Le contrôle des chômeurs a été réformé par décret le 31 décembre dernier. Les sanctions s’appliquant à ceux qui refusent à plusieurs reprises une « offre raisonnable d’emploi » ont notamment été durcies. Mais de quoi s’agit-il, au juste ?
Le Code du travail définit l’offre raisonnable d’emploi (ORE) comme une offre émanant de Pôle emploi, dont « la nature et les caractéristiques de l’emploi recherché, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu », ont été déterminés au sein du projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) du chômeur, au moment de son inscription, avec un conseiller. Parmi les autres critères fixés conjointement : la nature de l’emploi, le volume horaire et la distance géographique entre le lieu de travail et le domicile.
Jusqu’ici, le Code du travail définissait aussi l’ORE comme une offre concernant un « emploi compatible avec les compétences professionnelles » du chômeur, et « rémunéré à au moins 95 % du salaire antérieurement perçu ». Après 6 mois d’inscription, ce taux était porté à 85 % du salaire perçu antérieurement, et un autre critère venait s’ajouter à la liste : un temps de trajet en transports en commun, entre le domicile et le lieu de travail, « d’une durée maximale d’une heure ».
Le salaire antérieurement perçu ne justifie plus un refus
Le 1er janvier 2019, l’offre raisonnable d’emploi a toutefois vu sa définition restreinte. A ainsi été retirée des conditions prises en compte pour la déterminer, celle du salaire antérieurement perçu. Autrement dit, un salaire jugé trop bas par rapport à ce que le demandeur gagnait auparavant n’est plus un critère justifiant le refus d’une offre. Dans le Code du travail, a également été supprimée de la définition, la limite d’une heure de trajet en transport en commun. Toutefois, un demandeur d’emploi continue de pouvoir refuser « un niveau de salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et pour la profession concernée », un emploi à temps partiel (quand le PPAE prévoit un temps complet), ainsi qu’un poste « incompatible avec ses qualifications et ses compétences professionnelles. »
Que se passe-t-il si le demandeur d’emploi n’accepte pas une ORE ? S’il n’en refuse qu’une, rien. Mais au bout de deux refus consécutifs, « sans motif légitime », les allocations chômage sont supprimées par Pôle emploi pendant un mois ; puis deux mois en cas de deuxième « manquement » constaté, et quatre mois lors du troisième. À noter qu’il existe deux voies de recours possible. La personne dont les allocations ont été supprimées peut ainsi saisir administrativement Pôle emploi dans un délai de 2 mois, afin que le supérieur hiérarchique de l’auteur de la décision la sanctionnant examine les faits. Elle peut aussi déposer, dans un second temps, un recours contentieux devant le tribunal administratif.
« Un risque de double peine »
Face à ce durcissement des sanctions touchant ceux qui refusent plusieurs fois une ORE et au changement de sa définition, Tennessee Garcia, secrétaire général du Comité national CGT des travailleurs précaires et privés d’emploi, ne cache pas son inquiétude : « La suppression dans la loi de la référence au salaire antérieur comme condition déterminante d’une offre raisonnable d’emploi peut être une double peine pour le demandeur d’emploi : vous pourrez ainsi être forcé par Pôle emploi d’accepter une offre comportant une rémunération moins importante ; et si vous retournez au chômage par la suite, cela induira évidemment des allocations chômage moins élevées, puisqu’elles seront calculées sur ce salaire, qui était inférieur à celui que vous touchiez auparavant ».
Selon le syndicaliste, « on ne peut pas attendre de chaque salarié qu’il passe d’emploi en emploi, avec à chaque fois une rémunération qui diminue, alors que son expérience professionnelle et ses compétences / qualifications augmentent. Le risque, c’est que désormais les employeurs tirent les salaires à la baisse, et que petit à petit, les rémunérations soient réduites dans leur ensemble. Le critère du salaire antérieur est essentiel. C’est un mauvais signe envoyé aux salariés en général, pour leur indiquer que désormais, s’ils n’acceptent pas un emploi proposé ; ils seront plus facilement radiés qu’avant ».