Être slasheur est un atout professionnel, car cette forme de pluriactivité permet de mieux s’adapter aux évolutions du travail, en jonglant avec plusieurs fonctions, voire employeurs, en même temps. Rebondir est alors plus facile face à la crise, car on ne met pas tous les œufs dans le même panier… Le livre Profession slasheur : Cumuler les jobs, un métier d’avenir, paru en 2017, a été écrit par la conférencière Marielle Barbe, qui a connu bien des statuts, d’intermittente du spectacle à vacataire, en passant par contractuelle et freelance. Retour sur son parcours, riche d’enseignements (1).
Quand avez-vous pris conscience que vous pratiquiez le slashing ?
Je l’ai toujours fait mais je l’ai ignoré pendant des décennies. J’ai fini par réaliser que je suis une slasheuse à la fois au long cours, car j’ai changé plein de fois d’activités et d’univers, et en mille-feuilles, car j’ai toujours eu deux ou trois activités en même temps. Jusqu’à l’âge de 45 ans, je pensais que je n’étais pas adaptée au monde du travail, que j’étais instable, jusqu’à ce que je découvre, en 2008, les termes slashing et slasheur qui venaient des Etats-Unis : ce fut une révélation pour moi. J’ai compris que je n’étais pas instable, ni touche-à-tout, ni extraterrestre. Je suis quelqu’un qui a besoin de construire sa vie professionnelle dans une multi-dimensionalité me permettant d’établir un équilibre global, en faisant des choses différentes pour nourrir ma curiosité insatiable.
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Qui vous avait collé cette étiquette d’instabilité professionnelle et pourquoi ?
C’était d’abord la société qui me renvoyait cette image : il y a une injonction à être spécialiste, expert. J’étais sans doute une millenial avant l’heure… J’avais cette intuition qu’un seul métier ne pourrait pas me satisfaire. Je cherchais à trouver du sens. Mais à force d’entendre dire que l’on ne comprenait rien à ce que je faisais et que j’étais touche-à-tout, j’avais fini par le penser. Et c’est aussi le cas pour ma fille de 19 ans à qui on a demandé de choisir un métier ! Or, il y a une dissonance car l’OCDE [NDLR : l’organisation de coopération et de développement économiques] annonce que les moins de 30 ans feront en moyenne treize métiers dans leur vie ! En 2022, en France, nous sommes 25 % de slasheurs, un taux qui était prévu à l’horizon 2030 par les spécialistes du travail. La pandémie a donc accéléré le phénomène. Et il va se renforcer car on a de plus en plus besoin de personnes polyvalentes, aux profils hybrides pour faire face aux évolutions permanentes et de plus en plus rapides de l’économie et du travail.
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Comment accompagnez-vous les particuliers sur ce sujet et la question de la multipotentialité ?
J’interviens en coaching individuel, mais de moins en moins car je préfère le coaching de groupe. J’ai compilé des exercices que j’ai inventés pour mon livre et j’ai construit une masterclass : elle conduit les participants non pas à se demander quel est le métier qu’ils vont faire après, mais quels sont tous leurs potentiels et qu’est-ce que ces derniers ont en commun qui révèle leur raison d’être. Comment les différents profils vont-ils pouvoir se déployer à travers diverses activités ? Comment vont-ils pouvoir composer leur vie professionnelle de manière multidimensionnelle et non pas en mono-activité ? Et cela en respectant leurs besoins et leurs priorités et en faisant émerger leur singularité. Le propre du slashing, c’est qu’en croisant et additionnant deux compétences, cela ne donne pas l’équation 1+1 = 2 mais 1+1 = 3. En effet, se crée souvent une nouvelle compétence, une forme de singularité qui va permettre à la personne de se démarquer. Ainsi, les recruteurs viendront la chercher elle et pas quelqu’un d’autre.
(1) Interview réalisée à l’occasion du Salon du travail et de la mobilité professionnelle en janvier 2023 à Paris. Regardez l’intégralité de notre entretien en vidéo :
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