Tribune – Dans différents coins de la planète, le sujet du travail des migrants fait couler beaucoup d’encre et suscite de profonds débats de société. Pourtant, au-delà de certains réflexes communautaires qui reposent parfois sur des préjugés, la place occupée par les migrants sur le marché du travail n’est pas forcément celle qu’on imagine. Par Arnaud Devigne, directeur général Indeed France.
La concurrence sur l’emploi entre immigrants et natifs est loin d’être évidente. Surtout, les immigrants récents affichent des profils qualifiés dont l’économie américaine (comme beaucoup d’autres économies) a certainement besoin.
Des migrants de plus en plus qualifiés
La plupart des économistes ont tendance à constater que les migrants ont un impact positif sur l’économie d’un pays, et ce même sur les niveaux de salaire ou opportunités d’emploi des natifs. Dans les “faits”, la perception peut s’avérer différente : certains natifs se sentent lésés et estiment que les migrants “piquent leur job”. Les trois secteurs d’activité comptant la part la plus importante de travailleurs migrants sont l’agriculture (46 %), le bâtiment (35 %) et la construction (28 %).
Les immigrants récents, arrivés dans les cinq dernières années, sont le plus souvent issus d’Asie (45 %) et d’Amérique Latine (33 %). Par rapport à leurs « aînés », ces immigrants récents ont réalisé des études supérieures. En conséquence, ils n’occupent pas les mêmes postes. Si on continue de retrouver l’agriculture en tête, juste après arrivent les immigrants récents qui travaillent dans l’informatique et les mathématiques (4,5 %), dans les sciences de la vie, physiques ou sociales (3,9 %). En clair, ils occupent des fonctions plus techniques : médecins, développeurs informatiques, économistes… Objectivement, ces métiers (au premier rang desquels l’informatique) sont en tension. Les entreprises rencontrent des difficultés pour attirer ces profils.
Et pour la France ?
Les élections présidentielles terminées, il ne faut pas perdre de vue que la France souhaite accélérer le développement de son secteur tech, notamment en mettant l’accent sur son écosystème de start-ups. De fait, les enjeux de recrutement de profils IT et digitaux deviennent critiques. En 2016, le nombre de profils IT qualifiés s’avérait insuffisant pour répondre à la demande des entreprises, avec un ratio de 11 offres d’emploi par candidat. Quels types de candidats étaient recherchés ? Des développeurs d’applis mobiles, des data scientists, des architectes logiciel…
Si la France doit faire des efforts considérables en matière de formation des talents tech, l’attraction des talents étrangers doit également entrer dans l’équation. Aujourd’hui, soyons clair, ce n’est pas gagné. L’index mondial “compétitivité et talent” (GTCI) place la France à la 24e place des pays les plus attractifs pour les talents. En cause, un marché du travail trop régulé et une fiscalité très contraignante. Pour inverser la tendance, plusieurs signaux sont à relever en ce début d’année.
L’État français propose le dispositif “French Tech Visa”, une nouvelle procédure facilitant l’installation d’entrepreneurs et d’investisseurs internationaux du secteur technologique. Lancé au printemps 2017, ce programme a pour objectif de simplifier l’obtention du titre de séjour et vient s’ajouter au “French Tech Ticket”, un dispositif qui vise à aider 70 start-up (45k€/projet, hébergement de 12 mois dans un incubateur, un accompagnement sur mesure). Chose peut-être surprenante, les pays candidats au French Tech Ticket sont américains mais aussi ukrainiens, indiens, russes ou encore chinois. Autre signal, l’ouverture en avril 2017 du campus Station F dont la vocation est de devenir “le plus grand campus de start-up au monde.” Clairement, il semblerait bien que la France soit en train de se mettre en ordre de marche pour accueillir talents, investisseurs et start-ups venant des quatre coins de la planète.