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Ces travailleurs qui exercent plusieurs métiers

Élément essentiel des sociétés archaïques, la pluriactivité se retrouve aujourd’hui à la pointe des mutations sociales et économiques. Elle concerne à la fois des ruraux et des urbains, des employés peu qualifiés ou des cadres et révèle des motivations composites.

S’il n’existe pas de définition officielle ou unanimement reconnue de la pluriactivité, pour le sociologue Jean-Pierre Boudy, elle peut se définir comme l’exercice de plusieurs activités différentes, simultanément ou bien successivement dans la même année. Concernant des centaines de milliers de personnes en France, elle fait appel à des motivations diverses. Chez les actifs du secteur tertiaire, les saisonniers ou les agriculteurs, elle est historiquement liée à une nécessité vitale et majoritairement subie. Également motivée par des facteurs économiques, elle est moins contrainte chez des personnes multi-actives qui le sont afin de valoriser certains atouts ou un patrimoine, au travers par exemple de la location d’un gîte, souligne Jean-Pierre Boudy. Troisièmement, une multiactivité de “plaisance” existe chez des individus qui ne se sentent pas entièrement satisfaits par leur activité principale et ressentent le besoin de s’exprimer dans une activité “passion”.

 

Un phénomène qui s’amplifie

Si la majorité des pluriactifs exercent plusieurs emplois salariés chez des employeurs différents, selon l’Insee depuis 2010 la proportion de salariés à titre principal qui ont une occupation secondaire non salariée s’est accrue, notamment en raison de la création du régime d’auto-entrepreneur. Autorisé par la loi, le cumul d’activités est limité à 48 heures par semaine et 44 heures sur 12 semaines consécutives pour les pluriactifs salariés, détaille Déborah David, juriste au cabinet Jeantet et associés. Un seuil maximal qui ne s’applique pas dans le cas où l’employé occupe à côté une fonction non salariée tel qu’auto-entrepreneur, ou pour les professions indépendantes comme les agriculteurs.
Face à la raréfaction de l’emploi stable et dans le contexte de la révolution numérique, pourvoyeuse de nouvelles formes de travail “hybrides”, la pluriactivité pourrait continuer à se développer, voire à remettre en cause l’organisation du travail.

 

3356.HRLaëtitia Bosmans, exploitante agricole à Bonnac (15) et femme de ménage salariée dans une boucherie

Laëtitia Bosmans est exploitante agricole en fromages de chèvres fermiers, une activité qu’elle exerce avec son compagnon Jérôme : “De 6h30 jusqu’à 10h du matin, je traie les chèvres, puis de 11h à 13h j’assure la livraison des fromages, sauf les jours de marché. Jérôme lui s’occupe des champs, des marchés et le soir de la traite des chèvres en alternance avec moi.” Leurs métiers d’exploitants agricole ne leur assurant que 20 000 à 25 000 euros de revenus brut par an, Laëtitia est par ailleurs femme de ménage dans une boucherie l’après-midi. Un temps partiel qui lui rapporte 680 brut par mois pour 20 heures par semaine. En parallèle, le couple continue d’investir dans la ferme et dans une production de myrtilles avec laquelle il espère à terme gagner assez d’argent pour pouvoir se consacrer exclusivement à l’agriculture. En dépit des sacrifices – ses enfants passent beaucoup de temps avec leurs grands-parents – Laëtitia reste positive : “Nous adorons ce que nous faisons et nous nous disons que cette situation est temporaire.” Ces dernières années, la famille s’est accordée une semaine de vacances par an, en décembre, lorsque les chèvres ne produisent pas de lait.

 

Nicolas, chef de projet informatique et praticien de shiatsu

Actuellement, Nicolas gagne environ 3 000 euros par mois en exerçant la fonction de chef de projet à temps plein dans une société de conseil en informatique. En parallèle, il s’est formé à une thérapie manuelle japonaise qui lui rapporte 150 à 200 euros pour 4 séances par mois. À l’issue de ses études en 2013, Nicolas envisage dans un premier temps de devenir praticien de shiatsu à temps plein, avant de reprendre un emploi salarié en informatique : “J’ai réalisé que la création d’une clientèle prenait du temps et je n’avais pas envie de donner des soins 8 heures par jour. Je préfère travailler 5 à 6 heures dans une journée et proposer des séances de qualité, sans stress financier.” Son objectif à moyen terme : consacrer une journée par semaine au shiatsu, qui représenterait alors un vrai revenu complémentaire. Car pour lui, cette multiactivité lui permet d’équilibrer les différents aspects de sa personnalité, entre management d’équipe et écoute de l’autre. Toutefois, cette double casquette a déjà posé problème à certains de ses employeurs qui l’ont soupçonné d’être chef de projet informatique par défaut. C’est pourquoi, sur les réseaux sociaux professionnels, Nicolas préfère présenter son deuxième métier sous la rubrique loisirs.

 

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