Selon une étude statistique publiée par Pôle emploi début octobre 2023, le secteur de la construction réunit plus d’1,6 million de salariés, soit 8,3 % des employés salariés du secteur privé non agricole, et une part très importante d’emploi intérimaire et de parcours d’apprentissage. À tous les niveaux, des postes d’ouvriers non qualifiés à ceux d’ingénieurs et cadres en bâtiment en passant par les ouvriers qualifiés et spécialisés, le secteur recrute toute l’année (261 000 projets de recrutements sur l’année 2023 dans la construction selon le baromètre des besoins en main d’œuvre de Pôle emploi). Une flambée des besoins en recrutement qui s’accompagne d’une tension du marché et d’un manque de candidatures, malgré l’accessibilité des métiers du secteur, notamment via l’intérim (146 000 salariés intérimaires et 388 000 travailleurs non-salariés).
Panne d’attractivité
« La difficulté fondamentale aujourd’hui, c’est l’attractivité du bâtiment, affirme Guillaume de Pous, responsable de l’agence bordelaise d’Etandex, entreprise de travaux spéciaux (cuvelage, revêtements…). De manière générale, nous sommes sur des métiers plutôt pénibles et physiques, en extérieur et souvent en déplacement. Notre défi est donc de parvenir à attirer de nouveaux profils, en insistant par exemple sur des initiatives comme la robotisation de certaines tâches pour moins de pénibilité, les dispositifs de primes et les perspectives d’évolution rapide. »
Malgré ses difficultés pour satisfaire à ses besoins de recrutement, l’entreprise familiale de 800 salariés recrute dans toute la France : « nous recrutons des cadres, des ETAM (employés, techniciens et agents et agents de maitrise) et des ouvriers tous les ans et de manière continue. Et dans le cadre de certains accroissements d’activité, nous recrutons en intérim sur des missions de 2 à 6 mois », explique Guillaume de Pous.
Parmi les initiatives des employeurs pour attirer plus de candidats, l’augmentation du taux horaire de rémunération est un premier pas, mais le constat reste souvent le même. Pour mettre en lumière le contexte de pénurie, le groupe d’intérim Connectt donne un exemple chiffré : au sein de l’agence toulousaine de l’entreprise, 60 à 90 % des missions d’intérim à pourvoir sur des postes de coffreurs-brancheurs et de couvreurs-zingueurs n’ont pas encore trouvé preneur, malgré une augmentation du taux horaire de 9 % en trois ans.

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Formation et compétences
Si les employeurs du bâtiment recrutent massivement, l’exercice des métiers du BTP exigent souvent des spécialités de formation et des compétences spécifiques. Selon Ritah Bel, chargée de recrutement de l’agence Connectt de Rouen, qui recherche des couvreurs, des électriciens en bâtiment et des plombiers chauffagistes, « Ces profils sont pénuriques, car les clients demandent aux candidats une expérience et/ou une formation significative pour être opérationnels et répondre aux besoins de leurs chantiers. Cela reste également des postes pénibles pour les salariés (chantiers extérieurs avec risques d’intempéries, missions physiques avec port de charges, déplacements…) ».
Même constat du côté de Guillaume de Pous et d’Edantex, qui recherchent des profils formés au cuvelage (protection et isolation d’un sous-sol contre les infiltrations et l’humidité)) : « dans nos métiers, beaucoup d’activités ne rentrent pas dans les filières de formations classiques. Si je recherche un maçon, j’en trouve un, si je recherche un maçon cuveleur, c’est la perle rare. Nous sommes donc amenés à nous investir nous même pour former en interne ».
Les missions d’intérim sont ainsi un levier intéressant, pour déceler des profils à former et à pérenniser. « Avec les agences d’intérim avec lesquels nous avons des flux récurrents, nous faisons venir des jeunes, pour leur montrer notre métier, les amener sur les chantiers, pour qu’ils découvrent la nature de nos travaux. Et nous essayons d’être de plus en plus accessibles et de toucher un nouveau public, notamment avec une série de vidéos YouTube de présentation de nos activités et travaux, et nos participations aux forums et salons professionnels. Nous faisons également de la cooptation, en proposant une prime de 500 euros au collaborateur qui contribue à un recrutement », ajoute le responsable de l’agence Etandex.
En matière de formation Etandex a mis en place une école interne, comme nombre de ses homologues, pour former par session sur des compétences spécifiques, comme les techniques d’injection de résine. Une façon de créer de l’émulation interne et « de pérenniser l’emploi dans l’entreprise en transformant l’ouvrier en technicien ».
Autant d’initiatives des entreprises d’un secteur qui devrait continuer de recrutement massivement dans les années à venir. Selon les perspectives de France Stratégie et de la Dares, le secteur bâtiment/construction devrait créer 190 000 emplois entre 2019 et 2030.