Après avoir annoncé jeudi 12 novembre la prolongation des droits aux allocations chômage le temps du confinement, Elisabeth Borne planche sur une “modulation” des mesures de la réforme de l’assurance chômage. Objectif : limiter une baisse trop importante des indemnisations.
Jeudi 12 novembre, lors de la conférence de presse du gouvernement, Elisabeth Borne a annoncé que les droits des chômeurs arrivés en fin de droits seront prorogés pendant la durée du confinement. En parallèle, la ministre du Travail se penche avec les partenaires sociaux sur des “modulations” des mesures de la réforme de l’assurance-chômage. Sans toutefois reporter leur entrée en vigueur, fixée au 1er avril 2021.
Ainsi, même s’il a mis cette réforme sur “pause” depuis avril 2020, le gouvernement compte toujours la mettre en œuvre. Il se projette en direction d’un potentiel “retour à la normal” du marché du travail, qui se produirait d’ici le premier trimestre 2021, selon Les Échos. Mais face aux inquiétudes des syndicats, qui redoutent une fragilisation des demandeurs d’emploi, Elisabeth Borne a proposé des aménagements, destinés à faire évoluer les conditions d’éligibilité à l’assurance-chômage, et donc à éviter une baisse trop importante des indemnisations.
Une éligibilité à l’indemnisation assouplie pour les jeunes
Lors d’une réunion avec les partenaires sociaux, jeudi 12 novembre, la ministre a ainsi présenté des “pistes d’évolution” pour la plupart des mesures. La première “modulation” proposée concerne les conditions d’éligibilité à l’indemnisation. La réforme prévoit à l’origine de faire passer le seuil requis de 4 mois d’activité salariée nécessaire durant les 28 derniers mois, à 6 mois sur les 24 derniers mois.
Mais Elisabeth Borne propose désormais de limiter ce seuil d’éligibilité à 6 mois sur les 27 derniers mois, pour les chômeurs âgés de 26 ans et plus. Et à 4 mois de travail sur les 27 derniers mois pour les moins de 26 ans. Pour tous les chômeurs, le seuil de rechargement des droits passerait de 6 mois (prévus dans la réforme) à 4 mois. Selon le gouvernement, cet aménagement pourrait concerner entre 100 000 et 140 000 demandeurs d’emploi en 2021-2022, pour une économie estimée entre 350 et 400 millions.
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La création d’un salaire de référence plancher
Le gouvernement propose aussi de revoir la réforme du mode de calcul des allocations, visant à rendre le système plus incitatif à la reprise d’emploi. En avril 2021, elles seront calculées sur le revenu mensuel moyen du travail. Le calcul du salaire journalier de référence devrait ainsi prendre en compte les jours travaillés au cours des 12 derniers mois, mais aussi les périodes d’inactivité. Pour un même travail, il serait alors identique entre une personne ayant travaillé en continu et une autre ayant alterné contrats courts et inactivité. Seuls les allocataires ouvrant des droits à compter de janvier 2021 seront concernés.
Tout en souhaitant le maintien du calcul suivant le revenu mensuel moyen, Elisabeth Borne envisage désormais la création d’un “salaire de référence plancher”, en dessous duquel le salaire journalier de référence ne pourrait pas descendre. Objectif : éviter que certains chômeurs, souvent des précaires alternant chômage et contrats courts, ne se retrouvent avec une allocation trop basse. Selon Elisabeth Borne, entre 130 000 et 440 000 demandeurs d’emploi seraient concernés selon le plancher retenu, pour un gain dans les dépenses de l’Unédic de 150 millions à 600 millions.
Une dégressivité de l’indemnisation déclenchée un mois plus tard
La dégressivité de l’allocation chômage pour les plus hauts salaires , mise en place en novembre, devrait commencer à s’appliquer en avril 2021, pour les demandeurs d’emploi inscrits à partir de novembre 2019. Les modalités d’indemnisation tenant compte du niveau de revenu, les salariés de moins de 57 ans qui avaient un revenu du travail supérieur à 4 500 euros bruts par mois étaient jusqu’ici sensés voir leur indemnisation réduite de 30 %, à compter du début du 7ème mois d’indemnisation, un plancher de 2 261 euros nets étant fixé.
Désormais, Elisabeth Borne envisage un “décalage” de l’abattement des allocations au 8ème mois. 90 000 personnes seraient concernées, pour des économies estimées à 90 millions d’euros.
Un bonus-malus sur les contrats courts renvoyé à 2023
Le “bonus-malus” pour les entreprises qui abusent des contrats courts, mis en place le 1er janvier 2020 pour les entreprises de plus de 11 salariés de 7 secteurs, devrait entrer en vigueur le 1er mars 2021. Pour rappel, ce dispositif consiste à pénaliser les entreprises qui ont recours à un trop grand nombre de CDD et, au contraire, à récompenser celles qui privilégient les embauches au long cours – en modulant les cotisations à l’assurance chômage en fonction de leur utilisation.
La ministre du Travail propose de décaler la période prise en compte, et donc l’application des nouveaux taux de contribution. L’entrée en vigueur de la modulation des cotisations chômage employeur (bonus-malus) devrait ainsi être renvoyée à avril 2023. Il s’appliquerait uniquement sur la cotisation 2023, mais Elisabeth Borne indique que cette date “fait partie des équilibres qui peuvent encore bouger”.
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De nouvelles discussions à venir avec les syndicats
Ces propositions sont toutefois loin de satisfaire les syndicats. “Le scénario présenté est inacceptable, avec un gros déséquilibre entre les mesures de baisse de droits pour les demandeurs d’emploi et un bonus-malus qui entre en vigueur en 2023”, dénonce notamment Marylise Léon (CFDT).
La prochaine réunion entre l’exécutif et les partenaires sociaux, annoncée comme “décisive”, est programmée pour fin décembre. D’ici là, une série de “rencontres bilatérales”, avec chacun des syndicats, est prévue. Notamment pour aborder la question des demandeurs d’emploi de secteurs très affectés par la crise sanitaire, comme les saisonniers.
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