CDL, ou contrats à durée limitée ? (1) Accèdent-ils facilement à un emploi stable à moyen terme ? Pour répondre à cette question, l’Insee a analysé les situations d’emploi des employés du secteur privé, âgés de 16 à 50 ans, entre 2008 et 2015 – selon qu’ils étaient « initialement » en CDI, en CDL ou au chômage.
Concernant les salariés qui étaient en CDI en 2008, une majorité (73 %) le sont restés en 2015 – dont 50 % dans la même entreprise. « Nous observons qu’année après année, la part de ces personnes au chômage et en inactivité augmente légèrement », indique Odran Bonnet, chargé d’études au sein de la division salaires et revenus d’activité à l’Insee.
En revanche, les salariés qui étaient initialement en CDL ont des parcours « plus divers ». Tout d’abord, « ils connaissent beaucoup plus d’épisodes de chômage et d’inactivité, et sont ainsi 14 % à être principalement chômeurs indemnisés dès l’année suivante, contre 3 % pour les salariés initialement en CDI », remarque Odran Bonnet, qui explique cette différence par le caractère « plus protecteur » du CDI, mais aussi par « le fait que les personnes initialement en CDL sont moins diplômées que les autres ».
La proportion de personnes à l’origine en CDL accédant à un poste stable augmente au fur et à mesure des années, mais de manière modérée : ainsi, 24 % d’entre elles occupent un emploi à durée indéterminée dès 2009, mais seuls 47 % sont en CDI sept ans plus tard. Parallèlement, le nombre de CDL diminue progressivement, mais 15 % le sont toujours en 2015, et 30 % sont au chômage ou inactifs.
De leur côté, les personnes qui étaient indemnisées par Pôle emploi en 2008 ont également une personne d’inactivité ou de chômage plus importante, et seuls 28 % d’entre elles sont en CDI sept ans plus tard. « Ce chiffre est à comparer aux 47 % des salariés initialement en CDL qui ont obtenu un CDI en 2015 : même s’ils rencontrent plus de difficultés à nouer une relation d’emploi stable avec un employeur que ceux qui étaient à la base en CDI, cela semble suggérer que disposer d’un contrat à durée limitée augmente les chances d’obtenir ensuite une meilleure insertion, voire un emploi stable », constate Odran Bonnet.
… Mais le passage par des CDL freine la progression salariale
Au-delà des trajectoires, l’Insee a ensuite analysé les salaires des personnes initialement en CDI, en CDL, ou au chômage indemnisé. « En début de carrière, les personnes en CDI ont des salaires horaires moyens plus élevés que celles en CDL, mais cela ne s’explique pas, là encore, par le type de contrat, mais par le fait que les salariés en contrat à durée indéterminée sont plus diplômés, ont plus d’expérience, d’ancienneté dans l’entreprise, et sont plus souvent cadres qu’employés ou ouvriers », note l’institut de recherche.
Fait assez surprenant, l’étude nous apprend que le salaire d’embauche des salariés en CDL est en moyenne « légèrement supérieur » (d’environ 3 %) à celui de ceux en CDI. Un phénomène qui s’explique en réalité par le fait que certains salariés en CDL (dans le cadre d’un contrat de moins d’un an) touchent une indemnité de précarité dès la première année de leur relation avec leur employeur… mais aussi parce que pour accéder à un CDI, des salariés acceptent des emplois dans des entreprises moins rémunératrices.
Finalement, indique l’Insee, le passage par des CDL « freine la progression salariale ». Ainsi, au fil d’une carrière, l’évolution du salaire d’embauche avec l’expérience est plus forte en CDI de 1,3 point – une partie de cet effet s’expliquant par le fait « qu’une fois en CDI, les salariés vont vers des entreprises plus rémunératrices ».
(1) L’Insee définit les CDL comme « tout contrat qui n’est pas à durée indéterminée », ce qui englobe l’intérim, les CDD dans leur ensemble, les emplois aidés et l’apprentissage. Selon l’organisme, 2 % des salariés concernés sont intérimaires, saisonniers, travailleurs occasionnels, vacataires ou intermittents, et 8 % occupent d’autres types de CDD et des contrats aidés. Ils sont principalement employés dans des secteurs tels que le commerce, les transports, les arts et spectacles, ou encore l’hébergement-restauration. Ils sont aussi « sur-représentés » chez les ouvriers (11 %) et les employés (14 %), et beaucoup moins présents chez les cadres (4 %).
Les CDL obtiennent plus facilement un CDI quand ils sont jeunes
À noter que selon les recherches de l’Insee, qui a comparé les trajectoires des 15-35 ans et des 35-50 ans initialement en CDL entre 2008 et 2015, « les jeunes obtiennent plus couramment un CDI que les personnes plus âgées ».