Entreprendre

« Les entreprises de l’ESS créent de la valeur et sont porteuses de sens »

L’entrepreneuriat, et plus particulièrement encore dans l’économie sociale et solidaire, peut se révéler être un choix professionnel porteur de sens et émancipateur. Surtout que l’ESS est un domaine qui regorge d’opportunités et de projets à impact. Comme en témoigne Sophiatou Ndiaye, 40 ans, fondatrice et dirigeante du cabinet de conseil en ressources humaines Yumaincap, qui accompagne les entreprises dans leurs politiques d’inclusion et en faveur du handicap depuis cinq ans.

Comment et pourquoi en êtes-vous venue à entreprendre dans l’ESS ?

Je suis issue du milieu des RH et j’ai travaillé dans le secteur pendant une dizaine d’années, en tant que responsable RH, puis en tant que DRH dans différents secteurs d’activité. J’avais donc en charge la gestion de l’humain, mais je connaissais peu le sujet du handicap, je n’y avais pas été formée. J’ai été confrontée à une situation de licenciement d’un salarié en situation de handicap à la suite d’un accident du travail. Je n’avais pas pu maintenir son poste par manque de connaissances et de dispositifs existants.

Cela m’a amenée à me dire qu’il y avait une vraie problématique sur ces enjeux et un vrai besoin de plus d’initiatives. C’est notamment pour cette raison que j’ai décidé de lancer mon cabinet, qui se spécialise donc sur l’emploi des personnes en situation de handicap et sur les politiques d’inclusion des entreprises. La particularité de Yumaincap, c’est son statut très engageant d’entreprise adaptée (EA), qui consiste à recruter plus de 55 % de personnes en situation de handicap. Nous atteignons aujourd’hui 75 %. J’avais depuis toujours cette envie d’entreprendre, et je me suis dit qu’il fallait que le fasse dans une activité porteuse de sens et d’impact. D’où l’orientation naturelle dans l’ESS.

Ce positionnement et cet engagement exigent-ils une adaptation importante ?

Il a d’abord fallu que je me forme moi-même sur ces enjeux et problématiques du handicap et de l’insertion. Et également sur le métier d’entrepreneure. J’ai suivi une formation sur l’entrepreneuriat au féminin à l’Essec et ai été accompagnée par le Réseau des entrepreneurs citoyens (REC). Les salariés que j’intègre, qu’ils soient en situation de handicap ou pas, sont toutes et tous formés sur le sujet, pour appréhender au mieux les actions que l’on mène.

L’objectif est d’avoir le bagage pour pouvoir accompagner les entreprises, les rassurer aussi, parce que c’est un sujet qui peut encore faire peur. Et rappeler que l’inclusion est tout à fait possible en entreprise et peut même devenir un levier de développement et de performance important. On ne doit pas se bloquer sur la question du handicap, il y a encore trop souvent cette image et cet a priori qu’une personne en situation de handicap n’a forcément pas d’expérience, de formation ou de compétences prêtes à l’emploi.

Quelle vision avez-vous des potentiels freins supplémentaires que peuvent connaître des femmes entrepreneures dans l’ESS ?

Je pense effectivement qu’il y a plus de freins pour les femmes qui souhaitent entreprendre, et ce, des deux côtés. Peut-être que les femmes ont plus tendance à se mettre des freins parce qu’elles sont souvent dans l’hyper-sécurisation de leur projet et ont moins le droit à l’erreur. Il faut effectivement que nous prenions davantage confiance, tout en ayant conscience de cette notion de prise de risque. Et il y a également indéniablement certains freins dans l’ESS et vis-à-vis des femmes. D’abord, certains investisseurs ne sont pas encore suffisamment sensibilisés aux enjeux de l’ESS et peuvent se montrer fébriles face aux projets d’entrepreneuriat à impact. Ensuite, en tant que femme, il faut souvent en faire plus que les autres, on cherche toujours à savoir qui vous accompagne, qui est derrière vous, comme pour porter un jugement sur un projet qui serait uniquement porté par une femme. Aussi, il y a la question de la diversité et des discriminations que cela peut impliquer. En tant que femme issue de la diversité, c’est également mon ressenti.

Pensez-vous que le milieu de l’ESS et son dynamisme participent justement à combattre et à dépasser ces freins ?

Oui, selon moi, l’ESS est un domaine très porteur à bien des égards. Déjà, le regard sur l’ESS évolue dans le bon sens. Ce pan de l’économie est porté par des projets à impact qui jouent un rôle social et sociétal important. Et il est aussi important de rappeler que l’ESS est aussi créatrice de valeur, nous avons trop tendance à ne penser qu’à l’associatif et le non lucratif, mais c’est faux. Les structures et entreprises de l’ESS créent de la valeur, de la performance et de la rentabilité, tout en participant aux transitions grâce à leur impact. Il y a une multitude de métiers qui sont portés par l’activité de l’ESS, une multitude d’acteurs et d’entreprises (ndlr : 10 % du nombre d’emplois et 14 % de l’emploi privé en France selon l’Observatoire national de l’ESS). C’est donc un secteur également très porteur en termes d’opportunités d’emplois ou d’entrepreneuriat.

Cela fait 5 ans que Yumaincap existe, nous avons trouvé notre marché. Mais il est vrai qu’en termes de résultats et d’impact, on est encore trop loin de ce que l’on pourrait espérer. Et quand je parle d’impact, c’est le taux de mise en emploi des personnes en situation de handicap. Entre le volume que l’on propose et la mise en emploi réelle, il y a encore un écart. Et cet écart s’explique par un manque de formation des personnes en situation de handicap. Raison pour laquelle nous avons décidé de lancer un centre de formation en 2024, dédié à la formation des demandeurs d’emploi en situation de handicap, pour répondre aux besoins opérationnels des entreprises.

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