Faire une pause par choix ou par contrainte n’est pas une fatalité. Longue maladie ou problèmes de santé, éducation des enfants, suivi de son ou sa conjoint(e) lors de sa mobilité géographique, aide à une personne âgée ou handicapée de son entourage proche, divorce difficile et autres accidents de la vie… Si les histoires et les profils sont diversifiés, le retour vers l’emploi se fait selon la même trajectoire qui peut être résumée ainsi : phase de réflexion, identification du projet puis validation et mise en œuvre.
Tout commence par un rendez-vous avec soi-même, pour faire le point, en tenant compte de la « courbe de deuil » décrite par Benoît Durand-Tisnès dans son livre Savoir rebondir après 45 ans, paru pendant l’été 2022 : « Elle fait passer par différents sentiments en plusieurs étapes qui appartiennent à chacun, selon son caractère, sa construction personnelle et l’écosystème qui l’entoure : le refus, la colère, la tristesse, la reconstruction. Cela prend du temps et ce dernier est un paramètre que l’on ne maîtrise pas. » La période de latence que l’on a traversée entraîne une remise en question au moment de décider de retourner vers le marché du travail. L’idée est donc d’identifier ce que l’on veut faire et ne plus, ou ne pas, faire. Est-ce que l’on veut repartir dans le même métier et/ou secteur qu’avant ? Ou bien bifurquer ? Veut-on être salarié ou à son compte, voire s’installer en franchise ? Ou même reprendre le même métier qu’avant mais via l’entrepreneuriat ?
« Quand on crée son propre emploi, il faut pouvoir générer une rémunération suffisante et s’assurer de la viabilité de sa nouvelle activité, prévient Aurélie Anzoletti, conseillère Pôle emploi à Nice. L’entrepreneuriat est, certes, plus facile d’accès à présent, notamment grâce au statut de la micro-entreprise, mais il faut bien réfléchir avant de se lancer. Est-ce que l’on peut compter sur un réseau déjà constitué ? Est-ce qu’il y a beaucoup de concurrence ? » Celle qui est aussi référente formation dans son agence niçoise estime que personne ne part de rien, peu importe ses parcours scolaire et professionnel antérieurs : « Les périodes d’inactivité ne sont pas des moments où l’on ne fait rien. Il faut se dire : je n’ai pas travaillé, mais cela m’a permis de développer telles compétences, de découvrir telle facette de moi-même, de mettre en action telle capacité. Il faut accepter de regarder en face cette pause et de se demander : que puis-je en retirer ? Par exemple, être mère au foyer renforce souvent les capacités d’organisation. On acquiert aussi de la rigueur pour respecter un budget imparti. » La vie de famille ou l’implication associative, voire les loisirs, sont autant d’activités à prendre en compte et mettre en valeur pour s’orienter sur le marché du travail, en fonction de ce que l’on est, de la manière dont on fonctionne, de ce que l’on aime et sait faire, ce avec quoi on est à l’aise ou non. Ou encore en fonction du rythme de vie souhaité, comme un bon équilibre entre les vies professionnelle et personnelle.
