Le magasin Cora de Saint Malo a licencié deux de ses employés pour faute grave. Ceux-ci refusaient de venir travailler le dimanche. Mais que dit réellement le droit du travail sur le sujet ?
Deux salariés d’un hypermarché Cora à Saint-Malo ont été licenciés, fin avril 2019, pour avoir refusé de venir travailler le dimanche. Une « faute grave », selon leur employeur.
Mais que dit la loi ? Une entreprise peut-elle forcer son employé à travailler durant ce jour habituellement dédié au repos ? Selon le Code du travail, il n’est pas possible d’obliger un salarié à travailler le dimanche, sauf s’il est volontaire. Mais il existe des exceptions. Légalement, cela ne peut ainsi être imposé que pour les professions médicales ou la police, ou dans le cadre de cas bien spécifiques.
La jungle des dérogations
Ainsi, des dérogations « permanentes » au principe du repos dominical sont possibles, sans qu’il y ait donc besoin d’une autorisation :
* Pour les établissements dont le fonctionnement ou l’ouverture est « rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public » – notamment les hôtels, les restaurants et débits de boissons, les débits de tabac, les entreprises de spectacles, les commerces de détail du bricolage. La liste complète des activités concernées figure à l’article R. 3132-5 du Code du travail.
* Pour les commerces de détail alimentaire – dans ce cas, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de 13 heures ; et des contreparties sur la rémunération sont prévues pour les salariés si la surface de commerce dépasse 400 m2.
D’autres dérogations sont « conventionnelles » : elles concernent les entreprises où le travail doit être assuré en continu « pour des raisons économiques », et sont mises en place par une convention ou un accord collectif.
Il est aussi possible d’obtenir une dérogation auprès du préfet si la fermeture de l’établissement est « préjudiciable ou compromet son fonctionnement », ou auprès du maire dans le cas des commerces de détail, pour des dimanches précis. Mais dans les deux cas, le travail dominical est basé sur le volontariat et l’accord écrit du salarié. « Le refus de travailler le dimanche pour un salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement », précise le Code du travail.
Enfin, des dérogations peuvent reposer sur un fondement géographique. Elles concernent :
* Les établissements situés dans des zones touristiques internationales (ZTI) telle que la région niçoise ou les Champs-Elysées à Paris,
* Ceux situés dans des « zones touristiques ou commerciales » (déterminées par le préfet de région) caractérisées par « une affluence particulièrement importante »
* Les commerces de vente au détail implantés dans l’emprise d’une gare « qui n’est pas incluse dans une zone touristique internationale ».
Pas de faute grave sans avenant ou mention dans le contrat de travail
Pour résumer, dans les entreprises qui ouvrent le dimanche de façon temporaire, l’autorisation du salarié est obligatoire et il est libre de refuser. Mais dans le cas où l’ouverture est permanente (et donc habituelle), les salariés peuvent être contraints au travail dominical, qui doit être mentionné dans le contrat de travail ou dans un avenant – ce qui donne à l’employeur le droit de licencier l’employé pour faute grave en cas de refus. S’il n’y a pas d’avenant ou si le contrat de travail ne mentionne pas la dérogation permanente, le salarié peut tout de même être licencié pour « cause réelle et sérieuse ».
Dans le cas du Cora de Saint-Malo, d’après l’Inspection du travail, qui analyse actuellement l’affaire, aucune mention de travail dominical ne figure sur le contrat de travail des salariées licenciées, et aucun avenant n’a été créé quand la direction de la grande surface a ouvert son magasin tous les dimanches matins (avec des repos par roulement) à partir du mois de mars 2018. Selon l’inspectrice du travail de Saint-Malo, « l’accord des salariées semble nécessaire lorsque les nouveaux horaires ou la nouvelle répartition des horaires constituent une modification du contrat de travail. » Si la direction du supermarché semble donc rester dans son droit en licenciant ses salariés, elle pourrait bien avoir commis une erreur juridique sur le motif du licenciement – en invoquant la faute grave, plutôt qu’une « cause réelle et sérieuse », qui permet à la personne licenciée de toucher des indemnités.
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