La reconversion concerne et intéresse toujours plus d’actifs. Pour dépasser les craintes et les risques liés à une telle démarche, la préparation et la méthode sont de rigueur. Mustapha Benkalfate, fondateur du cabinet d’accompagnement Jobtimise et co-auteur du guide pratique Les secrets d’une reconversion professionnelle réussie (Dunod), livre ses conseils et ses réflexions pour bien se lancer.
Comment aborder un changement de carrière sereinement?
Je dirais que dans le cadre d’une reconversion, il y a un triangle à considérer et dans lequel il faut trouver un équilibre : vos désirs, vos possibilités et le marché du travail. Il faut donc faire un bilan approfondi de soi et de ses attentes et besoins, puis identifier ses compétences et celles à acquérir. L’une des clés de la réussite, c’est cette réflexion approfondie sur les possibilités et opportunités offertes par le marché du travail, qui peut être mouvant et instable. Surtout, il faut être réaliste et rationnaliser ses démarches pour trouver cet équilibre et se projeter positivement, par exemple en établissant un business plan personnel et un plan de financement de sa reconversion sur 5 ans. Beaucoup de personnes en reconversion craignent ainsi qu’on leur dise qu’il faut abandonner la part du rêve et de l’épanouissement, mais pas du tout !
Quels sont donc les risques et écueils à éviter ?
Lorsque la reconversion ne se passe pas bien, il s’agit souvent de personnes malheureuses dans leur poste qui reculent l’heure du choix et tergiversent. Et un jour, elles explosent. Le risque de la reconversion ratée c’est le syndrome de la cocotte-minute et cela peut toucher quiconque qui n’a pas mené sa démarche de réflexion dans un cadre serein ou s’est lancé sans trop y réfléchir et sans s’être suffisamment renseigné.
C’est très dangereux de se lancer sur un coup de tête, de se jeter à l’eau sans savoir si l’on sait nager. Au début, il y a cette phase d’émerveillement et d’apprentissage qui peut être grisante, mais on peut rapidement retomber dans ses travers. Et la fatigue nerveuse est un vrai problème pour la lucidité. Les dangers de la reconversion ratée ne sont pas tant de ne pas trouver du travail que d’être aussi malheureux dans son nouveau travail que dans l’ancien. C’est pour cela que j’insiste, il faut construire son projet étape par étape. L’une des conditions pour être rationnel c’est par exemple d’enquêter, de se renseigner sur son futur métier, de contacter des professionnels via LinkedIn et autres. Mieux vaut se sentir à l’aise avec le type de personnes qui pourraient être vos futurs pairs.
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Il faut donc éviter de brûler les étapes ?
Exactement. La vie professionnelle n’est pas linéaire, et sa représentation sous forme de cycles qui se répètent fournit une clé de lecture utile : apprendre à se connaître, explorer des possibilités, faire un choix, passer aux actes. C’est pour cela que, dans le livre, nous proposons une méthode en quatre grandes étapes. D’abord, on réfléchit sur soi et sur ses opportunités pour identifier ses besoins de reconversion (1- Faire le point sur sa situation) et commencer à définir son projet (2- Ouvrir le champ des possibles). Ensuite seulement, on fait ses choix et on entre dans le concret, pour entamer l’après (3- Mettre en œuvre sa reconversion) et travailler à son insertion dans son nouveau métier (4- Trouve sa place sur le marché de l’emploi). Par exemple, l’enquête métier et le réseautage à mener pour trouver son nouveau poste n’arrivent que lors de la dernière étape. Si vous agissez en même temps que vous réfléchissez, il y a un souci. Chaque chose en son temps.
Faut-il absolument se faire accompagner ?
Faire cavalier seul est risqué, parce que l’incertitude et l’angoisse sont très mauvaises conseillères. L’accompagnement et l’engagement d’un coaching rassurent et aident à faire ses choix, mais il faut rester exigeant et veiller à ce que les personnes qui vous accompagnent soient au fait des dynamiques du marché du travail et des caractéristiques de votre secteur.
Ce qui est super, c’est qu’aujourd’hui les besoins des entreprises avancent infiniment plus vite que l’adaptation des métiers. Et les entreprises sont beaucoup plus ouvertes à la reconversion et à l’accueil de profils reconvertis. Je pense que c’est en partie parce qu’on a besoin d’adapter nos sociétés à trois choses : le changement climatique, l’intelligence artificielle et le vieillissement de la population. Tout cela crée de nouveaux besoins et changent les métiers. Avant, le risque était de ne pas trouver de travail tout court, mais maintenant du travail, il y en a. Aujourd’hui l’enjeu c’est : comment vais-je vivre et m’adapter à ma reconversion ?