La profession recrute dans tous les lieux où elle s’exerce : des pâtisseries spécialisées aux cuisines des hôtels ou restaurants, en passant par la grande distribution et les traiteurs. Mais aussi, bien sûr, les boulangeries, comme Sain, située dans le 10e arrondissement de Paris, qui nous a reçus pour tester le métier de pâtissier.
En ce matin ensoleillé, Anthony Courteille, qui a ouvert Sain fin 2018, nous accueille avec enthousiasme et nous guide. Après avoir traversé les postes dédiés aux boulangers, nous descendons quelques marches en surplomb de l’espace dévolu, à gauche, au coin des viennoiseries et, à droite, à la pâtisserie. Ils sont séparés par les cellules de refroidissement, gros frigo pour stocker et « figer » certains produits. Mais attention, ici, rien n’est congelé : tout est fait maison, avec des ingrédients frais et de saison. Donc pas de fraisiers en hiver, souligne Sandrine, responsable des pâtisseries avec Luis. Ils officient en alternance, selon les semaines, de 5h à 13h ou de midi à 20h. Sandrine casse cent œufs pour fabriquer, avec six kilos de carottes, une vingtaine de carrot cakes. Elle cogne les coquilles les unes contre les autres. « Pour des raisons d’hygiène, elles ne doivent pas toucher le plan de travail ni les récipients, explique-t-elle. C’est aussi par mesure sanitaire que nous ne portons pas de bijoux : ni montre, ni bracelet, ni bagues sauf les alliances, qui sont tolérées. »
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Pleine d’énergie, la quinquagénaire raconte pourquoi elle a choisi de se reconvertir, en 2016 : « Je travaillais dans la vente et mon mari, chauffeur poids-lourds, a bifurqué vers la boulangerie. Cela m’a donné l’idée de me lancer dans un CAP pâtisserie. J’ai tout de suite adoré le côté travaux pratiques : partir du sucre et d’autres ingrédients de base pour des recettes très différentes, en faisant tout soi-même, du début à la fin. J’ai la satisfaction de remplir les étals de la boutique et de faire plaisir aux clients. »
Attention, ça douille !
La première épreuve qui vient à l’esprit, comme l’eau à la bouche, c’est de résister à la tentation de racler le fond de chocolat : « Il faut goûter pour vérifier les recettes. Mais depuis que j’en ai fait mon métier, j’achète moins de pâtisseries, juste par curiosité et encore, je n’en mange pas une entière, témoigne Sandrine. Je suis passée de la gourmandise personnelle au plaisir procuré aux autres. » Vient ensuite l’épreuve du « pochage ». Je constate que créer, avec la douille, de belles gouttes de crème posées sur un gâteau au chocolat, ça n’est pas de la tarte ! Sandrine obtient un résultat à la forme dodue et harmonieuse. Tandis que les miennes ressemblent à des chapeaux pointus disgracieux. Désolée d’avoir tout gâché… Foutu pour foutu, je peux éventuellement m’en délecter, non ?
Mais déjà le devoir m’appelle auprès d’Amélie en charge des viennoiseries. Elle s’occupe du tourage, fonction qu’elle a choisie après une carrière de juriste. Elle a décroché son CAP de boulangerie en juin sans passer le certificat de qualification professionnelle (CQP) de tourier, comme le font certains : c’est sur le terrain qu’elle a donc appris l’art de la pâte feuilletée. La jeune femme s’active de part et d’autre du laminoir. L’appareil aux deux rouleaux sert à aplatir le pâton, rectangle de trois kilos auquel est incorporé un kilo de beurre. On plie et on replie, afin de constituer les couches fines. Il faut y aller progressivement, pour éviter le marbrage, c’est-à-dire une mauvaise répartition du beurre, ou bien pour ne pas casser la pâte feuilletée. « Le croissant est la viennoiserie au feuilletage le plus délicat car c’est celui qui se voit le plus« , prévient Amélie. Elle reconnaît avoir gagné en muscle avec son nouveau métier : « Dans mon quotidien tout paraît moins lourd à force de porter des grilles lestées de neuf kilos de pâtons… S’il m’arrive d’avoir mal au dos, je ne vois pas le temps passer : mes horaires s’échelonnent de 6h à 14h, à un rythme intense. » Elle poursuit la « baisse » pour obtenir un beau tapis de pâte d’une épaisseur de 3,5 mm. Elle l’étale sur le plan de travail et sort sa « bicyclette ». L’ustensile est doté de roulettes en acier reliées par une structure pliante, afin d’ajuster leur écartement selon la viennoiserie à réaliser.
Penser à tirer les oreilles…
Le point de départ pour les pains au chocolat et les croissants est le même : on trace un rectangle à intervalle régulier. Pour les premiers, on pose alors trois bâtonnets de chocolat noir que l’on enroule de pâte. Pour les seconds, on divise le rectangle en deux triangles et on part du côté le plus long pour rouler la pâte sur elle-même, en ayant, au préalable, tiré délicatement ses deux coins. En effet, ils vont se transformer, après cuisson, en « oreilles » de croissant bien croustillantes. Comme il s’agit de ma partie préférée, je pense aux clients qui ont le même rituel que moi et dévorent, en premier, les deux côtés : je leur prépare de généreuses oreilles.
De son côté, Amélie se réjouit d’avoir moins de vaisselle et de nettoyage que sa voisine pâtissière. Sandrine renchérit : « Le sens de la propreté et de l’organisation, c’est indispensable en pâtisserie. Sinon, en fin de journée, on ne s’en sort plus. Il faut aussi de la rigueur : les recettes sont calculées au gramme près. Ce sont des réactions chimiques qui demandent un ordre précis : ce n’est pas pareil de mélanger le beurre au sucre ou le sucre au beurre. » Qu’on se le dise, cela n’empêche pas la créativité…