Les négociations entre partenaires sociaux sur les nouvelles règles de l’assurance chômage ont échoué. C’est le gouvernement qui tranchera, notamment sur la question sensible des contrats courts. Édouard Philippe indique ainsi « qu’à ce stade, personne » ne lui a « proposé une meilleure solution » pour « responsabiliser les entreprises », et que cela « reste donc sur la table »…
Le 26 février, Édouard Philippe a présenté la « méthode et le calendrier » de sa réforme : après de « larges consultations » qui se dérouleront durant plusieurs semaines avec le patronat, les syndicats, des élus et des associations, l’Etat fera évoluer les règles d’indemnisation au printemps, pour une mise en oeuvre par décret, dès l’été 2019.
Pour sa réforme, dont le but est de faire économiser à l’Unedic entre 1 et 1,3 milliard d’euros par an, le gouvernement s’en tient à sa lettre de cadrage envoyée aux partenaires sociaux durant leurs négociations. Il continue ainsi à soutenir l’idée d’un bonus-malus sur les contrats courts, et confirme sa volonté de durcir les règles d’indemnisation, en particulier pour les plus hauts salaires.
La possible instauration d’un système de bonus-malus sur les contrats courts, afin de limiter les CDD abusifs faisait partie des sujets sur lesquels patronat et syndicats n’ont pas réussi à se mettre d’accord. Ainsi, le Medef et la CPME (Confédération des PME) craignent un renchérissement du coût du travail – tandis que pour les organisations syndicales, un tel mécanisme permettrait de faire reculer la précarité.
« La plupart des entreprises aimeraient engager plus de CDI, mais elles connaissent de plus en plus de pics d’activité, qui les obligent à adapter leur masse salariale. Et vous avez aussi des activités qui, intrinsèquement, ne fonctionnent qu’avec des contrats courts : les services à la personne, l’hôtellerie-restauration, les traiteurs… C’est une réalité. Avec un système de bonus-malus, les organisations, quel que soit leur secteur, perdraient la maîtrise du coût de leur masse salariale, ce qui serait problématique », note François Asselin, président de la CPME.
Pour lui, l’effet pervers d’un bonus-malus sur les contrats courts pourrait être « d’empêcher les entreprises de répondre à des pics d’activité », de freiner l’innovation, et donc la création d’emplois. Et de prôner plutôt, pour lutter contre les contrats courts, le développement de groupements d’employeurs, qui permettraient de « mutualiser » les salariés – en les faisant travailler pour plusieurs entreprises, leur temps de travail étant partagé entre ces structures. « Le salarié bénéficie d’un temps plein, et l’entreprise peut employer quelqu’un à temps partiel. En généralisant cela, l’Unédic serait aussi soulagée, puisque quand les gens travaillent, ils ne pointent pas au chômage ! « , lance François Asselin.
Contrairement à la CFDT et à Force Ouvrière, qui défendent le projet du ministère du Travail, la CGT refuse l’idée d’un « bonus », et ne garde que l’idée du « malus ». Car « baisser les cotisations d’un côté après les avoir augmenté de l’autre serait dangereux et ne réglerait en rien le problème du financement de l’assurance chômage », explique Denis Gravouil, ex-responsable des négociations pour le syndicat à l’Unédic.
L’OFCE propose une « contribution unique dégressive »
Le 26 février, Édouard Philippe a rappelé « qu’à ce stade, personne » ne lui avait « proposé une meilleure solution » qu’un système de bonus malus pour « responsabiliser les entreprises », et que cela « reste donc sur la table ».
Pourtant, en décembre dernier, une proposition alternative de l’OFCE avait été retenue par la Délégation aux entreprises du Sénat : une « contribution unique dégressive ». Il s’agirait d’une surcontribution, qui serait applicable durant les 6 premiers mois de tout contrat (quel qu’il soit), mais qui serait ainsi dégressive selon l’ancienneté du CDD / CDI / intérim, afin de pénaliser plus fortement les durées de contrat les plus courtes. “Le principe de base, c’est qu’on n’augmente pas le coût du travail, et que cette contribution est calculée pour être neutre ; le but, c’est que les comportements s’ajustent”, explique Éric Heyer.
Avec cette surcontribution dégressive, pas de “punition” : “dans un système classique de bonus-malus, avec des tarifications en fonction des risques, si vous avez trop de sinistres, on ne vous assure plus. Avec l’assurance chômage, on continuerait de vous assurer. Mais simplement, on instituerait une tarification en fonction du comportement”, note l’économiste.