En pleine réforme des retraites, SNC publie son 3e rapport, dédié aux seniors. Son constat est sans appel : la situation des plus de 50 ans est « paradoxale », car ils sont incités à travailler plus longtemps, mais font aussi face à des employeurs « extrêmement réticents » et nourris de préjugés.
Alors que le gouvernement engage une réforme profonde du système de retraite, que le Medef propose de mettre en place une “compensation différencielle” visant à inciter les seniors à accepter des emplois moins bien payés, et que l’ANDRH (association nationale des DRH) préconise de créer un “index des seniors” visant à introduire une “dose de discrimination positive” dans les entreprises, Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC) publie son troisième rapport sur l’emploi et le chômage – dédié cette année aux plus de 50 ans.
Des stéréotypes discriminants
Cette étude fait le point sur les principaux freins rencontrés par les plus de 50 ans pour leur maintien ou leur retour à l’emploi. Selon SNC, les seniors, dont le taux de chômage est de 6,1 % mais reste stable, sont dans “une situation paradoxale”. Ainsi, alors que s’opère “un allongement inéluctable de la durée d’activité”, les entreprises restent en majorité “ défavorables à la prolongation de l’activité des seniors”, ainsi qu’à leur embauche. Fortement exposés au chômage de longue durée (58 % contre 42 % des 25-49 ans), ils sont aussi “davantage discriminés face à l’emploi en raison des représentations stigmatisantes liées à leur âge qui se traduisent par une défiance importante des employeurs à leur égard”, indique le rapport.
“Pour les employeurs l’âge de la séniorité s’atteint à 50 ans, voire même dès 45 ans, et est associé à de nombreux stéréotypes. L’âge serait ainsi synonyme de difficultés à être managé ou à intégrer une équipe plus jeune, de résistance au changement ou encore d’une faible capacité d’adaptation aux nouvelles technologies”, remarque ainsi SNC. Le “coût” lié à l’embauche d’un senior est en outre considéré comme le premier frein à l’embauche par les recruteurs.
Face à ces préjugés, 34% des personnes en activité déclarent avoir été confrontées à des discriminations liées à l’âge, selon une étude du Défenseur des Droits. “Pour les seniors en emploi cela réduit leurs chances de formation, les fragilise et les expose davantage à un licenciement ou à une fin de contrat de travail. En situation de recherche d’emploi, ces discriminations désavantagent aussi les seniors aux yeux des recruteurs”, déplore SNC. L’association note pourtant que sur le marché du travail, les plus de 50 ans font “preuve d’importantes capacités d’adaptation”. En outre, près de 90 % d’entre eux sont “prêts à changer de fonction”, 80 % à déménager, et 75 % à revoir leurs prétentions en matière de rémunération, afin d’être embauchés ou de conserver leur emploi.
Une “situation paradoxale”
Alors que la participation des seniors au marché du travail est appelée à se prolonger, et que ces derniers voient leur état de santé se dégrader à cause de “l’usure professionnelle”, “ils se retrouvent dans une situation extrêmement paradoxale : d’un côté ils sont incités à prolonger leur activité, de l’autre ils sont confrontés à la défiance des employeurs tant pour leur maintien dans l’emploi que pour leur embauche”, note le rapport.
Selon SNC, les perspectives d’emploi diminuent fortement avec l’âge, notamment en raison d’un “manque d’accompagnement des secondes parties de carrière” de la part des entreprises. “En prenant appui sur une gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC), cet accompagnement permettrait de penser l’amélioration des conditions de travail et de possibles évolutions de poste pour les salariés”, explique le rapport.
Autre raison des difficultés des seniors sur le marché du travail : un accès à la formation limité dans les organisations. Ainsi, le taux d’accès à la formation professionnelle s’élève à seulement 39,6 % pour les 55-59 ans et à 34,4% pour les 60-64 ans, alors qu’il oscille entre 50 % et 60 % pour les autres tranches d’âge. “Ce faible accès à la formation s’explique par le fait que, pour les seniors comme pour les employeurs, la formation est souvent perçue comme un investissement ‘improductif’, en raison du temps d’activité présumé trop limité qu’il leur reste à accomplir”, déplore SNC.
Des employeurs “extrêmement réticents”
Alors que les ruptures conventionnelles connaissent actuellement un véritable “boom”, celles-ci sont particulièrement utilisées avec les seniors. Elles représentent ainsi 25% des fins de contrat à durée indéterminée pour les salariés entre 2 et 3 ans avant l’âge légal de la retraite, alors qu’elles ne représentent que 16% des fins de CDI pour l’ensemble des salariés. Ce dispositif, destiné à l’origine à limiter le nombre de licenciements et de démissions, serait ainsi utilisé par les entreprises comme un système de “pré-retraites”, remarque le rapport.
Enfin, SNC constate une “extrême réticence” chez les employeurs à l’idée d’embaucher des seniors, après une perte d’emploi. Sur les trois dernières années, la progression des inscriptions des seniors à Pôle emploi (+ 12 % / an) est deux fois plus importante que celle des jeunes, et ils restent en moyenne inscrits à Pôle emploi 673 jours, contre 211 pour les moins de 25 ans et 404 jours pour les 25-49 ans.
La proportion des embauches en CDD est également supérieure à celle constatée pour les autres classes d’âge. Elle représente ainsi 86% des embauches des 50-54 ans, 88% des 55-59 ans, 90% des 60-64 ans. Le temps partiel subi concerne, quant à lui, près de 10% des 55-64 ans. “Ces difficultés des seniors à sortir du chômage se traduisent par de fortes proportions de chômeurs de longue durée au-delà de 55 ans : le taux de chômeurs de longue durée atteint les 58% pour les plus de 55 ans, alors qu’il est de 42% pour les 25-49 ans et de 24% pour les moins de 25 ans”, indique le rapport.
Face à ces constats, SNC dresse une liste de solutions. Afin de permettre aux employeurs de “changer de regard” et d’impulser une “véritable politique publique en faveur de l’emploi des seniors”, l’association invite les entreprises et le gouvernement à “entretenir l’employabilité des plus de 50 ans” en favorisant leur accès à la formation continue ; à permettre leur maintien en activité grâce à “des aménagements des postes de travail et/ou de l’organisation du travail” ; à “favoriser la transition progressive entre activité salariée et retraite” en rendant la retraite progressive plus accessible ; à créer une “mesure d’aide” au retour à l’emploi “spécifique aux seniors” ; à encourager leur embauche en créant un “contrat de travail assorti d’une aide financière aux employeurs” ; à lutter contre les préjugés de ces derniers en “sensibilisant les recruteurs et les managers aux pratiques non discriminantes” ; et enfin, autoriser la poursuite d’acquisition de droits à la retraite en cas de cumul emploi/retraite.