Etre curieux, savoir évoluer
Dans tous les cas, il faut déculpabiliser, insiste Catherine Marché, directrice générale adjointe de l’organisme de formation Demos : « Il y a un vrai travail à faire sur la crainte du regard des autres, de leur jugement, sur l’appréhension par rapport à ce que vont penser les recruteurs. Une pause n’est pas taboue du moment qu’elle est expliquée, bien intégrée à son CV et à son discours. » Benoît Durand-Tisnès, qui est aussi fondateur et président de Wayden, société spécialisée dans le management de transition, dédramatise : « Aujourd’hui, un savoir technique et fonctionnel n’est valable que six ans et, au bout de ce délai moyen, il faut de nouveau se former. Donc même ceux qui sont restés en poste ont besoin de se mettre à jour. Ce qui compte, c’est la curiosité, la capacité d’apprentissage, d’évolution et d’adaptation. Pour se débarrasser des doutes et se mettre en mouvement, il est indispensable de faire des rencontres, de s’informer et de se former. » Catherine Marché souligne l’importance des réseaux : « On peut recontacter d’anciens collègues pour savoir s’il y a de nouvelles opportunités d’emploi chez son ex-employeur. Ou bien faire appel à son réseau secondaire, en plus du professionnel : les connexions que l’on a établies grâce à ses loisirs, son implication associative, ses amis, sa famille. » Celle qui est aussi directrice des ressources humaines de Demos énumère, par ailleurs, les avantages de suivre une formation, courte ou longue, véritable levier d’insertion : « Elle permet de se rassurer sur ses compétences et les mettre à jour si besoin afin de redevenir opérationnel. Cela montre aux recruteurs que l’on est motivé pour réintégrer la vie active. »
Une manière de se démarquer
Les outils pour lever les freins au retour à l’emploi sont nombreux. Outre les multiples possibilités de formations, il existe l’incontournable bilan de compétences qui permet d’identifier ses savoir-être et savoir-faire. Pôle emploi met également à disposition un large éventail de solutions, des ateliers d’une demi-journée à des accompagnements qui peuvent durer plusieurs mois. « Il existe, par exemple, des ateliers pour valoriser son profil professionnel, donner la meilleure image de soi-même, reprendre confiance en soi, précise Aurélie Anzoletti. Il ne faut pas penser que l’on est moins légitime que d’autres candidats parce que l’on s’est éloigné du marché du travail pendant plusieurs mois ou années. » Autre option : les sessions proposées par Pôle emploi avec des psychologues du travail pour se questionner, prendre du recul, notamment via des exercices. Sans oublier les stages découvertes en entreprise. « Ces immersions permettent de prendre conscience de la réalité d’un métier, poursuit Aurélie Anzoletti. Si on a un coup de cœur pour une profession, mieux vaut se méfier des modes et des représentations stéréotypées : des émissions télé donnent ainsi une vision séduisante de la pâtisserie et de la cuisine, mais il faut avoir conscience qu’il y a des contraintes horaires, que ce sont des métiers durs physiquement car on se tient debout toute la journée et de manière assez statique. »
Cela dit, même quand on reprend son activité passée, la situation peut s’avérer inédite ou différente. Donc il faut se renseigner et faire évoluer son CV. Sur ce document, comme lors des entretiens d’embauche, l’essentiel est de savoir justifier sa longue pause et en tirer les leçons et bénéfices. « Il y a toujours moyen d’expliquer, affirme Benoît Durand-Tisnès. Ce qui compte n’est pas tant la pause, mais la manière dont on la digère et on l’assume, puis comment on la raconte : à quoi a-t-on été utile ? En tant que parent, aidant familial ou bénévole, entre autres cas de figure. » Catherine Marché, DRH de Demos, se souvient d’une femme qu’elle avait recrutée : « Elle avait indiqué, sur son CV, management familial pour décrire son expérience de mère au foyer. C’est très bien de savoir résumer de manière claire et objective les compétences acquises pendant la pause professionnelle. J’ai remarqué que les candidats qui sont passés par là font preuve de volonté, d’envie, d’énergie, de motivation, parfois même plus que les autres. »
Le regard des recruteurs a d’autant plus évolué à ce sujet qu’ils se focalisent désormais davantage sur les « soft skills », les compétences comportementales. « Ce qui compte pour eux, c’est l’esprit d’équipe, l’autonomie, la capacité à prendre des décisions, détaille Aurélie Anzoletti de Pôle emploi. Ils acceptent de devoir former les nouveaux venus pour qu’ils puissent acquérir des compétences techniques, dès l’instant qu’ils font preuve de savoir-être. » Elle note aussi que la situation est plus propice à la reprise d’activité après une longue pause, car se reconvertir soulève moins d’a priori, ce n’est plus perçu comme un aveu d’échec. Et puis les fortes tensions sur le marché de l’emploi, voire des pénuries de main d’œuvre dans certains secteurs, offrent plus de tremplins vers l’insertion professionnelle, quitte à avoir recours, dans un premier temps, à un job alimentaire. « C’est une manière de remettre le pied à l’étrier, de gagner sa vie avant de trouver une activité plus en adéquation avec ce que l’on recherche vraiment« , conclut la conseillère Pôle emploi.
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