Une reconversion est toujours une nouvelle page qui s’ouvre dans une vie professionnelle. A fortiori quand on se réoriente vers le métier de libraire, comme Thaïs Mathieu. « J’ai toujours eu envie de travailler dans le secteur du livre, se souvient-elle. C’est bibliothécaire qui me venait spontanément à l’esprit. Néanmoins, en passant les concours correspondants, j’ai constaté qu’une partie de la mission consistait à l’archivage et au catalogage. Or, cela ne me correspondait pas. » Elle a donc poursuivi sa carrière dans la gestion de projets culturels autour du spectacle vivant, qu’elle avait débutée après avoir obtenu, en 2002, une maîtrise en management culturel à Paris. Tantôt salariée, tantôt intermittente du spectacle, elle a, notamment, été chargée de production pour différentes compagnies de cirque contemporain pendant dix ans : « J’étais de moins en moins nourrie intellectuellement par mes missions qui se concentraient sur le montage de dossiers, la paie et l’élaboration des budgets. Le côté technique était devenu trop répétitif. L’aspect artistique se renouvelle, pas les tâches administratives. »
Des tâches variées
Elle songe à quitter Die, sa ville de résidence depuis vingt ans, quand elle apprend que la librairie Mosaïque, dont elle est cliente, est à vendre, le couple de propriétaires partant à la retraite. « J’y avais même travaillé ponctuellement, par pure curiosité, précise Thaïs. Cela m’avait beaucoup plu : être tous les jours au contact des livres et du public, s’occuper de tâches variées car c’est une petite structure… » Elle suit à distance un master 1 en littérature jeunesse pour préparer sa reconversion : « J’avais envie de me remettre dans le bain littéraire et d’avoir un aperçu des partenaires de la filière. Cela me permettait de me sentir plus légitime et outillée pour me lancer. » Elle cherche quelqu’un avec qui s’associer pour reprendre l’affaire et rencontre, par hasard, Emmanuelle Malafronte au cours d’une soirée d’été.

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Trouver les bons associés
« Orthophoniste ayant fait une prépa littéraire, elle en avait assez de travailler seule, tout comme moi, et elle voulait changer de voie sans idée précise, raconte Thaïs. Dès le mois de septembre 2019, on a décidé de racheter ensemble la librairie. On a suivi une formation technique d’une semaine à l’école de la librairie en proche banlieue parisienne, pour savoir gérer les stocks, présenter les livres, apprendre le jargon professionnel. » Puis le tandem se rend compte qu’à deux, ce n’est pas suffisant et qu’il faut trouver une troisième personne ayant, notamment, une bonne culture en bande dessinée. « Nous connaissions Christophe Payot qui est justement fan de BD et qui était de bon conseil en la matière. De plus, nous nous projetions bien dans une collaboration avec lui et nous savions qu’il voulait se reconvertir parce qu’il était fatigué des longs déplacements en tant que régisseur, qui l’éloignaient de sa famille. Il n’avait pas du tout le métier de libraire en tête, on lui a bien vendu le job ! Il a accepté tout de suite. »
Désireux de rester près de chez lui, le trio de quadragénaires n’aurait pas opté pour une librairie dans une autre commune. Cet ancrage local a convaincu l’Association pour le développement de la librairie de création d’apporter son soutien à l’entreprise, constate Thaïs : « Pour l’Adelc, notre réseau local était plus important qu’une éventuelle expérience antérieure dans le secteur ou que des compétences spécifiques à cette activité. » Forte de son expertise en recherche de partenaires financiers, qu’elle a exercée dans ses postes précédents, Thaïs contribue à bâtir un solide business plan. « Notre démarrage en a été facilité, alors que les banques font souvent défaut aux reconvertis et aux indépendants, note-t-elle. Sans problèmes de trésorerie, grâce à l’Adelc ou encore la chambre de commerce et d’industrie, nous avons pu rapidement nous salarier. » Pourtant, avant de se lancer vraiment en 2021, il a tout de même fallu patienter à cause de la pandémie… « Finalement, ce n’était pas du temps perdu, cela a permis de nous projeter, relativise Thaïs. Nous avons beaucoup discuté en amont et abordé les questions de fond avant qu’elles ne se posent. Nous avons également bien réfléchi à la répartition des rôles. Nous nous complétons par nos caractères et nos approches. étant à notre compte, nous avons une grande liberté d’organisation. Je travaille plus qu’avant, du fait des horaires d’ouverture, mais c’est par choix et c’est agréable car cela se déroule dans de bonnes conditions. »
À chacun son rôle
Christophe est responsable de la logistique, Emmanuelle et Thaïs de la gestion, cette dernière avouant : « Sans mon expérience préalable dans la comptabilité et la paie, je n’aurais pas repris un commerce. De plus, j’ai toujours fonctionné en mode projet, ce qui me sert en librairie puisque chaque rentrée littéraire est un projet en soi et on peut décliner des thématiques à l’infini tout au long de l’année. » Elle ne regrette même pas d’avoir moins de temps pour ses lectures personnelles : « Je lis plus pour mon travail, de tout, beaucoup et très vite… Le choix est très large et, comme dit Emmanuelle, on a de la chance parce qu’on ne s’ennuiera plus jamais. » Une reconversion réussie, c’est aussi passionnant qu’un bon roman !

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