Reconversion

Tout ce qu’il faut savoir avant de se reconvertir dans un métier manuel

Travail passion ou travail raison ? La reconversion dans une profession à forte dimension manuelle se résume souvent à cette interrogation. Au-delà de la vocation et de l’apprentissage d’un nouveau métier, il s’agit de s’interroger sur sa capacité à pouvoir vivre de sa nouvelle activité, au sein de métiers manuels porteurs en termes d’emploi.

« Aujourd’hui, l’artisanat a une image moins poussiéreuse et on accorde davantage de valeur au travail de la main qui est devenu beaucoup plus prestigieux, se félicite Édouard Eyglunent, cofondateur de Wecandoo, plateforme rassemblant 2 300 artisans qui accueillent le grand public lors d’ateliers immersifs d’initiation. Avec la pandémie, on a observé une accélération des réservations car nos clients souhaitent revenir à du concret : certains nous demandent même si l’artisan qu’ils vont rencontrer est reconverti pour poser des questions pratiques à ce sujet. » Parmi les métiers qui attirent le plus ceux qui veulent un changement de carrière, Édouard Eyglunent retient la céramique, « emblématique du travail manuel et plus accessible que métallier ou souffleur de verre, par exemple« . Mais aussi la maroquinerie et le travail du cuir, « en réaction à la mode jetable, pour s’engager dans des démarches durables ». Ou encore les métiers autour de l’alimentaire : boucherie, fromagerie et boulangerie. Et force est de constater que les professions dites manuelles font face à une pénurie de bras.

Des secteurs très porteurs

Fabrice Yeghiayan, directeur national du développement à l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), identifie d’autres secteurs très porteurs, notamment liés à la transition écologique et énergétique: « D’abord le bâtiment, avec des postes de carreleurs, plaquistes, peintres, maçons, couvreurs-zingueurs, plombiers, électriciens. Mais aussi la métallurgie, le nucléaire ou l’aéronautique, à des fonctions de soudage, tuyautage, chaudronnerie ou câbleurs. » Or, la réorientation professionnelle est une solution aux difficultés de recrutement, souligne Fabrice Yeghiayan : « Les entreprises doivent élargir leurs viviers à de nouveaux profils, comme ceux des reconvertis. Elles prennent alors en compte la capacité de s’adapter et d’acquérir des compétences. »
Marie-Pierre Delamarre, conseillère entreprise au sein de l’agence Pôle emploi Orléans Sud, renchérit : « Les employeurs mettent en place des formations préalables au recrutement ou font passer des tests avec la méthode de recrutement par simulation. Et puis il y a des compétences transférables d’un métier à un autre. Enfin, on observe que les reconvertis ont un bon savoir-être car ils sont motivés par le projet. »

Une féminisation à l’œuvre 

Autre point positif, ce que certains appellent la « dégenrisation » des métiers. « Les femmes ne doivent pas hésiter car, de nombreuses professions se féminisent, insiste Marie-Pierre Delamarre. Par exemple la menuiserie et, plus généralement, le travail du bois. » Sarah Ginesta, elle, est devenue carreleuse après un cursus à l’Afpa de Perpignan où elle a été formée en compagnie d’une autre femme et de cinq hommes : « C’était très physique au début de faire une chape à la main mais je me suis musclée. Et puis j’ai acquis des techniques qui permettent de moins me fatiguer. Je fais tout ça pour continuer à exercer ce métier dans dix ans… J’ai beaucoup gagné en confiance en moi. » Sarah a trouvé sa voie après un bilan de compétences, étape essentielle avant de bifurquer. Parmi les autres process intéressants, le projet de transition professionnelle ou la mise en place, par Pôle emploi, d’immersions préalables en entreprise qui sont très utiles pour se faire une bonne idée de son éventuel futur métier. Côté financement de formation, les dispositifs sont nombreux, du compte personnel de formation (CPF) à l’alternance ou au contrat de qualification, en passant par les aides accordées par les régions.

Mais avant toute chose, il est indispensable de se poser les bonnes questions, rappelle Marie-Pierre Delamarre : « Quels sont les métiers les plus porteurs correspondant à son éventuelle passion ? Est-ce qu’il est possible d’en vivre ? Quel statut adopter, entre salarié et entrepreneur ? Quelle peut être la localisation géographique pour exercer ? Quelles sont les formations possibles et nécessaires ?… »

Devenir son propre patron

Quant aux principaux écueils, ils relèvent, schématiquement, des conditions physiques et économiques, comme l’explique Sophie Lanini, quadragénaire qui s’est réorientée vers la cordonnerie : « Cela ne demande pas des gestes très physiques, mais ce qui est fatigant, c’est de travailler 65 heures par semaine !« .

Édouard Eyglunent, qui est aussi coauteur du livre Vivre de sa passion sorti fin 2022, partage, quant à lui, son expérience d’entrepreneur : « Il faut se poser la question du modèle d’artisanat que l’on veut : BtoB, boutique, e-commerce. Si on ne souhaite faire que de la vente en ligne, il faut être fort en communication. Et il est capital de bien réfléchir au business model qui est conditionné par ses appétences et compétences. Par exemple, se reconvertir pour devenir son propre patron et non être salarié, c’est un double défi ! On change de métier et de statut, c’est deux fois plus stressant. C’est dur d’en vivre et je rencontre toutes les semaines des personnes qui sont revenues en arrière à la fin de leurs droits aux allocations chômage. Mieux vaut ne pas se mentir et bien identifier ses besoins : combien doit-on gagner pour vivre de sa nouvelle activité ? »

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