C’est parce qu’elle a personnellement vécu la terrible solitude à laquelle sont confrontés les aidants que Magali Amrani a créé, il y a treize ans, Au Pays des Vermeilles. Un cancer foudroyant venait d’emporter sa belle-sœur, âgée de 40 ans. « Elle refusait d’être hospitalisée, raconte-t-elle. Ils habitaient avec mon frère en milieu rural et ils se sont retrouvés face à un vrai manque de moyens en termes d’accompagnement à domicile. J’ai pensé que je pouvais faire mieux pour accompagner décemment des personnes fragilisées par la maladie. » Aujourd’hui, Au Pays des Vermeilles compte 25 salariés et accompagne au quotidien les personnes âgées, vulnérables et handicapées.
Guillaume Thomas, quant à lui, est le fondateur d’Aladom, entreprise qui met en relation professionnels des services à la personne et particuliers. « Je voulais simplifier ce secteur compliqué qui compte beaucoup d’acteurs et de besoins, apporter des solutions et aider ceux qui veulent travailler dans ces métiers à trouver l’emploi qui leur va bien. » Quinze ans après sa création, Aladom compte 250 000 prestataires référencés dans toute la France dans tout le spectre des services à la personne. Et un million de visiteurs par mois sur son site Internet.
La Conciergerie du Vexin, elle, a d’abord été l’autoentreprise de Françoise Gay. Propriétaire d’un gîte, elle peine à trouver quelqu’un de confiance pour gérer les locations lorsqu’elle part en vacances. De là naît l’idée de créer une conciergerie à l’origine spécialisée dans l’intendance des gîtes, qui s’est depuis élargie à l’entretien de maison chez des particuliers. Trois parcours, trois entreprises, un point commun : celui du lien à l’autre, qui est au cœur du secteur, très vaste, des services à la personne.
Des milliers de postes à pourvoir
Ce ne sont pas moins de 26 activités, exercées à domicile, définies par l’article D.7231-1 du Code du travail, que compte le secteur des services à la personne. Ce dernier ne connaît pas la crise : en effet, utilisé par 4 millions de particuliers, il pesait 20 milliards d’euros en 2022. « C’est un secteur d’avenir, la demande ne cesse de grandir, avance Guillaume Thomas. La population vieillit, les gens veulent rester à domicile le plus longtemps possible. Dans les prochaines années, de nombreuses aides à domicile et ménagères vont partir à la retraite, des milliers de postes seront à pourvoir.»
On parle précisément de 79 300 postes d’employés de ménage d’ici 2030 et 305 400 postes d’auxiliaires de vie, selon l’étude de la Dares « Les métiers en 2030 » publiée en mars 2022. Les aides à domicile et ménagères figurent aussi dans le top 10 des métiers qui recrutent le plus en ce moment et qui connaissent les plus fortes difficultés de recrutement, a révélé l’enquête annuelle de Pôle emploi “Besoins en main-d’œuvre », publiée en avril dernier.
Déconstruire les idées reçues
Secteur essentiel, d’utilité publique, les services à la personne souffrent encore de nombreuses croyances. Parmi lesquelles : ces métiers seraient précaires, peu rémunérés, n’offrant que des temps partiels, sans possibilité de formation ou d’évolution… « On pense souvent que c’est un secteur où l’on va par défaut. Certains y viennent provisoirement comme les étudiants qui font du soutien scolaire à côté de leurs études. Mais beaucoup y travaillent par choix, pour évoluer dans un métier du lien et aiment ce qu’ils font« , répond Guillaume Thomas. Côté temps de travail, beaucoup d’entreprises proposent aujourd’hui des temps pleins. Côté salaires, Aladom a réalisé une analyse de toutes les offres d’emploi publiées en 2022 et début 2023 dans les trois domaines clés du secteur : l’entretien de la maison, la garde d’enfants et l’assistance aux personnes âgées. Résultat : le salaire moyen pour les offres d’emploi de ménage est supérieur de 2,09 % au SMIC, celui pour les offres de garde d’enfants de 1,43 % et celui pour les offres dans le domaine de l’aide à la personne (auxiliaire de vie) de 3,48 %.
Un secteur qui tente d’être plus attractif
Longtemps, les services à la personne ont eu l’image d’un secteur où l’on ne maîtrisait ni son lieu de travail ni son agenda. « Aujourd’hui, un salarié peut fixer ses conditions et demander à travailler tant d’heures à moins de tant de kilomètres de chez lui« , analyse Guillaume Thomas. Les différentes activités du service à la personne peuvent aussi se cumuler : soutien scolaire et aide à domicile, quelques heures de ménage et livraisons de repas… Ou s’effectuer à temps partiel en complément d’une autre activité hors du secteur. Une façon de diversifier son quotidien, son agenda et ses revenus. Autre particularité : il existe plusieurs types d’employeurs. Le privé (entreprises, associations, coopératives), la sphère publique (communes, Centre communal d’action sociale (CCAS), établissements publics ou maisons de retraite) et les particuliers employeurs. On peut y travailler comme salarié, créer son entreprise, rejoindre un réseau de franchise, avoir plusieurs employeurs…
L’importance du savoir-être
Pour travailler dans les services à la personne, il n’est pas obligatoire d’être diplômé. À l’exception des métiers portés vers l’assistance aux publics « fragiles » (personnes âgées et handicapées, enfants de moins de trois ans), qui requièrent une qualification. « Ce qui est indispensable, c’est le savoir-être fondamental, les savoir-faire s’apprennent, précise Magali Amrani. L’important : avoir envie de travailler avec les autres, au service des autres… Les auxiliaires de vie sont des piliers, des repères. On y trouve une incroyable gratitude, celle de permettre à des personnes de rester chez elles, parfois jusqu’à leur dernier souffle, de ralentir ou de stabiliser l’évolution d’une maladie. Il n’y a pas de routine, aucun jour ne se ressemble. On rencontre beaucoup de monde, on est là pour aider, améliorer la vie des autres, leur être utile, c’est valorisant.«