Reconversion

Reconversion : on a testé le métier de fromager-affineur

La vitrine doit être prête et organisée tous les matins

L'étal est régulièrement approvisionné

Les crottins de chèvre fraichement reçus

La découpe d'une meule commence au fil

Le fil permet des découpes précises

Il faut enchainer les découpes

Le fromage est détaillé en petites portions

Les différentes étapes de maturation d'un fromage

Cet article est issu du dossier "On a testé le métier"

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Les métiers de l’artisanat alimentaire attirent de plus en plus d’ex-salariés en quête d’une activité manuelle. Parmi eux, celui de fromager-affineur est un savoureux mélange entre savoir-faire traditionnel et fibre commerciale. Rencontre avec Roland Rousselet, affineur depuis 22 ans, dans sa fromagerie parisienne.

Dès notre arrivée matinale face à la devanture de la fromagerie de notre hôte d’un jour, nous trouvons notre patron fromager-affineur en plein travail de préparation et d’installation de sa boutique pour la journée. Roland Rousselet, 38 ans, dont 22 dans ce métier, a repris cette affaire il y a quatre ans, en plein cœur du quartier latin, dans le 5e arrondissement de Paris, rue Mouffetard. En quelques minutes, voilà la boutique – et ses dizaines de références de fromages – prête pour les premiers clients. « Ce sont plein de détails, mais quand c’est ton affaire et que tu es seul, il faut faire attention à tout », lance Roland.

Installé aujourd’hui à son compte, Roland s’appuie sur sa longue expérience de l’affinage, et notamment ses neuf ans en tant que chef affineur au sein de la fromagerie Barthélémy, rue de Grenelle, une grande maison qui sert les tables de l’Élysée. S’il a déjà travaillé avec une vendeuse, Roland est seul à bord au quotidien dans sa fromagerie. Il assure donc toute une série de tâches et de responsabilités, de la vente à l’affinage des fromages, en passant par l’approvisionnement, la réception et la conservation des produits, la découpe et le conditionnement des fromages, la relation client, le nettoyage et l’entretien de la boutique…

Un métier exigeant

De l’aveu de Roland, « la vente, c’est presque la partie facile du métier, mais il faut rappeler à tout le monde que le commerce, ce n’est pas que la vente et que le métier de fromager-affineur, c’est beaucoup d’heures de travail et beaucoup de tâches qui impliquent de passer la journée en étant debout et actif ». En moyenne, deux fois par semaine, Roland se lève très tôt, entre 5 et 6 h du matin, pour aller s’approvisionner au marché de Rungis, avant de filer à sa boutique pour lancer sa journée. « Il ne faut pas se mentir, gérer une affaire comme la mienne, cela ne se fait pas avec des semaines de 35 h. On est parfois sur du 70 h en cumulé, mais quand on a le rythme et la passion, c’est génial. Cela fait 22 ans que je fais ce métier et j’ai toujours voulu être patron », complète Roland. En matière de marchandises, pas de place au hasard : le patron goûte et vérifie tout. « Je veux être sûr de ce que je vends, les meules de fromage, c’est une matière vivante qui évolue. Dans un même lot, deux fromages peuvent avoir une subtilité différente et un même fromage aura un goût différent selon la qualité de l’affinage. »

Voilà le cœur du métier de Roland et de son savoir-faire : l’affinage et la conservation de ses fromages. Pour rappel, l’affinage constitue la dernière étape de la fabrication du fromage. C’est une période de maturation durant laquelle le produit développe ses saveurs. « L’affinage, c’est le temps et la température. La règle légale, c’est 10 degrés maximum pour la conservation, et 4 degrés pour les fromages extra-frais. L’idéal, c’est entre 8 et 10 degrés, il faut éviter un affinage trop brutal ou des températures trop hautes. » Dans la cave d’affinage de la boutique, réfrigérée et ventilée en permanence, les différents fromages sont ainsi conservés et traités selon leurs besoins et leurs cycles de vente, certains quelques jours et d’autres plusieurs semaines. La boutique est alimentée au gré d’un roulement organisé, de sorte que les différentes références soient disponibles constamment en vitrine.

De la meule à la vitrine

Avant tout travail d’affinage, il s’agit de réceptionner les nouveaux fromages du jour. Mes premières tâches : décharger les caisses de la camionnette, déballer le tout et stocker les fromages. Là encore, l’effort et le travail dépendent du produit. Pour les crottins de chèvre ou les camemberts, pas de souci, mais pour s’attaquer aux grandes meules, c’est tout de suite plus exigeant. Petite astuce : rouler les meules ! Pour la découpe, nous nous attaquons d’entrée de jeu à une meule de comté de plus de 30 kg. Dans un premier temps, le travail se fait au fil à couper. Un simple fil en inox, qui peut aller de 40 à 80 cm pour venir à bout d’une meule de 35 kg ? Ni une ni deux, Roland nous fait la démonstration : il trace un diamètre dans la meule, son axe de découpe, puis place son fil de part et d’autre de la meule, ramène les deux poignées vers lui, commence à entamer la croûte, puis tire vers lui d’un coup sec et régulier. Et voilà le travail : le fromage est coupé en deux en quelques secondes. Après m’être confronté au même exercice, je peux désormais affirmer que découper une meule de 35 kg au fil à couper n’est pas une mince affaire. Voilà un savoir-faire que l’on n’apprend pas à maîtriser en une matinée.

« Quand on fait ce métier, on répète ce genre de gestes très régulièrement, il faut donc apprendre à se ménager et à ne pas faire d’efforts inutiles. Il faut faire attention à son dos quand on porte les fromages, et penser à ne pas faire de gestes trop amples ou à se fatiguer inutilement quand on découpe des gros fromages », observe Roland. Viennent ensuite de nouvelles phases de découpe plus précises, au fil, puis au couteau, jusqu’à parvenir aux portions qui sont minutieusement filmées avant d’être présentées pour la vente. À chaque étape de ce travail, d’une meule de 35 kg jusqu’aux portions vendues, il s’agit de veiller à l’hygiène et de garder le magasin propre, en vitrine comme en coulisses.

Affineur et entrepreneur

À plusieurs reprises durant notre travail de découpe, Roland fait l’aller-retour entre la boutique et l’arrière-boutique pour accueillir des clients et assurer les ventes. « Je suis le patron de ma propre affaire, et je pars du principe que dans un magasin comme le mien, le patron doit savoir tout faire et tout maîtriser, affirme Roland. Si j’ai un message à faire passer, c’est qu’avant de penser à reprendre une affaire, apprenez et absorbez le plus possible. En tant que patron, on n’a pas le droit à l’erreur et il faut se lever tous les matins pour faire marcher l’affaire. Si on se loupe avec des clients, ils ne reviennent pas. » Aussi, tout gérant doit se faire accompagner quand c’est nécessaire, comme le concède Roland, « même si le métier est multitâche, on ne peut pas tout faire non plus. Le premier conseil, c’est de trouver un bon comptable. C’est très important« . Fort heureusement, la vie de gérant est aussi faite de projets excitants : quelques mois après notre passage, Roland doit inaugurer sa toute nouvelle et vaste cave d’affinage naturelle, installée sous sa boutique et rendue possible par les vieilles pierres parisiennes du Quartier latin. De quoi nous donner envie de revenir.

Photographies par Quentin Donval

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