Les projets de Budget et de loi de finances 2019 veulent permettre aux travailleurs de percevoir une « rémunération juste et incitative », et « d’améliorer l’aide aux plus fragiles ». Dans le même temps, face à la colère des Gilets Jaunes, Emmanuel Macron a annoncé l’accélération de certaines mesures – notamment pour la prime d’activité et les heures supplémentaires. Découvrez ce qui vous attend au 1er janvier 2019.
Le SMIC revalorisé de 1,5 % ?
Contrairement à ce que pouvait laisser penser l’annonce phare de l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron lundi 10 décembre, le Smic n’augmentera pas de 100 euros – il devrait être revalorisé d’environ 1,5 %, si le gouvernement s’en tenait à la règle de calcul automatique (et non 1,8 % comme cela a été un temps évoqué) – ce à quoi s’ajouteront en fait 20 euros de baisse de charges salariales (déjà planifiées) et 90 euros de prime d’activité.
Actuellement, le Smic, touché par 1,6 million de salariés, est de 1498 euros bruts – en 2019, si le taux d’augmentation de 1,5 % était confirmé, il passerait à 1521 euros bruts mensuels.
Une bonification de la prime d’activité de 90 euros
À l’origine, le gouvernement prévoyait d’augmenter la prime d’activité, destinée à soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs aux ressources modestes (ceux qui en font la demande auprès de l’administration), de 20 euros par an, jusqu’en 2021. Soit une hausse de 80 euros sur l’ensemble du quinquennat. Mais suite au mouvement des Gilets Jaunes, Emmanuel Macron a annoncé que les 80 euros seraient accordés plus tôt, en une fois, au 1er janvier 2019.
Dernier revirement en date : le 17 décembre, dans une interview donnée aux Echos, Edouard Philippe a indiqué que la prime d’activité serait finalement de 90 euros, et versée « dès le 5 février » 2019 au titre du salaire de janvier, avec un élargissement des bénéficiaires (1). Ainsi, ce complément de salaire, issu de la fusion de la prime pour l’emploi (PPE) et du RSA activité, était jusqu’ici destiné aux travailleurs touchant entre 0,5 et 1,2 Smic (entre 605 et 1452 euros net) – désormais, il devrait passer de 1,2 à 1,5 Smic, soit environ 1800 euros net, et toucher 4,9 millions de foyers. À noter que la prime d’activité restera calculée en fonction de la situation familiale et des revenus du foyer.
Notons enfin que la hausse de la prime d’activité, versée par l’État et non l’employeur, ne changera rien sur la feuille de paie. Mais elle reste soumise aux cotisations sociales, et n’est pas prise en compte dans le calcul de la retraite. Il vous est possible de vérifier votre éligibilité et d’estimer le montant de la prime d’activité à laquelle vous pourriez prétendre, en vous rendant sur le simulateur du site de la CAF – mais dans l’immédiat, nous vous conseillons d’attendre la promulgation du décret d’application (annoncée pour bientôt) avant de réaliser cette simulation. Reste également à savoir si les CAF seront en mesure d’appliquer ce dispositif dès le 5 février…
Voici un tableau qui illustre « des exemples concrets d’augmentation du pouvoir d’achat ». Il est issu de l’argumentaire envoyé aux élus LaREM par Muriel Pénicaud, relayé par Le Figaro :
Des heures supplémentaires désocialisées et défiscalisées
Le gouvernement avait prévu que le 1er septembre 2019, les heures supplémentaires seraient « désocialisées » – autrement dit, qu’elles échapperaient aux cotisations salariales. Lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a annoncé que l’échéance serait avancée au 1er janvier prochain.
À compter de 2019, donc, les cotisations d’assurance-vieillesse de base et complémentaires seront supprimées sur les heures supplémentaires (pour un temps plein), ainsi que, dans le cas d’un temps partiel, sur les heures complémentaires. Selon les calculs du gouvernement, cette mesure devrait entraîner une hausse de la rémunération brute de 11,3% pour chaque heure supplémentaire – ce qui se traduira par un gain de pouvoir d’achat moyen de 200 à 400 euros par an et par salarié.
L’exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires concernera les salariés du secteur privé et les agents des trois fonctions publiques (Etat, territoriale, hospitalière), qu’ils soient titulaires ou non, soit près de 8 millions de salariés.
Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron refusait de revenir sur l’abrogation par François Hollande de la défiscalisation des heures supplémentaires, système mis en place sous Nicolas Sarkozy. Mais suite au mouvement des Gilets Jaunes, le président de la République semble avoir changé d’avis : il a ainsi annoncé que les suppléments de salaire ne seront finalement plus soumis, à partir de janvier 2019, à l’impôt sur le revenu. Entre 2007 et 2012, plus de 9 millions de salariés avaient profité de cette mesure, pour un gain estimé (selon un rapport rédigé par un parlementaire socialiste et un parlementaire UMP) de 500 euros par an et par bénéficiaire. À noter que les heures complémentaires devraient aussi être concernées par cette défiscalisation.
Selon l’avant-projet de loi envoyé le 17 décembre aux partenaires sociaux, pour limiter les effets d’aubaine, la défiscalisation des heures supplémentaires et complémentaires devrait être limitée à 5 000 euros par an.
Le compte personnel de formation sera monétarisé
L’une des mesures phares de la loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel est la transformation du CPF (compte personnel de formation), qui ne sera plus alimenté en heures de formation, mais en euros, à partir du 1er janvier 2019. Les heures cumulées au 31 décembre ne seront pas perdues, mais seront converties, à raison de 15 euros de l’heure.
Selon le ministère du Travail, chaque travailleur recevra 500 euros sur son compte chaque année (jusqu’à 5 000 au bout de 10 ans), et 800 euros (plafonnés à 8 000) s’il ne dispose pas d’un niveau V de qualification. Ce dispositif vous permettra, si vous êtes au chômage, de financer tout ou partie de la formation de votre choix, ainsi que de cumuler le capital acquis avec l’éventuel financement de Pôle emploi ou de la région dont vous pourrez bénéficier.
À noter que chacun pourra ainsi utiliser librement ses euros, depuis une application mobile, sans passer par les Opca, jusqu’ici chargés de convertir les heures en monnaie. Enfin, la bascule du CPF d’heures en euros ne changera rien à l’accord non obligatoire de l’employeur, si la formation n’a pas lieu durant le temps de travail. Les chômeurs seront tout autant libres d’utiliser leurs euros – sauf en cas de formation achetée par la région ou Pôle emploi, leur CPF étant alors débité dans la limite des droits qui y sont inscrits.
Une revalorisation du RSA
Le RSA (actuellement de 550,93 euros par mois pour une personne seule, de 826,40 euros pour un couple sans enfant et de 1 156 euros pour un couple avec deux enfants) sera revalorisé de 1% en avril 2019. Mais selon le gouvernement, cette revalorisation se fera « sur la base de l’inflation », et ne devrait donc pas impliquer de perte ou de gain de pouvoir d’achat pour ses bénéficiaires.
Le prélèvement à la source
Le prélèvement à la source entrera en vigueur le 1er janvier 2019. Pour éviter que les contribuables ne paient en 2019 à la fois l’impôt sur leurs revenus de 2018 (avec un an de décalage) et le prélèvement à la source sur leurs revenus de 2019, l’impôt dû sur les revenus de 2018 sera effacé grâce à un crédit d’impôt spécifique, le « crédit d’impôt de modernisation du recouvrement » (CIMR).
Concrètement, début 2019, vous devrez déposer une déclaration de revenus portant sur l’ensemble des revenus perçus en 2018 et sur laquelle vous pourrez, comme chaque année, indiquer vos charges déductibles (pensions alimentaires, charges et travaux réalisés dans un logement donné en location, versements sur un contrat d’épargne retraite…) ainsi que les dépenses et investissements ouvrant droit à une réduction ou à un crédit d’impôt. L’impôt sera calculé dans les mêmes conditions que d’habitude, mais grâce au CIMR, l’impôt à payer sur les revenus « courants » sera effacé. ceux qui n’ont perçu en 2018 que des revenus courants n’auront donc pas d’impôt à payer en 2019 sur leurs revenus de 2018.
Le prélèvement à la source sera indiqué sur le bulletin de salaire par l’employeur, qui devra préciser le net à payer avant et après impôt. Il sera simplement précisé le taux d’imposition, le montant de l’impôt et l’assiette sur laquelle il sera prélevé (qui correspond au salaire net fiscal du mois).
(1) Il s’agit des dernières informations dont nous disposons à l’heure où nous écrivons ces lignes, mais nous mettrons régulièrement à jour cet article le cas échéant. Un amendement au projet de loi de finances pour 2019 a été adopté le 11 décembre par les sénateurs, visant à avancer au 1er janvier 2019 les bonifications de la prime d’activité, et la mise en oeuvre effective de cette mesure nécessite un décret d’application, qui devrait être prochainement dévoilé.