À partir du 30 août 2021, tous les salariés des secteurs recevant du public seront obligés de présenter un pass sanitaire à leur employeur. Et lors de l’embauche ? Le projet de loi remanié sur la gestion sanitaire n’aborde pas ce sujet, mais pour Me Alexandre Frech, avocat au barreau de Paris, ce pass devrait s’imposer de facto. Et un risque de discrimination à l’embauche pour cause de non-vaccination pourrait émerger.
Le Parlement a adopté, le 26 juillet 2021, le projet de loi sur la gestion sanitaire. Ce texte, remanié après un accord entre députés et sénateurs, élargit le passe sanitaire et instaure la vaccination obligatoire pour les soignants et les salariés du privé en contact avec le public.
Ceux-ci ne risquent plus, comme initialement prévu, d’être licenciés automatiquement s’ils ne sont pas vaccinés. Mais ils devraient tout de même voir leur contrat de travail suspendu, ainsi que leur rémunération. Ils continuent en outre de pouvoir être licenciés pour d’autres motifs, comme la “désorganisation de l’entreprise” du fait d’une trop longue absence.
Et quid du recrutement ? Selon le gouvernement, le pass sanitaire pourra être demandé par les DRH au moment du recrutement de futurs salariés, s’il est prévu qu’ils travaillent dans un lieu ou un établissement recevant du public ; à partir du 30 août.
Pour les personnels de santé, si un candidat refuse de se faire vacciner au moment de son recrutement, et qu’il ne “démontre pas de contre-indication médicale”, il devrait pouvoir se voir opposer un “refus d’embauche” ; à partir du 15 septembre.
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“Certains pourraient choisir de ne recruter que des personnes vaccinées”
Mais pour Me Alexandre Frech, avocat au barreau de Paris, les choses devraient être plus complexes que cela, puisqu’il ne s’agira jamais d’une obligation : “Le projet de loi ne précise pas qu’il serait possible de refuser de recruter quelqu’un qui ne justifierait pas d’un pass sanitaire (test négatif de moins de 48 heures / vaccination complète). On ne devrait probablement pas être tenu de demander un pass sanitaire pour l’embauche. L’employeur pourra toujours le demander, et le candidat refuser de le présenter. Et surtout, il devrait rester interdit de refuser une embauche en fonction de cela”, explique-t-il. Il pourrait en effet s’agir d’une discrimination à l’embauche problématique et dangereuse.
Toutefois, dans la pratique, “certains employeurs ne se gênent déjà pas pour ne pas embaucher de personnes risquant de voir leur contrat suspendu ; par exemple, une candidate enceinte”, observe l’avocat. “Et il pourrait très bien arriver que l’on en voit aussi choisir de ne recruter que des personnes vaccinées. Ce qui serait illégal, puisque le pass sanitaire n’implique pas une obligation vaccinale”, ajoute-t-il.
“De facto, les recruteurs devraient finir par le demander”
En outre, au nom du respect du secret médical et de la vie privée, l’employeur n’est pas censé connaitre le statut vaccinal de son salarié, tout comme de sa future recrue. “Ces points seront examinés par le Conseil constitutionnel. Et les employeurs gagneront sans doute à passer par le médecin du travail, plutôt qu’à contrôler eux-mêmes la validité du pass sanitaire d’un candidat à l’embauche”, précise Me Alexandre Frech.
L’avocat remarque par ailleurs que “si l’on postule pour un travail où le pass sanitaire est impératif, il est fort probable que la personne commencer à travailler, puis sera finalement suspendue. De facto, les recruteurs devraient donc finir par le demander. Mais cela ne sera jamais une obligation, sans quoi cela reviendrait pour le gouvernement à instituer une discrimination à l’embauche”.