Frédéric Agid a longtemps été créatif publicitaire. Avant de se reconvertir dans le tatouage. Un changement de cap qu’il a vécu en douceur puisqu’il est resté dans le monde du dessin, et qui lui procure davantage de sens.
Adolescent, Frédéric Agid souhaite devenir artiste-peintre. Mais son entourage, à tort ou à raison, l’en dissuade. Il n’abandonne pas pour autant sa passion pour le dessin. En 1993, il décroche un CAP de “dessinateur d’exécution en publicité” au lycée Corvisart, à Paris. “Mon rêve n’était pas de devenir créatif publicitaire en agence, mais je le suis rapidement devenu, par la force des choses”, explique-t-il. Il gravit les échelons, d’agence en agence, jusqu’à devenir directeur de création. En duo avec un concepteur-rédacteur, qui s’occupe des “mots” tandis qu’il gère la partie “images”, il réalise des campagnes publicitaires pour de grandes entreprises.
Au bout de 9 ans, lui vient l’envie de changer de cap. “Au début, j’aimais beaucoup ce que je faisais. Mais à force, j’ai de moins en moins apprécié l’évolution de ce métier. Nos conseils étaient de moins en moins écoutés. On est passé de Mad Men à 99 Francs. Avec des annonceurs qui doutaient de nos idées, et qui nous mettaient en concurrence avec d’autres agences. Devoir sans cesse les convaincre était épuisant”, raconte-t-il. En 2012, Frédéric Agid devient graphiste free-lance. “J’étais mon propre patron, je prenais enfin des risques. Mais le fond restait le même, et étant seul, je privilégiais de plus en plus l’aspect financier à la qualité des campagnes publicitaires, jusqu’à négliger la partie création”. En 2013, il opère un retour aux sources : “était-ce une crise de la quarantaine ? Toujours est-il que j’ai décidé de réaliser mon rêve : vivre de mon dessin.” Il se heurte au scepticisme de sa famille, mais persévère. Alors qu’il expose quelques dessins en parallèle d’un poste à mi-temps de directeur artistique, un ami lui conseille de vendre ses créations en réalisant des tatouages. “Je ne connaissais rien à ce milieu, mais je me suis formé en autodidacte. Après m’être entraîné sur des oreilles de cochon, j’ai fini par tester mes tatouages sur des amis. Puis, un an plus tard, en 2015, j’ai ouvert mon studio, dans un espace de coworking”, explique-t-il.
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Si Frédéric Agid s’est formé seul, en autodidacte, c’est parce que les formations se font rares. Aujourd’hui, l’apprentissage de ce métier se fait encore souvent sur le tas, en tant qu’apprenti dans un salon. “Mais ces stages sont rarement rémunérés, et souvent superficiels”, observe-t-il. Il existe bien l’École française de tatouage, à Créteil, qui délivre un diplôme “d’artiste tatoueur”. Il l’a d’ailleurs approchée. Mais, raconte-t-il, “son directeur m’a dit à l’époque que tout ce qu’il fallait savoir pour devenir tatoueur, je le savais déjà”. Au départ, Frédéric Agid se sent un peu perdu, dans un domaine qu’il rattache malgré lui au cliché des “bikers” et des “mauvais garçons”. Mais il comprend vite qu’il ne s’agit que d’un stéréotype, et “qu’il est tout à fait possible d’y trouver un intérêt artistique et poétique”. Ainsi décrit-il le tatouage comme un “art à part entière, où il est possible d’innover”. Dans sa nouvelle activité, il apprécie aussi son aspect humain : “j’ai découvert des clients qui me faisaient réellement confiance, avec qui j’échange davantage, et qui me témoignent une réelle gratitude après chaque tatouage ; alors qu’en agence, personne ne m’a jamais remercié pour mon travail.”
Un rêve d’enfant
Même si ses revenus sont moins importants qu’autrefois, il estime y gagner au change à tous points de vue : “J’y puise davantage de sens et de qualité de vie. Je sais à quoi sert vraiment ce que je fais. Et puis j’ai accompli un rêve d’enfant : passer mes journées à dessiner. Les jours où je perds le moral, je le retrouve tout de suite quand je réalise que j’arrive à payer mon loyer et à nourrir mes enfants en dessinant. Alors que l’on m’a souvent répété que c’était impossible”. Indépendant, il apprécie enfin le fait de pouvoir choisir seul ses créations : “Mon client a le dernier mot, mais je dessine librement, et c’est pour cela que l’on me sollicite”.
Aux personnes tentées par la reconversion, l’auteur du livre Histoires de tatouages (Eyrolles) recommande de ne “jamais s’arrêter aux avis de son entourage, et de s’écouter : de quoi ai-je envie, qu’est-ce qui me fait vibrer. Si vous ne vous sentez pas bien quelque part, il faut vite en partir”.
Article extrait du magazine Rebondir de mai juin 2021.