Adrien repousse sans cesse les démarches administratives pour créer son statut d’autoentrepreneur. Bérengère, elle, trouve toujours une bonne excuse pour ne pas refaire son CV dès à présent. Moussa, enfin, se dit qu’il répondra demain à l’offre d’emploi qu’il a repérée sur un site il y a maintenant quelques jours. Leur point commun ? Tous les trois procrastinent ! « La procrastination, c’est tout simplement le fait de reporter délibérément à plus tard ce que l’on était censé faire aujourd’hui », explique la coach Nina Bataille, autrice du livre J’arrête de courir après le temps (éditions ESF). Une pratique très répandue puisqu’elle toucherait 74 % des Français(1).
Pourquoi procrastinez-vous ?
Si cette habitude peut être perçue comme un signe de fainéantise, la réalité est bien différente. « Ce n’est pas de la paresse, insiste Mathilde Ramadier, autrice du livre Apprivoiser sa procrastination (Eyrolles). C’est tout simplement une façon de faire autrement les choses. Cela peut nous arriver à tous. Il ne faut pas chercher à la combattre à tout prix, mais plutôt comprendre pourquoi on procrastine. » Qu’est-ce que ce comportement cache ? Parmi les raisons récurrentes : la première est le manque de motivation qui est assumé par 69 % des Français, la deuxième le manque de temps (59 %). « Il y a aussi des causes émotionnelles, comme la peur, complète Nina Bataille. Et notamment la peur d’échouer. Alors, au lieu d’imaginer que vous n’allez pas y arriver, de ruminer et de vous laisser paralyser par les doutes ou le manque de confiance en vous, visualisez plutôt comment cette mission va bien se passer. Remplacez la peur par de la curiosité, et relativisez. Peu importe si tout n’est pas parfait, l’essentiel est de vous y mettre et de passer à l’action ! » Pour cela, adoptez la stratégie des petits pas et découpez votre objectif, qui peut effrayer par son ampleur, en plusieurs tâches intermédiaires. « Donnez-vous une date pour chacune d’entre elles, poursuit-elle. Et, surtout, n’oubliez pas de vous féliciter, voire de vous récompenser, pour chaque avancée ou progrès ! »
Autre stratégie efficace selon elle : « Débarrassez-vous immédiatement de chaque nouvelle petite chose à accomplir qu’il s’agisse de répondre à un mail ou de rappeler quelqu’un. Sinon, tout cela s’accumule, et cela crée un cercle vicieux qui est propice à la procrastination. » Attention, ainsi, aux distractions. Car on a souvent tendance à faire autre chose que ce que l’on devait faire. S’il s’agit d’autres tâches de votre to-do list du jour, ce n’est pas forcément un problème, écoutez vos envies. C’est plus dérangeant si vous vous laissez tenter par des distractions… En tête de liste : regarder un film ou une série, surfer sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux, jouer sur votre téléphone, etc. « Entraînez-vous à résister, par exemple, en coupant votre téléphone portable pendant une heure, puis deux, vous gagnerez progressivement en concentration au lieu de vous disperser« , recommande Nina Bataille.
Un bon rempart contre la procrastination ? Le collectif. Lors de votre recherche d’emploi, n’hésitez pas à vous retrouver à plusieurs pour, par exemple, refaire votre CV en bénéficiant du soutien et du regard d’autres. Votre motivation en sera décuplée. Si une procrastination occasionnelle n’a rien de grave, veillez tout de même à ce qu’elle n’ait pas d’impact négatif sur vous, mais aussi sur les autres. « Si la procrastination vous empêche d’avancer dans vos projets pros ou s’avère pénalisante pour des personnes avec qui vous travaillez, c’est gênant et il faut chercher à y remédier, souligne Nina Bataille. Ce qui doit vous alerter : votre procrastination est-elle bloquante et trop fréquente ? Est-elle préjudiciable à quelqu’un ? Est-elle source de mal-être ou de souffrance ? Ne témoigne-t-elle pas d’une absence de sens dans ce que vous entreprenez, peut-être pour faire plaisir aux autres au lieu de vous écouter ? La procrastination chronique cache souvent une pathologie plus profonde. Il peut alors être utile de suivre une TCC* pour enclencher un changement profond. »
Vive le vagabondage créatif
À l’inverse, la procrastination peut, pour d’autres, apporter du plaisir et mener à plus d’efficacité. Face à des délais courts, certains se révèlent. « Personnellement, je mets en haut de ma to-do list les tâches les moins urgentes, comme cela je les traite quand je me retrouve au pied du mur et cela me donne de l’énergie, confie Mathilde Ramadier. Si j’ai six jours pour boucler un dossier, je n’y arrive pas. En revanche, la veille pour le lendemain, je m’y mets à fond. C’est un pari risqué, et cela ne convient clairement pas à tout le monde. » La procrastination peut ainsi être source de créativité, en laissant de la place au repos, aux promenades en plein air ou au vagabondage de l’esprit. « Ce sont des temps dont notre cerveau, sollicité en permanence, a parfois besoin pour prendre du recul, laisser décanter une idée ou trouver des solutions innovantes », ajoute-t-elle. À condition de ne pas, ensuite, vous épuiser pour rattraper le retard accumulé ! Une question d’équilibre donc, et de connaissance de soi.

À lire aussi
Témoignages : ils ont entrepris avant 30 ans
(1) Source : étude TaskRabbit en collaboration avec OpinionWay, 2022.
*Thérapie cognitivo-comportementale.