Pour reconstruire Notre-Dame de Paris, mais aussi rénover le patrimoine français, des centaines d’artisans sont recherchés. Des couvreurs, des maçons, des charpentiers, mais aussi des tailleurs de pierre, des vitraillistes et des ébénistes. Pour en former davantage, des « Chantiers de France » devraient bientôt ouvrir, à Paris et partout en France. L’éclairage de Régis Penneçot, coordinateur national du réseau des Chambres de Métiers et de l’Artisanat (CMA) sur ce dispositif.
En quoi consisteront les Chantiers de France, et en quoi cela ira-t-il au delà de la reconstruction de Notre-Dame ?
Les Chantiers de France sont issus de rencontres préliminaires, en avril 2019, entre trois ministères (l’Education nationale, le Travail et la Culture), et des partenaires représentatifs de l’économie de la construction. Parmi ces organismes, on retrouve le réseau des CMA, mais aussi la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment), les Compagnons du devoir, Worldskills France (organisateur des Olympiades des métiers), et les Maisons Familiales Rurales, qui sont un acteur important de la formation en France. C’est Michel Guisembert, président du comité français des Olympiades des métiers, qui pilote ce projet et réunira tous ces acteurs au sein d’un consortium de compétences et d’excellence.
Sous l’autorité du ministère du Travail, les Chantiers de France regrouperont les centres de formation des apprentis et les lycées professionnels formant aux métiers de la construction et aux métiers d’art, dans toute la France. Ce programme est encadré par le projet de loi « Pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris », adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat en mai. Il stipule notamment que les fonds recueillis au titre de la souscription nationale sont destinés au financement de la reconstruction de la cathédrale, mais également de la formation (initiale et continue) des professionnels qui interviendront lors des travaux. Ce point est essentiel, car ce programme devrait ainsi permettre à un grand nombre de jeunes de se former à des métiers qui sont pour la plupart confrontés actuellement à une pénurie de main d’oeuvre.
Quels seront les métiers et les compétences visées ?
Nous avons listé une quarantaine de professions, qui font partie du secteur de l’artisanat, et qui sont concernées – du menuisier au maçon, en passant par le peintre, l’ébéniste, le doreur sur bois, le charpentier, le maître verrier, le couvreur, le tapissier décorateur, le ferronnier, le staffeur ornemaniste et le tailleur de pierre. Dans cette globalité de métiers, il faut en distinguer deux. D’abord, ceux du gros oeuvre, qui sont bien connus du grand public, qui restent en tension dans certaines régions, et qui font l’objet de cursus de formation proposés partout en France, comme les charpentiers, les tailleurs de pierre, les maçons ou les couvreurs. Ensuite, ceux du second oeuvre, qui sont plus rares, et qui sont confrontés à une double demande. D’abord, remplir les effectifs – car ceux-ci sont particulièrement faibles. Ensuite, la conservation des savoir-faire – avec le temps, ceux-ci ont tendance à être oubliés, et l’une des missions du consortium des Chantiers de Notre-Dame sera de les préserver, en reproduisant à l’identique la façon de travailler de ces staffeurs, doreurs, peintres décorateurs, vitraillistes ou ferronniers.
On estime que le chantier de Notre-Dame devrait recruter 500 personnes a minima. Et pour rénover le patrimoine sur tout le territoire, les besoins en artisans qualifiés sont encore plus importants. On compte 1,3 million d’entreprises artisanales en France, mais malgré cela, des métiers sont d’ores et déjà en tension. Il y a un manque de main d’oeuvre énorme, de même qu’un manque de compétences. Tel est ainsi l’objet du consortium des Chantiers de France : organiser les filières de formation, afin de perpétuer des savoir-faire et d’avoir davantage d’artisans qualifiés à la fin. Sans pour autant chercher à faire du nombre.
Au-delà, l’objectif des Chantiers de France est de participer à la rénovation du patrimoine français…
C’est difficile à dire, mais nous profitons de cet incendie et de la reconstruction de ce monument emblématique pour booster l’apprentissage des métiers manuels et la formation professionnelle. L’idée est de réussir à monter un véritable « chantier école », où la pratique traditionnellement dispensée en organisme de formation le serait directement sur place, à Notre-Dame, et pourquoi pas, partout en France. Nous avons recensé toutes les formations susceptibles d’intéresser la reconstruction de la cathédrale – effectifs, enseignants, cursus. L’objectif est aussi de passer des conventions avec un certain nombre de CFA et de lycées professionnels, pour qu’ils aient des classes et une partie de leurs locaux dédiés à la reconstruction de Notre-Dame. Mais notre objectif n’est pas de nous focaliser uniquement sur la formation initiale et les jeunes : nous misons aussi sur la formation de personnes en reconversion professionnelle.
Nous ne formerons pas du personnel uniquement pour un chantier qui durera 5 ans ou plus : l’idée, c’est aussi de pérenniser notre action, en entretenant plus largement notre patrimoine, qui est exceptionnel. Il nous faudra à terme être capable de déployer toutes ces personnes que nous aurons formées pour tout un ensemble d’autres édifices, qui ont bien besoin d’être restaurés. Nous cherchons finalement, à travers les Chantiers de France, à revaloriser des filières souvent considérées comme des voies de garage, et des métiers manuels, encore trop méconnus ou mal perçus, qui n’ont pas la reconnaissance qu’ils méritent.
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