Entreprendre

Gaël Seydoux : « Je me suis retrouvé entrepreneur à 55 ans »

Certains parcours de reconversion s’opèrent sur le temps long et avec un fil rouge. C’est le cas pour Gaël Seydoux, 57 ans, cofondateur de la start-up Emova, qui développe une cabine d’essayage virtuelle en réalité augmentée. Une aventure entrepreneuriale lancée après trente ans d’une carrière riche de différents métiers de l’image, notamment dans le cinéma et le jeu vidéo.

« Je me suis retrouvé entrepreneur à 55 ans, en me disant que ça m’occuperait encore une dizaine d’années, explique aujourd’hui Gaël Seydoux. C’est une sorte de projet de fin de carrière, mais surtout, c’est un projet stimulant, que je porte grâce à ce que m’ont appris mes précédentes expériences et qui me fait découvrir quelque chose que je ne connaissais pas : la gestion d’une entreprise et tout ce que cela implique. » S’il dirige aujourd’hui une jeune pousse qui se positionne sur un marché en plein essor grâce à son produit innovant, Gaël Seydoux n’est pas arrivé là par hasard. Depuis trente ans, le titulaire d’une maîtrise d’économie et d’un diplôme de graphiste et d’image informatique roule sa bosse dans les secteurs de l’imagerie virtuelle et des effets visuels.

C’est d’abord au cinéma qu’il lance sa carrière, en tant que graphiste et artiste 3D pour les effets visuels de plusieurs films bien connus. « J’ai travaillé pendant 13 ans dans le film, la pub, les films volumétriques, ajoute Gaël Seydoux. Mon métier était de fabriquer de l’image numérique en 3D, puis j’ai fini par prendre un rôle d’encadrement et de management des équipes, tout en travaillant sur des films comme Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, Alien vs Predator, Harry Potter ou Batman Begins. » Entre temps, il part vivre à Londres en 2003. Il y restera trois ans, d’abord toujours sur de la 3D pour le cinéma, puis chez l’éditeur de jeux vidéo Sony à partir de 2005. C’est le premier changement de secteur de sa carrière : du grand écran au jeu vidéo, toujours sur du graphisme et de la création d’images.

L’image pour fil rouge

Après un an chez Sony, notre entrepreneur rejoint l’éditeur français Ubisoft, où il produit des jeux mais travaille également au portage des technologies d’images dans d’autres domaines. « En bifurquant du film au jeu vidéo, je passais d’une image calculée et préparée en plusieurs heures à de la création et du calcul en temps.  Je me sentais un peu frustré parce que j’avais l’impression qu’on baissait en qualité. Mais très vite, la puissance des consoles de jeu m’a fait changer d’avis. Je me suis rendu compte qu’on pouvait vraiment tracer de nouvelles expériences immersives, très ludiques et très scénarisées. Donc le métier de producteur de jeux m’a vraiment passionné », retrace l’intéressé.

Après neuf ans chez Ubisoft, il est repéré par l’entreprise Technicolor, pour y diriger un laboratoire de recherche sur les technologies immersives (réalité augmentée, réalité virtuelle, humain digital et images volumétriques). « C’est en quelque sorte le troisième métier dans ma carrière, celui de directeur de recherche. J’encadrais des scientifiques, des chercheurs et des ingénieurs. Nous déposions à l’époque à peu près 350 à 400 brevets par an », se souvient Gaël Seydoux. À la suite du rachat de l’entreprise en 2019 par InterDigital, une société américaine, ce dernier s’interroge sur son avenir professionnel et décide de miser sur une technologie sur laquelle il travaille depuis plusieurs années.

Le virage de l’entrepreneuriat

« Je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire sur l’human digital, technologie sur laquelle une équipe de quinze personnes travaillait, et j’ai eu cette idée de l’essayage virtuel », résume Gaël Seydoux. Décidé à se lancer, l’entrepreneur propose à son entreprise de la quitter en créant une spin-off, soit une nouvelle entreprise créée à partir d’une entreprise existante. « J’ai ainsi pu créer ma start-up Emova en décembre 2021, en récupérant une partie de la technologie que je participais à développer, et mon ancienne entreprise est rentrée au capital ».

Un projet de reconversion qui agrège les différentes compétences acquises tout au long d’une carrière dans l’image et les effets visuels. « Les aspects de créativité, de création d’un produit, d’industrialisation, de mise en œuvre… Tout cela, je l’avais développé au fur et à mesure de ma carrière. Et grâce à mon expérience dans le film, je sais apprécier la qualité de l’image, son impact, ce que cela raconte, la scénarisation. Mais entrepreneur reste un métier nouveau pour moi, j’ai dû me parfaire sur la partie financement et démarchage commercial, et j’ai vite compris qu’il fallait que j’apprenne à bien m’entourer », concède Gaël Seydoux. Près de deux ans après son lancement, Emova est aujourd’hui parvenue à la première version de son produit, commercialisé en BtoB depuis septembre 2023. Concrètement, la start-up propose une solution numérique qui s’implante sur les site Web des marques et marketplaces, et qui permet d’ouvrir une fenêtre dans laquelle il est possible d’essayer des accessoires et des produits grâce à un avatar réaliste. « Il sera possible de tester du maquillage, des lunettes, des coiffures, de la cosmétique, des bijoux, des chapeaux, des vêtements… Et à la fin de l’essayage, on passe au panier et on revient dans le parcours e-commerce de la marque. Les techniques d’essayage en ligne déjà existantes sont limitées, nous proposons un avatar réaliste dont l’image est calculée dans un moteur de jeu en temps réel », résume Gaël Seydoux.

Si sa participation à l’émission de M6 « Qui veut être mon associé » début 2023 n’a pas porté ses fruits, la start-up est parvenue à lever 1,35 million d’euros depuis, et sa commercialisation devrait accélérer dans les prochains mois. Surtout, Gaël Seydoux semble avoir trouvé la bonne voie de reconversion partielle pour sa fin de carrière : « Dans mes activités, j’ai toujours aimé ce mélange entre technologies et art de l’image, c’est ce que je retrouve aujourd’hui avec Emova, avec en plus le côté stimulant de l’entrepreneuriat et de l’innovation deeptech ».

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