Emploi

Reprendre le travail après un cancer : comment se réinventer?

Après la traversée de l’épreuve du cancer, le retour à la vie professionnelle est une étape délicate. Aussi attendue que redoutée. Car le cancer est un tsunami. Il chamboule tous nos repères et crée une rupture dans une trajectoire de vie. Reprendre le travail s’apparente souvent à une nouvelle épreuve. Entre craintes, incertitudes, fatigue et perte de confiance, de nombreuses questions émergent. Les conseils dans cette tribune de Béatrice Pasquer, coach en évolution et réinvention professionnelle, spécialisée depuis 10 ans dans l’accompagnement des entreprises et des individus sur le retour au travail après cancer (1).

Chaque personne vit cette étape de façon unique et singulière. Il est essentiel de prendre le temps de se poser les bonnes questions afin de faciliter la reprise. Car un retour au travail réussi constitue un facteur clé de rétablissement. Le sujet du retour au travail après un cancer est d’autant plus d’actualité que le nombre d’actifs concernés ne cesse d’augmenter. Entre 1990 et 2023, le nombre de nouveaux cas a doublé en France*. Avec 433 000 personnes touchées, dont 1/3 sont en emploi. Sachant que 80 % arrêtent de travailler pendant les traitements, pour une durée moyenne de 10 mois.

Anticiper, préparer la reprise passe par une phase d’introspection, qui permet de réinterroger ses besoins et priorités. En replaçant la santé au cœur du processus de réflexion.

Les questions à se poser pour faciliter le retour

1/ Est-ce que je me sens capable de reprendre le travail ?

Au niveau physique et émotionnel, s’interroger sur ses réelles capacités. Car les traitements laissent des stigmates, plus ou moins marqués : fatigue, troubles cognitifs, difficultés de concentration, séquelles physiques, plus grande vulnérabilité au stress.

En contrepartie, la maladie permet de développer des qualités de résilience, de combativité, de courage et d’empathie. Autant de compétences à valoriser et à transposer dans la sphère professionnelle.

2/ Ai-je toujours envie d’exercer mon métier ?

Le cancer bouleverse non seulement le corps mais il est aussi un puissant catalyseur de changement. La quête de sens que fait naître la maladie est fréquente. Au niveau identitaire, les aspirations, valeurs et priorités se redessinent. Qu’est-ce qui me motive ? Qu’est-ce qui est important pour moi ? A quoi est-ce que je veux contribuer ?

Changer de poste, choisir une nouvelle voie, oser concrétiser un projet qui tient à cœur, autant de questions à explorer. Cela commence par mieux se connaître pour poser de nouvelles fondations et construire un projet porteur de sens et d’équilibre.

3/ Si je reprends mon poste, quels aménagements sont nécessaires ?

Des ajustements mineurs peuvent suffire à rendre la reprise plus confortable et sereine. Que ce soit en termes d’horaires, de charge de travail, d’environnement ou de réduction des déplacements, avec quand cela est possible la mise en place du télétravail.

Bien identifier en amont tous ces facteurs permet de préparer les échanges avec le médecin du travail et l’employeur afin de formuler des demandes d’adaptation, qui pourront évoluer au fil du temps.

Pour les salariés, la reprise à mi-temps thérapeutique constitue une alternative intéressante, ce qui est plus complexe pour les indépendants et Travailleurs Non Salariés (TNS). En effet, ces derniers reprennent souvent plus rapidement ou continuent de travailler pendant les traitements pour compenser la perte de salaire. Même s’il existe des solutions au cas par cas à explorer, selon le régime de couverture sociale et de prévoyance.

4/ Si je change de voie, vers quel métier m’orienter ?

Le changement de poste ou de métier est envisagé soit pour des contraintes physiques, soit pour répondre à de nouvelles aspirations. La personne choisit alors de se former, de se reconvertir, ou fait le grand saut de l’entrepreneuriat et se lance dans une activité indépendante. Un virage parfois radical pour assouvir une passion longtemps mise de côté ou explorer de nouveaux champs professionnels. Cette réinvention est un moyen de transformer une expérience douloureuse en opportunité de renouveau. De quoi redonner un élan de vie.

Reste à bâtir un projet qui soit à la fois réaliste, viable et compatible avec un rythme adapté et des impératifs financiers ; identifier ses talents, compétences et appétences, clarifier ses limites pour s’épanouir, sans mettre en péril sa santé. Et s’aménager des moments de ressourcement, par le sport ou d’autres activités, pour ne pas s’essouffler et tenir sur la durée.

5/ Comment communiquer sur mon parcours ?

Reprendre une activité c’est aussi renouer des liens avec ses collègues, son manager, une équipe, des clients, ou tisser de nouvelles relations. Comment parler de ce qui a été vécu ? Dire ou ne pas dire. Où positionner le curseur ? Comment expliquer un besoin d’aménagement, un trou dans le CV ? Chaque personne choisira la façon et les mots qui lui correspondent, en accord avec sa personnalité.

Des entretiens à préparer pour se sentir à l’aise le moment venu. Et être en mesure de formuler aussi ce que la maladie a fait émerger comme nouvelles aptitudes, de combativité, de persévérance, d’humanité et d’ouverture à la fragilité, qui peuvent apporter un réel plus au collectif.

Ainsi, les questionnements que font naître la traversée du cancer sont multiples et profonds. Il y a un « avant » et un « après ». Avec des prises de conscience remuantes. Se repositionner demande du temps et de l’énergie. Être accompagné et soutenu dans ce cheminement est une aide précieuse pour mieux se connaître et se donner toutes les chances réussir cette transition.

Quelle que soit l’orientation choisie, le retour au travail est une étape cruciale qui se prépare. Rappelons que chaque chemin est unique et qu’il n’existe pas de solution universelle. L’essentiel est de trouver la voie qui permettra de se sentir à sa place, d’évoluer dans un environnement favorable et de renouer des relations apaisées qui contribueront au bien-être et à la santé.

Si reprendre le travail après un cancer est un défi, cela représente aussi une occasion de se réinventer de façon plus alignée avec qui l’on est. Et de transformer l’adversité en opportunité de croissance et de nouveau départ.

Sources chiffres : INCA et Fondation ARC.

(1) Béatrice Pasquer est la fondatrice de la société « Les Trotteurs », qui intervient en conseil, coaching et formation sur le mieux-vivre au travail, en agissant sur la qualité de vie et des relations, la prévention santé et la communication : www.lestrotteurs.fr

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