Alors que les ministres du travail de l’UE sont parvenus à un compromis qui durcit la directive sur le détachement des travailleurs, Sandrine Azou, avocate au département social du cabinet De Pardieu Brocas Maffei nous éclaire sur les principaux changements à venir.
Quel est l’objectif de cette réforme ?
L’objectif est de créer des conditions de détachement qui permettent une concurrence plus loyale entre les acteurs économiques sur les marchés intérieurs tout en préservant la liberté de prestation de services au sein de l’Union Européenne.
Lutter contre le dumping social fait partie de la volonté affichée du gouvernement français dans ce dossier. Il constitue le principal reproche fait au détachement, et réside dans son principe même. Faire en sorte que les salariés détachés restent affiliés au régime de Sécurité Sociale de leur pays d’origine dans lequel le coût du travail est souvent inférieur à celui du pays d’accueil.
Combien de salariés sont concernés ? Dans quels secteurs ?
Selon des statistiques publiées en 2015, le détachement concerne environ 1,9 million de travailleurs en Europe. Un chiffre en hausse mais qui représente une part minime du nombre total de salariés dans l’Union Européenne.
Il y a beaucoup de travailleurs détachés dans le bâtiment, les travaux publics et finalement, la France est l’Allemagne qui sont des pays d’accueil de travailleurs détachés sont aussi les pays qui envoient le plus de salariés à l’étranger.
Quelles sont les avancées majeures apportées par cette réforme ?
L’une des avancées majeures de la réforme de la directive Détachement réside dans l’extension de la notion de “rémunération” du salarié détaché qui doit être respectée par l’employeur d’origine. Alors qu’aujourd’hui, seuls les salaires minima du pays d’accueil (minima légaux ou conventionnels selon le plus avantageux) s’appliquent aux travailleurs détachés, ces derniers bénéficieront demain d’un niveau de rémunération équivalent aux salariés du pays d’accueil, en ce compris les primes (13ème mois, prime de vacances, prime de froid, de pénibilité, d’ancienneté…) et autres indemnités (indemnités de panier par exemple) applicables dans le secteur d’activité concerné.
L’objectif affiché par les ministres du travail de l’UE est ainsi de faire application du principe “à travail égal, salaire égal” sur un même lieu de travail. Il s’agit cependant là d’un effet d’annonce dans la mesure où, d’un point de vue juridique, ce principe n’a vocation à jouer qu’entre salariés d’une même entreprise (et non entre salariés employés par des entreprises différentes, fût-ce sur un même lieu de travail faisant intervenir plusieurs sociétés).
Le gouvernement français a-t-il également gagné sur la question de la durée ?
Dans cette directive réformée, la France a obtenu l’encadrement de la durée du détachement qui sera, demain, de 12 mois maximum. Elle pourra être prolongée de 6 mois supplémentaires par le biais d’une demande motivée.
Si le texte est validé, quand entrera-t-il en vigueur ?
Si le passage de la notion de “salaire minimum” à celle de “rémunération” est un progrès indéniable, il ne s’appliquera pas avant 2022 au plus tôt (et pas dans le secteur des transports routiers qui demeureront régis par l’ancienne version de la directive jusqu’à ce que soit discuté le “paquet mobilité”, un texte européen spécifiquement consacré aux transports).
L’Autorité européenne du travail, dont la mise en place est annoncée pour 2018 et qui aura pour objectif de “garantir que les règles de l’UE sur la mobilité de la main d’œuvre soient appliquées de façon juste, simple et efficace”, devrait jouer un rôle important en la matière.