En cette période où le télétravail continue de se généraliser, mais aussi où les partenaires sociaux tentent de l’organiser pour l’après-crise, quels sont les droits des salariés ? Rebondir vous aide à démêler le vrai du faux.
L’employeur ne peut pas m’imposer de télétravailler
Vrai et Faux
En temps normal, l’employeur ne peut pas obliger un collaborateur à télétravailler, car ce dispositif repose sur le volontariat, ainsi que sur un accord (collectif, d’entreprise ou de gré à gré). “Mais il peut très bien l’imposer dans des circonstances exceptionnelles, telles qu’une urgence sanitaire ou un cas de force majeure, quand le travail à distance est le seul moyen de préserver la continuité de l’activité”, précise Me Alexandre Frech, avocat au barreau de Paris.
Toutefois, quand le salarié ne peut pas du tout travailler chez lui, “l’entreprise doit s’organiser différemment et mettre à sa disposition tous les moyens lui permettant de télétravailler, par exemple en lui donnant la possibilité de se rendre dans un espace de coworking”, ajoute le spécialiste du droit du travail. À noter qu’il n’est pas possible de refuser le télétravail imposé par son employeur, lorsqu’il s’agit d’un cas de force majeure ou d’une crise sanitaire, comme celle du Covid-19, et qu’il est possible pour le salarié de travailler à distance.
L’employeur peut me refuser le télétravail
Vrai
Le télétravail reposant sur un accord réciproque, l’employeur peut très bien refuser la demande d’un salarié de travailler à distance. Toutefois, si le télétravail est organisé par un accord collectif ou une charte, et que le salarié occupe un poste éligible au télétravail, l’employeur doit motiver son refus. “Il doit avoir un motif objectif et vérifiable, et la preuve que le travail en question ne peut pas du tout être réalisé à distance, même partiellement ou en permettant des aménagements horaires”, explique Alexandre Frech.
L’avocat observe en outre, surtout en cette période de crise sanitaire, que “les dirigeants qui refusent le télétravail engagent leur responsabilité, au titre de leur obligation d’assurer la sécurité des salariés”.
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Le télétravail se limite au domicile
Faux
Le télétravail n’est pas synonyme de travail à domicile. Il est défini par la loi comme “toute forme d’organisation du travail, dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux, en utilisant les technologies de l’information et de la communication”.
Tout dépend des modalités définies entre l’entreprise et le collaborateur. Ainsi, tant que rien n’est précisé (dans les e-mails officialisant le télétravail de gré à gré, ou dans un accord collectif / d’entreprise) concernant le lieu où le télétravail est censé se dérouler, “il est tout à fait possible pour un salarié de travailler depuis un parc, un bar, un espace de coworking, chez ses parents, chez un ami, ou chez soi. Et l’employeur ne peut rien lui reprocher”, indique Alexandre Frech.
L’employeur est obligé de prendre en charge les coûts engendrés par le télétravail, comme l’accès à Internet, le chauffage ou la consommation électrique
Vrai et faux
L’entreprise doit prendre en charge les coûts professionnels directement engendrés par le télétravail, c’est-à-dire nécessaires à l’accomplissement de son travail à distance : l’achat de matériel (chaise de bureau, ordinateur), les frais de communication (abonnements internet, frais et/ou surcoûts téléphoniques), les surplus d’électricité, ou encore l’extension de garantie de la police d’assurance. Concernant le surplus de consommation électrique, “demander à son chef d’entreprise de le prendre en charge est possible, mais pour cela, il faut pouvoir démontrer qu’il s’agissait de l’appareil utilisé pour télétravailler”, note Alexandre Frech.
Les autres dépenses qui ne sont pas considérées comme des frais professionnels (par exemple, le chauffage) se négocient au cas par cas avec l’employeur. Et sont bien souvent remboursées sous une forme forfaitaire.
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L’employeur ne peut pas contrôler mes horaires et mon activité à distance
Vrai et faux
L’employeur a l’obligation de contrôler le temps de travail de ses collaborateurs. “Pour une raison simple : s’il travaille plus que ce que son contrat prévoit est considéré comme effectuant des heures supplémentaires et un travail dissimulé”, explique Alexandre Frech. Il doit aussi veiller au respect des périodes de repos, même pour les collaborateurs au forfait jours. Pour vérifier cela, le salarié peut être contraint de déclarer régulièrement ce qu’il a fait dans la journée dans un “tableau de bord”, ou encore de se manifester régulièrement par un e-mail.
À noter que le travail à distance n’étant qu’une modalité d’organisation, l’entreprise conserve le pouvoir de contrôler l’exécution des tâches des salariés. “Néanmoins, ce pouvoir ne saurait être exercé de manière excessive. Selon le Code du travail, l’employeur doit justifier que les dispositifs mis en œuvre sont strictement proportionnés à l’objectif poursuivi”, rappelle la Cnil. L’employeur est aussi soumis à une obligation de loyauté envers ses salariés et doit les informer des dispositifs de contrôle de leur activité.
Enfin, si l’employeur peut contrôler l’activité de ses salariés, il ne peut les placer sous une surveillance permanente. Il est notamment interdit de surveiller ses salariés via un logiciel espion, ou encore une webcam, notamment en leur demandant d’être en visioconférence tout au long de leur temps leur travail afin de démontrer leur présence en ligne.
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L’employeur peut contacter son salarié en dehors du temps de travail
Faux
Conformément au droit à la déconnexion des salariés, l’employeur n’a pas le droit de contacter ces derniers en dehors de leur temps de travail, sauf si le métier concerné comporte des périodes d’astreinte. “L’entreprise doit avoir défini des plages horaires durant lesquelles un collaborateur peut être contacté, et ne peux pas le solliciter en dehors”, précise Alexandre Frech.
Si un salarié se blesse à son domicile durant ses heures de télétravail, il peut être considéré comme étant en accident du travail
Vrai et faux
Dès lors qu’un accident survient sur son lieu de travail, même à distance, il y aura une présomption d’accident du travail. Mais l’employeur peut ensuite faire des réserves, s’il prouve que cet accident n’a pas de rapport avec les tâches du salarié concerné. “S’il se blesse dans l’exercice de son travail, même si cela se produit fortuitement, par exemple en tombant de sa chaise, oui, car le salarié était en train de travailler. Mais si cela se déroule hors de cet exercice du travail (par exemple, en prenant sa douche ou en faisant ses courses au lieu de télétravailler), non”, conclut Alexandre Frech.